Bonnes pratiques, Protection intégrée

L’agro-écologie, une agriculture du 3°millénaire ?

03 juil. 2013

Marion Guillou, ancienne présidente de l’INRA, a remis son rapport sur l’agro-écologie à S Le Foll, ministre de l’agriculture. Le point sur cette perspective qui pourrait être stimulante, si elle n’était pas aussi ambigüe.

 

 

Le rapport : de bonnes idées…

Marion Guillou dégage quatre lignes directrices, que l’on ne peut qu’approuver :

– Une agriculture « doublement performante » pour  nourrir le monde et respecter l’environnement : Sortir du dilemme, encouragement à la production agricole d’un côté, contraintes environnementales de l’autre, pour concevoir et mettre en œuvre des systèmes de production à la fois compétitifs et durables,

S’appuyer sur les démarches existantes : « Capitaliser les démarches de pionniers en France et à l’international. » Les démarches citées comme pouvant servir de point d’appui sont : agriculture biologique, agriculture de précision, agriculture  de  conservation,  agriculture  écologiquement  intensive, protection  intégrée, agroforesterie, agriculture raisonnée, agriculture à haute valeur environnementale.
– « Inciter plutôt que contraindre, car pour favoriser les démarches et pratiques innovantes, il faut éviter la sur-réglementation qui ne laisse plus de marge de manœuvre » est un autre élément important de son rapport : il faut « agir simultanément sur l’accompagnement des agriculteurs et leur environnement économique, technique et social »

– « Permettre une diversité de systèmes adaptés aux conditions locales, du milieu et de l’organisation des acteurs, et pour cela remettre au centre les groupes d’agriculteurs, leurs projets et leurs démarches agronomiques »

 

S Le Foll, ministre de l’agriculture, lors de la journée « Produisons autrement » de décembre 2012, était très imprécis quant à sa définition de l’agro-écologie. Voir « « Produisons autrement », « agro-écologie » : une auberge espagnole ? » sur ForumPhyto.
Le rapport de Marion Guillou est plus précis, ce qui est un point positif.

 

…souvent déjà appliquées

Il est cependant curieux de constater que Marion Guillou parle de l’ensemble des initiatives déjà existantes comme de « démarches de pionniers ». Elle précise même « Les milliers d’agriculteurs en France, les millions d’agriculteurs dans le monde qui pratiquent des agricultures doublement  performantes  montrent  que  cela  est  possible. »
Comme si la grande majorité des 600 000 chefs d’exploitation aujourd’hui ne se sentaient pas concernés !

Par exemple, une étude la société Datagri montre que « 82 % des agriculteurs conventionnels déclarent être certifiés Certiphyto, 48 % d’entre eux mènent une stratégie de diminution de dose, 31 % réduisent le nombre de traitements et 12 % la part de surfaces traitées. » (voir article de La France Agricole du 29 mai 2013 sur cette étude)
Certes, tout n’est pas parfait. Mais il ne faut pas prendre la plupart des agriculteurs pour des demeurés, des sous-informés ou des réfractaires à l’agronomie et à l’environnement.

En fait, cette façon de présenter la situation cache une difficulté profonde et difficile à résoudre, pour l’INRA comme pour les instituts techniques, et comme pour les techniciens et les producteurs : il ne suffit pas de décréter qu’on peut se passer de produits phytosanitaires. Il faut trouver des solutions techniquement et économiquement viables. Aujourd’hui, incontestablement, les producteurs et leurs organisations sont acteurs dans la réduction de l’impact environnemental, pour ce qui est de leur responsabilité : diminution des doses, formation, améliorations matérielles, outils d’aides à la décision, etc.
C’est le rôle de l’INRA que d’accélérer l’élaboration de solutions novatrices. Les producteurs attendent ces solutions ; avec impatience.

 

Comment le gouvernement va-t-il traduire ?

La traduction que va faire le gouvernement de ce rapport est cependant la question principale. En particulier, que veut dire « inciter » ?

Or, les premiers signes envoyés par le gouvernement sont plutôt alarmants : l’alourdissement de la fiscalité écologique (engrais, phytos, gasoil…) semble être l’outil principal et privilégié. Il ressemble plus à un bâton qu’à une carotte…

Le ministère a présenté ce rapport de façon  grandiloquente : Il est censé « faire entrer l’agriculture française dans le troisième millénaire. »
Certes, une grande perspective peut contribuer à faire bouger les choses. Malheureusement, le projet du ministère ressemble plus à un enrobage sucré de la pilule amère de la taxation.
Pendant ce temps les agriculteurs et leurs organisation, eux, agissent sur le terrain et dans le 21° siècle…

 

 

Pour aller plus loin :

Page du ministère consacrée à la remise du rapport de Marion Guillou : synthèse et rapport complet.

Interview de Marion Guillou par l’AFP sur le site du ministère de l’agriculture: « L’agroécologie ne fait pas baisser les rendements mais prend plus de temps »

AgriSalon : « L’agro-écologie et l’imagination au pouvoir dans les champs »

La France Agricole : « « Faire entrer l’agriculture française dans le troisième millénaire » (rapport Guillou) (+VIDEO) »

Terre-Net : « Le mode d’emploi pour concilier compétitivité et environnement »

ForumPhyto : « « Produisons autrement », « agro-écologie » : une auberge espagnole ? »

ForumPhyto : « Vers un alourdissement de la fiscalité écologique ? » (identifiant et mot de passe nécessaire)