Sous le titre « La société de l’information a-t-elle noyé notre esprit critique ? » France Culture a consacré un de ses matins au sociologue Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’Université de Paris-Diderot, dont le livre La démocratie des crédules vient d’être publié aux PUF (Presses Universitaires de France). On peut également écouter une interview plus courte sur France Inter.
Fruit d’une longue évolution, notre cerveau fonctionne souvent en se basant sur le lieu commun « Il n’y a pas de fumée sans feu ». Face à une information douteuse, il a « des raisons d’y croire » écrit Gérald Bronner. Mais cela ne signifie pas qu’il a « raison d’y croire »
G Bronner démonte les mécanismes de ce piège cognitif, en partie utile pour le chasseur-cueilleur, mais qui se révèle contreproductif dans notre monde de massification de la diffusion de l’information. Et dramatique pour l’information rationnelle.
Le véritable « marché de l’information » auquel nous avons affaire dans notre société offre plus de place à la contrefaçon et aux balivernes qu’à l’information établie sur des données scientifiques solides.
Pour Gérald Bronner : « La concurrence (de l’information) sert le vrai. Trop de concurrence le dessert. »
Extrait de la présentation du livre en 4° de couverture : « Pourquoi se méfie-t-on toujours des hommes de sciences ? Comment, d’une façon générale, des faits imaginaires ou inventés, voire franchement mensongers, arrivent-ils à se diffuser, à emporter l’adhésion des publics, à infléchir les décisions des politiques, en bref, à façonner une partie du monde dans lequel nous vivons ? N’était-il pourtant pas raisonnable d’espérer qu’avec la libre circulation de l’information et l’augmentation du niveau d’étude, les sociétés démocratiques tendraient vers une forme de sagesse collective ?
Cet essai vivifiant propose, en convoquant de nombreux exemples, de répondre à toutes ces questions en montrant comment les conditions de notre vie contemporaine se sont alliées au fonctionnement intime de notre cerveau pour faire de nous des dupes. Il est urgent de le comprendre. »
La critique de Vincent Giret sur Libération, intitulée « Le grand méchant doute« , est surtout orientée sur le journalisme et souligne les trois grands responsables de ces fausses croyances: « L’un qu’il faut savoir apprivoiser, le fonctionnement de notre esprit ; un autre qu’il faut analyser, le fonctionnement de nos démocraties ; un troisième, enfin, que l’auteur voudrait réguler ou même policer, le «marché cognitif» né du développement fulgurant des technologies de l’information, c’est-à-dire l’espace dans lequel se diffusent hypothèses, croyances et explications implicites ou explicites du réel »
La conclusion de la critique de Sébastien Le Fol sur son blog lié au Figaro mérite également d’être soulignée :
« Partant de constat alarmant, comment rétablir la confiance des citoyens sans laquelle il ne saurait y avoir de vie démocratique sereine ? Bronner appelle de ses vœux une « démocratie de la connaissance », dont il reste à préciser le contenu. Si l’auteur ne stigmatise personne, il appelle les acteurs de la connaissance, au premier rang desquels les journalistes et les scientifiques, à prendre leurs responsabilités. Et les politiques dans tout ça ? Eux aussi devraient se remettre en question. »
La démocratie des crédules, Gérald Bronner, PUF 2013