Europe et international, Union Européenne

Les néonicotinoïdes dans la tourmente

19 mars 2013

Le 15 mars 2013, l’UE a décidé… de ne rien décider. La proposition de la Commission Européenne de suspendre certains usages sur grandes cultures de trois néo-nicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) n’a pas obtenu de majorité qualifiée. Elle n’a donc été ni approuvée, ni rejetée. La Commission maintient sa proposition. Un nouveau vote devrait avoir lieu d’ici deux mois.

 

Sous le titre « L’UE ni contre, ni pour… », La France Agricole rend compte de façon détaillée et claire des différentes positions. Ainsi, la Commission Européenne « peut soumettre une nouvelle fois [la proposition] au comité d’experts, avec l’espoir que les pressions de l’opinion publique incitent les abstentionnistes à adopter une position plus tranchée. » L’UNAF (apiculteurs français) fait part de « sa grande déception ». Greenpeace enjoint Stéphane Le Foll : la France «  doit interdire tous les néonicotinoïdes ». La division chimie de Bayer « voit dans les résultats du vote une « chance de parvenir à une solution juste et équitable. »

Sous le titre « Les néonicotinoïdes restent autorisés », Europolitique résume la situation. Le N° 2 de Syngenta, John Atkin y indique : «  Nous sommes heureux que les États membres n’aient pas appuyé la proposition honteusement politique de la Commission européenne »

Avaaz, ONG généraliste, au contraire déplore : « l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont cédé à la pression de l’industrie »

Alerte Environnement relève le poids du lobbying apicole dans la discussion… jusqu’à l’absurde puisque l’Italie citée en exemple comme non utilisateur des néonicotinoïdes les utilise en fait massivement sur maïs en micro-granulés, c’est-à-dire à des doses bien supérieures au traitement de semences.

La plupart des médias, même non environnementalistes, considère le danger des néonicotinoïdes envers les abeilles comme réel et avéré.
Par exemple, Les Echos titre : « Pesticides : les Vingt-sept divisés sur le sort des abeilles » et poursuit : « L’interdiction des pesticides mortels pour les abeilles n’a pas pu être adoptée. »

Le point de vue de Bio-addict est bien sûr plus tranché : « Mortalité des abeilles par les pesticides : l’Europe s’en fout ! ». « Ces pesticides vont donc continuer tranquillement à tuer les abeilles. (…) Les arguments avancés par l’industrie des pesticides ont plus d’importance que ceux avancés par les experts scientifiques de la Commission Européenne ».

Politiquement, médiatiquement, ce dossier est très difficile. L’industrie phytosanitaire et la profession agricole, qui souhaite pouvoir utiliser les néonicotinoïdes, sont simplement vues comme des « tueurs d’abeilles », manipulant les gouvernements.
Avant les prochaines réunions officielles décisives, elles devront être particulièrement actives pour, sinon renverser la tendance, du moins apporter des éléments concrets pour des solutions plus équilibrées.

Une simple interdiction des néonicotinoïdes serait un très grave coup dur pour l’agriculture européenne. Cet argument, certes insuffisant, doit être avancé.
De nombreux autres arguments existent : bonnes pratiques beaucoup plus efficaces, autres insecticides plus risqués…
Le plus important : en cas d’interdiction des néonicotinoïdes, les abeilles ne s’en porteraient pas mieux. Elles ont bien plus de soucis avec le varroa et le manque de nourriture.

 

Pour aller plus loin, quelques articles de fond sur la question des  néonicotinoïdes et des abeilles :
« Néonicotinoïdes : un nouveau scandale médiatique sans fondement ? », W Seppi, Contrepoints
« Les néonicotinoïdes, victimes d’un « eurodeal » ? », Agriculture et Environnement
« Le rapport de l’EFSA sur les risques associés aux néonicotinoïdes pour les abeilles est fondamentalement incorrect » (en français, in English), Syngenta