Sous le titre « la peste soit des pesticides » (accès restreint), Que Choisir a enquêté sur les résidus de pesticides dans le vin. L’éditorial « Pesticides en bouteilles » est en accès libre. Que Choisir dénonce : « Les résultats de nos analyses sont alarmants (…) la totalité des 92 bouteilles analysées est contaminée. » Qu’en est-il ?
Reprise dans les médias
Que Choisir, association de consommateurs, ne fait pas partie des ONG[1] les plus extrémistes.
Il est donc compréhensible que leur enquête choc fasse le tour des médias. Cela n’a d’ailleurs pas manqué.
L’Indépendant titre « Pesticides dans le vin : « Que choisir » relance le débat »
France Bleu : « Des traces de pesticides dans tous les vins selon l’UFC-Que Choisir »
France Info : « Alerte aux pesticides dans le vin… même bio »
20 minutes : « Les pesticides toujours présents dans le vin »
Il en est d’ailleurs de même dans tous les réseaux sociaux.
A quelques rares exceptions près, tous reprennent l’alarmisme de Que Choisir.
Alarmisme délibéré
Certes, Que Choisir émet quelques nuances :
« on retrouve toujours beaucoup moins de résidus dans le vin que dans le raisin. »
Même si on trouve plus de résidus dans le vin que dans l’eau, « on consomme (en principe !) beaucoup moins de vin que d’eau. Il serait donc injuste de leur appliquer les mêmes critères. »
La viticulture utilise beaucoup de pesticides, mais « il faut dire que la vigne est la proie de nombreux ennemis (oïdium, mildiou, botrytis…) et nécessite beaucoup de soins pour produire de beaux fruits. » Etc.
Mais Que Choisir « choisit » bel et bien de noircir le tableau :
« Utilisation massive des produits phytosanitaires »,
reprise de l’enquête de Générations Futures sur les pesticides dans les cheveux (Plus de détails ici sur ForumPhyto),
« contamination »,
« inquiétante est la quantité totale de résidus dans plusieurs de nos bouteilles », etc.
Quelques éclaircissements
Face à un tel déluge, il faut préciser quelques points importants.
• Le recours aux produits phytopharmaceutiques est une nécessité pour garantir la qualité régulière des vendanges. Les traitements contribuent à protéger la qualité gustative d’une production. La lutte contre la pourriture grise ou l’oïdium est par exemple essentielle pour préserver le goût, les arômes, l’intensité colorante, et un potentiel de vieillissement correct.
• Le dossier parle des résidus de pesticides comme d’une « contamination ». Pourtant, à partir du moment où cette présence est le résultat « résiduel », normal, et conforme à la réglementation d’une application volontaire elle-même conforme à la réglementation, le terme de contamination est absolument impropre. L’emploi de ce terme n’a alors qu’un but : semer la confusion et l’angoisse. Sans raison.
Les résidus sont des résidus. Dans l’alimentation, ce ne sont ni des contaminants, ni des polluants.
• Certes, Que Choisir a raison : il n’ y a pas de LMR[2] définies pour le vin. Mais les analyses effectuées par Que Choisir révèle une présence très faible et très en dessous des niveaux de LMR définies pour le raisin de cuve. Or Les LMR sont d’abord des limites liées aux bonnes pratiques agronomiques et sont bien en dessous des limites de sécurité sanitaire.
• De plus, la comparaison que Que Choisir fait avec l’eau est totalement injustifiée : les limites fixées réglementairement pour l’eau sont un simple « zéro technique » des années 1980 ! L’objectif de la réglementation de l’époque était de n’avoir aucun pesticide dans l’eau distribuée. Or, à l’époque, les laboratoires ne pouvaient pas retrouver les pesticides en dessous de 0.1 microgramme par litre. Cette limite n’a aucune signification en termes de sécurité sanitaire. Que Choisir devrait simplement remercier les laboratoires d’améliorer leur performance.
• Certes, « la viticulture reçoit 20% du tonnage épandu en France » pour 3.7% des surfaces. Pourquoi Que Choisir n’explique-t-il pas les raisons fondamentales d’une telle utilisation ?
La vigne est une culture pérenne. La rotation des cultures et le changement rapide de variété ne sont pas utilisables. Celle-ci est donc plus sensible que les cultures annuelles à de nombreuses maladies (oïdium, botrytis, mildiou…) ou aux attaques d’insectes (vers de la grappe…). Le développement de ces ravageurs est lié aux conditions climatiques. Tous les types d’agriculture, même l’agriculture biologique, utilisent des pesticides pour protéger la vigne. Le traitement de la vigne n’est pas systématique, il dépend de la pression parasitaire. Si la pression est trop forte, la protection est indispensable et raisonnée : le bon produit, à la bonne dose et au bon moment.
De plus, pourquoi que Choisir n’évoque-t-il que l’augmentation de l’utilisation de pesticides entre 2010 et 2012, d’ailleurs faible et due à des facteurs climatiques ? Pourquoi ne pas avoir cité la baisse de près de 50% entre 1999 et 2011 ?
Tous ces faits conduisent à une conclusion : Que Choisir, en publiant cette enquête sous cette forme, a un but clair : entrer dans la course des semeurs de peurs. Peut-être y-voit-il un moyen d’augmenter sa notoriété… et le nombre d’adhésions.
Il est certes légitime de faire des enquêtes sur l’alimentation. De vérifier le respect de la réglementation. Et même, pourquoi pas, de titiller les professionnels pour qu’ils améliorent encore leurs pratiques.
Mais en jouant à ce point sur les peurs, sans discernement, cette « enquête » de Que Choisir est profondément malhonnête et irresponsable. Elle doit être fermement dénoncée comme telle.