Pour Bastamag, pas de doute : « Les alternatives aux pesticides se développent partout… sauf en France», et la faute en est à une réglementation française tatillonne. Est-ce aussi simple ?
Pour en avoir le cœur net, Bastamag mène l’enquête en Espagne et en Allemagne. Malgré un certain retard administratif, l’Espagne a déjà adopté une règlementation spécifique sur les « fortifiants » (alias Stimulateurs de Défense Naturelle, SDN).
Or : « près de 500 produits étaient inscrits dans la catégorie des fortifiants en Allemagne. »
Mais « à Berlin, les choses bougent. Pour se mettre en conformité avec un règlement européen de 2009, l’Allemagne vient de réviser sa réglementation. […] Avec la nouvelle loi, tous ces produits doivent être réévalués avant d’envisager une réinscription. […] Le coût de l’examen général de la demande devrait avoisiner les 290 euros en Allemagne… contre 40 000 euros en France !
Cependant, « Pour le moment, la nouvelle liste allemande de fortifiants ne comprend que 46 produits, contre 500 auparavant. »
De plus, toujours en Allemagne, « des produits comme la poudre de lait ou le vinaigre blanc pourraient être considérés comme des « phyopharmaceutiques », un qualificatif appliqué aux pesticides chimiques. Leur commercialisation s’avérera donc beaucoup plus coûteuse. Les autorités publiques allemandes pourraient être aussi beaucoup plus strictes avec les produits à base de micro-organismes, auparavant autorisés. » Autrement dit, il faut clairement distinguer : SDN (fortifiants), produits peu préoccupants et micro-organismes. Il faudrait rajouter une 4° catégorie : les macro-organismes.
Globalement, les « alternatives aux pesticides » ne bénéficient donc plus, en Allemagne, d’une législation aussi favorable qu’auparavant.
Bastamag illustre son article avec cette photo et offre la parole à JF Lyphout, ASPRO-PNPP (Association pour les préparations naturelles peu préoccupantes), association connue pour son militantisme pour le purin d’ortie. Or, du fait de nombreux problèmes de stabilité et de régularité de composition, le purin d’ortie, s’il peut être une solution pour des jardiniers ou des producteurs à très petite échelle, n’est généralement pas adapté à une utilisation professionnelle. En mettant ainsi l’accent sur une solution marginale parmi des solutions alternatives, Bastamag montre clairement une intention avant tout militante.
D’autre part, dans leur précipitation à soutenir tout ce qui pourrait « réduire la consommation d’engrais artificiels et de produits phytosanitaires » (entendez : de synthèse), Bastamag et le lobby anti-pesticides en oublient les contraintes et limites agronomiques éventuelles des solutions « alternatives ». Même si elles sont plus « naturelles », elles ne sont pas forcément dépourvues d’inconvénients.
Et surtout, les solutions « alternatives » doivent pouvoir démontrer un minimum d’efficacité, laquelle peut être plus tributaire des conditions climatiques, de contraintes logistiques (durée de conservation, …) ou autres conditions plus difficiles à maîtriser.
Ces solutions « alternatives » ont déjà leur place dans l’arsenal des producteurs contre les bio-agresseurs des cultures. Au fur et à mesure de l’amélioration des connaissances et des techniques permettant d’accroître leur efficacité et de maîtriser leurs inconvénients, elles y auront une place grandissante.
Mais il ne sert à rien de les opposer aux solutions conventionnelles, aux pesticides de synthèse : Pour protéger l’environnement et améliorer la balance bénéfices/risques de la protection phytosanitaire, les deux approches sont complémentaires et même indissociables.
L’article de Bastamag est riche d’informations, mais inutilement caricatural.