L’ASMP met en ligne les interventions faites lors de ses entretiens du 28 novembre 2011.
« La disqualification de l’expertise : un risque grave pour la rationalité des décisions politiques »
Yves Brechet, Académie des Sciences, expose les faits. L’expertise est nécessaire, comme « intermédiaire entre la connaissance et l’action ». La disqualification peut prendre plusieurs formes : rupture du lien de confiance entre l’expert et le décideur, rejet par l’opinion publique, plus ou moins manipulée par des groupes de pressions ou des media, d’une forme d’expertise « officielle ».
Avec pour corollaire « la multiplication des « expertises parallèles », dites « indépendantes » et qui sont, pour reprendre le mot de La Rochefoucauld sur l’hypocrisie , un « hommage du vice à la vertu » : elles ressemblent à une expertise scientifique , en adoptent le vocabulaire technique, mais en ont rarement la rigueur ni la possibilité toujours offerte de vérifier les sources, de croiser les raisonnements, de tracer l’origine et les auteurs de l’expertise »
De nombreux domaines d’expertise sont concernés, en particulier quand « le sujet intéresse le public ». Car : « Intéresser le public » signifie quasi systématiquement « avoir la potentialité de l’inquiéter ».
Conclusion d’Y Bréchet : « Si nous sommes face seulement à un déficit de formation ou d’information, la situation est grave, mais elle n’est pas désespérée. Mais est-ce simplement cela qui explique l’actuelle disqualification de l’expertise ? On peut hélas craindre qu’une dévalorisation de la notion même de progrès soit à la racine du phénomène. (…) Si cette hypothèse devait être la bonne, il y a fort à craindre que nous soyons à très court terme mis dans la situation de cet empereur de Chine qui fit brûler les navires, sous prétexte que le monde ne valait pas d’être exploré, plongeant son empire dans quelques siècles de somnolence. »
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« La disqualification de l’expertise : quelques pistes pour lutter contre la disqualification des experts »
Gérald Bronner, professeur à l’Université de Strasbourg, part du constat que la disqualification des experts est liée à un « problème de concurrence sur le marché cognitif (c’est-à-dire cet espace fictif où se rencontrent des hypothèses, des idées, des connaissances et des croyances les unes et les autres pouvant être en concurrence) »
Or, « le fonctionnement normal du cerveau socialisé le conduit à trouver plus attractifs certains produits frelatés plutôt que les propositions de l’orthodoxie scientifique, » notamment en situation de risque faible. Gérald Bronner quelques exemples concrets significatifs de ces erreurs cognitives communes, très difficiles à débusquer.
Face à ce marché cognitif, il importe donc de raisonner en termes de marketing cognitif. Pour cela, les efforts doivent se tourner vers le debunking : procéder par images pour détruire les illusions cognitives et renforcer l’esprit critique entendu en tant qu’ « effort fait pour penser sa propre pensée ».
Malheureusement, il n’y a pas de recettes simples et rapides. G Bronner n’en donne d’ailleurs pas. C’est essentiellement un travail de longue haleine.
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La disqualification des experts : faits et remèdes (Académie des Sciences Morales et Politiques)