Pesticide Action Network Europe (PAN) et ses associations membres, dont Générations Futures (GF), lancent une nouvelle campagne pour tenter de terroriser les chaumières : « Halte à la perturbation dans les assiettes » (« Disturbing Food » in English). Selon GF-PAN, il faudrait cesser de manger salades, tomates, concombres et pommes… Campagne sans fondement scientifique et peu reprise. Analyse.
Une situation catastrophique selon GF-PAN
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Qu’en est-il sur le fond ?
Résumé de la présentation de l’étude par le Réseau Environnement Santé (RES), organisation sœur de GF : « Les laitues, les tomates, les concombres et les pommes sont les aliments avec en moyenne les taux de pesticides perturbateurs endocriniens les plus élevés. Les consommateurs européens pourraient être exposés à 30 résidus de pesticides différents avec des risques d’effets secondaires. Voici ce que révèle une enquête menée par l’ONG PAN‐Europe sur la base des données du rapport annuel de l’Agence de Sécurité Alimentaire Européenne (EFSA). C’est pourquoi PAN Europe en collaboration avec PAN Germany et Global 2000 a mis en place un guide pour les consommateurs intitulé « Halte à la perturbation dans les assiettes »»
Critiquable sur le fond
Définition incorrecte de la perturbation endocrinienne. GF-PAN donne une définition fausse des perturbateurs endocriniens (PE). Pour eux, les PE sont des composés chimiques capables de «perturber» le système endocrinien ». Devraient alors être considérés comme PE de très nombreuses substances synthétiques ou naturelles (par exemple le café !).
Ils « oublient » que, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un PE est une substance exogène ou un mélange qui altère les fonctions du système endocrinien et cause en conséquence des effets durables néfastes à la santé sur un organisme intact, ou sur sa progéniture.
Définition incorrecte des LMRs (Limites Maximum de Résidus).
Contrairement, à ce qu’écrit GF-PAN, les LMRs ne sont pas des limites de sécurité sanitaire. Liées aux Bonnes Pratiques Agronomiques, les LMRs sont établies bien en-dessous de toute limite de sécurité des aliments.
De plus, les dépassements de LMR sont exceptionnels (inférieurs à 3%). Enfin, les niveaux de résidus retrouvés sont eux-mêmes en général très inférieurs à ces LMRs.
Les « 30 résidus de pesticides différents », auxquels la population serait exposée selon GF-PAN, sont détectables uniquement parce que les laboratoires sont aujourd’hui capables de détecter des traces infimes, qui n’ont aucune signification concernant « des risques d’effets secondaires »
Des oublis volontaires.
Autre point relevé par Alerte-Environnement dans « La peur pour faire la promo du bio » : « PAN-Europe oublie (sciemment) des éléments essentiels dans son « étude ». Pas un mot sur les perturbations créées par les résidus de médicaments, notamment de la pilule contraceptive. Pas un mot sur les effets du cannabis. Seuls évidemment, les pesticides de synthèse sont accusés d’être PE. Pas un mot non plus sur certains pesticides bio comme l’huile de neem. »
Dans tous les arguments avancés par GF-PAN, on retrouve des oublis, des approximations, des amalgames de vrai et de faux, etc.
De nombreux points mériteraient une analyse plus approfondie.
Ignorance de GF-PAN des pratiques agricoles
L’étude de GF-PAN « ignore » également les progrès d’une part des produits phytos eux-mêmes d’autre part des pratiques agricoles depuis de nombreuses années.
Voir par exemple « Histoire de la protection phytosanitaire » sur ForumPhyto
Les doses, les niveaux de sécurité des produits, les techniques d’application, la formation des producteurs, etc. évoluent continument depuis 50 ans et plus.
Les performances des laboratoires se sont considérablement améliorées. On détecte aujourd’hui des traces qui n’ont aucune signification toxicologique, traces qu’on ne retrouvait pas il y a 20 ans ! Mais, dans les FAITS, il y a de moins en moins de résidus (et non pas de plus en plus) dans les aliments.
Aujourd’hui, et particulièrement en serres, les producteurs utilisent des pollinisateurs et des auxiliaires biologiques pour protéger leurs cultures. Ils emploient des produits phytos qui les ménagent.
Aujourd’hui, du fait du progrès des connaissances agronomiques, les producteurs connaissent beaucoup plus intimement les cycles de leurs cultures, des parasites, des auxiliaires
Aujourd’hui, les producteurs utilisent des Outils d’aide à la décision pour éviter l’emploi inutile de phytos.
Aujourd’hui, comme hier, les producteurs utilisent les outils techniques dont ils disposent pour respecter leur propre santé, leur environnement, et la santé du consommateur.
Plus les producteurs sont formés et informés, meilleur sera leur travail. Et, pour mieux protéger le consommateur et l’environnement, il y a besoin d’encore plus de formation, d’outils diversifiés et performants, de recherche, d’innovation, etc. Et non pas de retour vers une agriculture supposée « naturelle » qui n’a jamais existé.
Irresponsabilité de GF-PAN quant à la santé publique
Heureusement, pour l’instant, l’audience de cette campagne calomnieuse et scandaleuse est relativement faible en dehors des cercles militants anti-pesticides…
Mais il faut être vigilants.
Le plus grave de l’étude de GF-PAN est bien dans le conseil d’éviter certains fruits et légumes, et ce faisant d’introduire une défiance injustifiée sur tous les fruits et légumes.
Or la consommation de Fruits et Légumes est un facteur essentiel et reconnu de santé publique.
Le message de GF-PAN doit donc être dénoncé pour ce qu’il est : irresponsable et même criminel envers la santé publique dans l’Union Européenne.
Il serait utile que les pouvoirs publics nationaux et européens réagissent officiellement contre de tels agissements.