La loi d’avenir agricole, voulue par Stéphane Le Foll est sur les rails. En matière de protection des plantes, le projet contient des dispositions essentielles. Certaines sont alarmantes : spécialement l’amoindrissement du rôle du ministère de l’agriculture et les obligations d’économie de produits phytopharmaceutiques.
Peu de nouveautés sur le fond.
Dans La France Agricole, « le président de la FNSEA s’est dit « déçu » face à un texte qui ne fait « qu’ajouter de la réglementation supplémentaire ». « On n’a rien vu ni entendu sur le couple recherche-innovation alors que certaines solutions ne pourront venir que de la recherche, quand on parle d’avenir », estime-t-il. »
La protection phytosanitaire est abordée dans le titre III, en particulier les articles 21 à 25 (page 43 à 48).
Le projet y est dans la continuité idéologique du Grenelle et d’EcoPhyto, initiés par le gouvernement précédent.
Les produits phytos ne sont cités que pour leurs risques. Jamais pour leurs bénéfices : la qualité des produits, la protection des cultures contre les ravageurs.
Un seul objectif : réduire les quantités utilisées.
On peut ne pas être contre certaines dispositions mineures, comme l’interdiction de la publicité des produits phytopharmaceutiques pour les particuliers. On ne peut même qu’approuver une épidémiosurveillance renforcée.
Des dispositions alarmantes
L’abandon de la séparation entre évaluation et gestion des autorisations concernant les usages des produits phytopharmaceutiques. Jusqu’à présent, l’ANSES (Agence de sécurité sanitaire) évaluait et la DGAL (Direction Générale de l’Alimentation) décidait. Cette séparation, considérée comme un acquis par les environnementalistes, permettait de clarifier les raisons pour lesquelles une autorisation était, ou non, accordée. Elle mettait l’évaluateur ANSES relativement à l’abri des pressions professionnelles et/ou environnementalistes
Mais depuis lors, les moyens humains et matériels accordés à la DGAL ont été considérablement réduits. Générations Futures, ONG anti-pesticides par principe, a profité de l’occasion pour attaquer la DGAL, plus sur une base d’intox que d’information réelle. Pourtant Stéphane Le Foll a littéralement lâché la DGAL et épousé la position de Générations Futures. Voir ici et ici sur ForumPhyto.
La proposition de loi d’avenir de S Le Foll est dans la continuité de ce lâchage.
Pourtant cette séparation de l’évaluation et de la gestion est la règle au niveau européen où l’EFSA évalue et la Commission décide.
Pourtant, selon une évaluation interne au ministère de l’agriculture, la séparation de l’évaluation et de la gestion du risque (et du bénéfice !) montre un bilan plutôt positif.
Pour le ministère de l’agriculture, fusionner l’évaluation et la gestion du risque parait « logique, afin d’effectuer des gains d’efficacité (ressources et temps) nécessaires dans le traitement des dossiers ». Pourtant, sur le plan économique, l’ANSES a des coûts supérieurs à celui de l’Administration. S’il devait y avoir fusion pour des gains d’efficacité, mieux vaudrait confier la tâche au Ministère de l’agriculture !
Pourtant cette séparation va séparer un peu plus les pouvoirs publics des remontées des producteurs et techniciens, les vrais acteurs de terrain.
Sur la rapidité des dossiers, le plus souvent, le ministère ne fait « que » signer des AMM, une fois que l’Anses a émis un avis. Lorsque les dossiers ne font pas l’objet de pressions environnementalistes abusives, le ministère sait faire preuve de rapidité !
On peut remarquer que l’Agence du médicament réalise déjà les évaluations et délivre les autorisations. Les crises pharmaceutiques successives ont clairement démontré que ce système n’est pas plus fiable.
Les certificats d’économies de produits phyto-pharmaceutiques.
Calqués sur les certificats d’économie d’énergie, ces certificats pourraient être une bonne idée. A deux conditions :
– ne pas faire des volumes utilisés une religion. Or, on l’a vu, il n’est pas question dans le projet de loi d’analyse bénéfices/risques. Il n’est question que de réduire les quantités.
– ne pas monter une usine à gaz. Or, aujourd’hui, rien ne laisse présager la simplicité…
Sans compter un obstacle de fond : la décision pour un producteur d’appliquer ou non un traitement, tient compte des circonstances locales, des conditions climatiques de la saison, de la pression parasitaire, etc. Imposer une réduction administrative en volume peut mener à des désastres en culture. Il est indispensable de bien valider sur le terrain et sur plusieurs années toute démarche avant d’en faire une obligation.
Dans ces conditions, on ne peut qu’être alarmés des conséquences de la mise en place de ces certificats auxquels pratiquement personne n’échappera : plus de 95 % des ventes des produits phytopharmaceutiques y seront soumis.
Rajouter de la réglementation à la réglementation…
Ce projet, globalement sans ambition, reste sur les présupposés idéologiques de l’écologie politique : le volume utilisé doit être réduit, indépendamment de toute analyse bénéfices/risques.
Il est lourd de bureaucratie. Le projet ne fait que rajouter de la règlementation supplémentaire, sans tenir compte des professionnels et surtout sans égard pour la compétitivité de la ferme France. Si elle était adoptée en l’état, cette loi constituerait une distorsion de concurrence de plus pour les producteurs français par rapport à leurs concurrents européens.
De plus, dans le contexte de quasi-subordination des pouvoirs publics aux exigences environnementalistes, l’abandon de la séparation entre évaluation et gestion des risques et le passage de l’homologation à l’ANSES donnerait un poids encore accru à l’évaluation uniquement du risque, et très peu des bénéfices de la protection phyto.
Le projet de loi est encore en discussion. Il est temps pour la profession de faire remonter ses remarques. En espérant que les pouvoirs publics sachent écouter la voie de la raison et de la vraie protection de l’environnement.
Pour aller plus loin : Lire l’intégralité du projet de loi d’avenir agricole (1.1MO) du gouvernement.