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Compil OGM Séralini (suite)

29 sept. 2012

Gilles-Eric Séralini

GE Séralini

L’affaire Séralini a continué à faire couler de l’encre cette dernière semaine. Mais l’émotion a laissé place à la réflexion. Les premières analyses de l’étude elle-même par des scientifiques conduisent au minimum des interrogations et quelquefois à des sarcasmes…
Il faudra patienter encore pour avoir des avis plus finalisés et complets.
Mais, c’est surtout l’aspect médiatique du coup de force de Séralini qui est maintenant analysé par la plupart des médias et jugé le plus sévèrement par la communauté scientifique. Nouveau tour d’horizon.

 

 

Les articles les plus importants pour faire le tour du débat

L’explication donnée par l’AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique) est sans doute la plus complète, en particulier sur l’analyse des circonstances et des conséquences du « coup politique » monté par Séralini.
La lecture intégrale de « Les dégâts collatéraux d’une « étude choc » sur les OGM qui fait « pschitt » » vaut la peine.

Sous le titre : Postures empoisonnées : les chercheurs qui travaillent sur un sujet controversé devraient prendre garde à la façon dont ils promeuvent leurs résultats » (in English), la célèbre revue scientifique Nature exprime le mécontentement profond de la communauté scientifique internationale. Condamnant sévèrement l’exclusivité attribuée à un média grand public qui a empêché délibérément l’expertise sur le fond de l’étude, Nature conclut : « Ce qui doit être évité, ce sont les débats polarisés, pas les OGM »

Dans Le Monde, un collectif de scientifiques lance un appel pour « un débat raisonné sur les OGM ». Le point fort de leur appel : « L’hypermédiatisation, savamment organisée, de cette étude dont certaines faiblesses ont déjà été pointées, le fauchage volontaire et systématique des rares parcelles dédiées à l’expérimentation scientifique de long terme conduite par des établissements publics, sont autant d’entraves à un débat serein. Pour l’apaiser, nous suggérons que des fonds suffisants soient alloués à l’équipe ayant publié cette étude pour vérifier leur observations de façon complète et rigoureuse, en partenariat étroit avec l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation et de l’environnement. »

Sous le titre « NK603 », Marcel Kuntz, CNRS, sur son blog  publie un article et compilation, mise à jour régulièrement, de réponses scientifiques d’experts.
« NK603 : C’est le nom d’un caractère transgénique introduit dans le maïs qui vient d’accéder à la « célébrité mondiale » grâce à une opération médiatico-politique d’un lobby écologiste, le Criigen (publication scientifique de Séralini et coll., sortie d’un livre, d’un film, article dans le Nouvel Obs, etc.); le tout remarquablement coordonné et organisé, comme toujours chez les anti-OGM. Et accompagné d’un scénario digne de roman de série noire (étude avec nom de code, importation rocambolesque des grains en provenance du Canada, maintien du secret devant de soi-disant menaces, etc.). A noter que si quelqu’un souffre de menaces, c’est bien la recherche publique qui voit ses essais détruits systématiquement. »

Sous le titre « Lacunes, résultats inexplicables: l’étude anti-OGM sur la sellette », JF Narbonne, toxicologue, « OGM sceptique » déclaré, dénonce avec force l’étude anti-OGM et l’opération médiatique démagogique :

L’article du New Scientist repris et traduit par GoodPlanet.info est une explication claire sur les problèmes présents dans l’étude et les conditions de  sa publication.

 

 

Apparemment, les militants anti-OGM ne s’effraient pas des critiques contre Séralini…

OGM Santé lance une pétition sans même mentionner des doutes possibles sur l’étude. Voir la pétition

Et évidemment, tous les scientifiques qui dénoncent l’étude de Séralini sont des suppôts de Monsanto !!!
Exemple avec Bastamag http://www.bastamag.net/article2651.html

Cette Interview d’Eric Meunier, Inf’OGM dans l’Humanité est révélatrice de la logique d’Inf’OGM, organisation anti-OGM :
« Que se passera-t-il si la communauté scientifique réfute les conclusions de l’étude ?
Éric Meunier. Il faudra alors se pencher sur ses arguments et voir comment les utiliser contre les études délivrées par les entreprises. Par exemple, si on reproche au Criigen de se baser sur des tests effectués sur 200 rats, alors il faudra remettre en cause toutes les études basées sur 200 rats ou moins qui assurent que les OGM ne sont pas dangereux pour la santé…»
Il s’agit typiquement d’une approche militante : Il n’est aucunement question de reconsidérer leur position ; ne serait-ce que de l’envisager !
On est là effectivement très loin d’une approche scientifique.

 

Il doit être clair une nouvelle fois qu’il ne s’agit pas, pour ForumPhyto, de trancher sur la validité technique, économique, voire politique des OGM, qui mérite un débat en soi. Malheureusement, l’initiative de Séralini ne contribue qu’à obscurcir et empoisonner ce débat (comme relevé par Nature, voir plus haut).
« L’affaire Séralini » aura des conséquences importantes, pas seulement en ce qui concerne les OGM. Mais aussi dans tous les sujets à enjeu sociétal fort.
Si l’on est pessimiste, on peut se demander si la logique de peur va l’emporter.
Si l’on est optimiste, on peut espérer que les médias sauront maintenant mieux faire la différence entre controverse scientifique et débat politique.
Eclairer le débat, le rendre intelligible pour l’ensemble du public, peut contribuer à ce que l’hypothèse optimiste l’emporte.

 

 

 

 

Pour ceux qui veulent aller plus  loin :

Les anti-OGM militants accepteront peut-être la critique de David Spiegelhalter, spécialiste du risque au laboratoire statistique de l’université de Cambridge, sous forme d’humour anglais. Sous le titre « des rats et des OGM » (in English), après une critique sévère de Séralini, il conclut « je suis reconnaissant aux auteurs d’avoir publié cet article. Il me fournit un parfait cas d’école pour montrer à mes étudiants en statistiques ce qu’est une étude mal conçue, des résultats mal analysés et des conclusions erronées. Je vais l’utiliser immédiatement. »

Sous le titre « Les rats ont souffert de quoi : des OGM ou du BPA ? » (in English), Emily Willingham, blogueuse scientifique US, fait une analyse détaillée des conditions de l’expérience de Séralini. Elle montre également comment les données mêmes fournies par Séralini peuvent mener à des conclusions très différentes. Enfin, elle apporte des preuves convaincantes de l’interférence probable avec des perturbateurs endocriniens non contrôlés lors de l’expérience : BisphénolA provenant des cages, soja présent dans la ration, etc.

Philippe Jourdrier, INRA, expert en biotechnologies, interviewé par WikiAgri explique pourquoi, selon lui, « Les limites de l’étude anti OGM (de Séralini) renforce le bien-fondé des biotechnologies »

Dans le JDLE (Journal de l’Environnement), habituellement sensible aux thèses environnementalistes, sous le titre « OGM : après la surprise, la critique », R Loury fait la part des choses et expose les arguments des scientifiques critiques et de Joël Spiroux de Vendômois, président du Criigen, co-auteur de l’étude. Il évoque également les aspects médiatiques d’une part et le financement par Auchan et Carrefour d’autre part, mais là-aussi en donnant les arguments de chacun.

Evoquant l’ »Affaire Séralini », Agro-media pointe surtout que Séralini veut choisir les experts qui examineront son étude…

Sous le titre « Etude de Séralini sur les OGM : quand va-t-on retrouver la déontologie scientifique ? », le témoignage de Marcel Kuntz sur le site du NouvelObs dénonce la provocation (Séralini ne veut pas transmettre ses données à l’EFSA…) et la logique de confrontation des militants anti-OGM.
Sa conclusion : « Une pensée autrefois visionnaire dans sa prise de conscience de l’impact des activités humaines sur l’environnement, et qui a su provoquer des changements d’attitude salutaires, s’est enfoncée dans l’idéologie. Contredite par les données scientifiques sur beaucoup de ses fausses alertes, celle-ci a créé sa propre science parallèle toute acquise à sa vision du monde, où l’auto-proclamation « citoyenne » remplace la déontologie. »

Dans un article sur Allodocteurs.com, Louis-Marie Houdebine, INRA, « père de la transgénèse, après une critique très factuelle conclut : « d’autres expériences ont été menées sur des temps plus longs : deux ou trois générations sur plusieurs sortes d’animaux et il n’y a jamais eu de problèmes. Donc, ça ne remet pas en cause la production OGM qui est quand même beaucoup plus fine et beaucoup plus gentille que la sélection génétique en aveugle et les mutations qu’on fait avec des agents chimiques. » »

Western Farm Press (USA), sous le titre « l’étude maïs OGM et rats rejetée par les scientifiques US », qualifie l’étude des chercheurs français de « bizarre » (en français dans le texte). Dr Martina  Newell-McGloughlin, Université de Californie y déclare ; « l’étude se révèle être sans valeur scientifique ». Dr Bruce M. Chassy, Université de l’Illinois, souligne : « le but de cette étude n’était pas de produire une information scientifique nouvelle, mais d’influencer négativement l’opinion publique sur les plantes OGM. »

Voir les articles précédents sur ForumPhyto : « Compil « OGM dans les médias » : Carton rouge pour Séralini ?« , « OGM, prudence : le déguisement ne fait pas le scientifique »