Sous le titre « Il n’existe pas d’agriculture tropicale sans pesticides », France Antilles publie une longue interview d’Eric de Lucy, président de l’Union des groupements de producteurs de banane de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN). Eric de Lucy y décrit les efforts de la filière antillaise de la banane, les distorsions de concurrence importantes avec les autres îles de la Caraïbe, les difficultés réglementaires et la nécessité de la protection phytosanitaire. Une explication pédagogique, calme et ferme sur le fond.
Le traitement aérien, seule solution disponible contre la cercosporiose noire, maladie qui demande une lutte coordonnée à l’échelle régionale, est fortement contestée par des ONG environnementalistes. Voir par exemple lettre ouverte aux ministres de l’écologie et de l’agriculture.
Pourtant, la directive européenne 2009/128 précise bien que l’épandage aérien peut être autorisé par dérogation « lorsque cette méthode présente des avantages manifestes, du point de vue de son incidence limitée sur la santé et sur l’environnement par rapport aux autres méthodes de pulvérisation, ou lorsqu’il n’existe pas d’autre solution viable, pourvu qu’il soit fait usage de la meilleure technologie disponible pour limiter la dérive. » Cette directive en définit les conditions précises dans son article 9.
Quand on lui demande s’il comprend ceux qui s’opposent aux traitements aériens, Eric de Lucy explique : « En toute objectivité et sans démagogie, je comprends qu’une partie de la population s’interroge sur la nécessité de maintenir ce type de traitement et, par déduction, sur l’utilité de maintenir la banane. Toute solution qui mettrait fin définitivement à l’épandage aérien serait une bonne solution. Mais quand je globalise toutes les menaces qui pèsent sur l’ensemble des filières, je me dis qu’il faut faire comprendre à chaque Martiniquais, Guadeloupéens, Réunionnais ou Guyanais que, s’il veut continuer à voir une agriculture fonctionner dans sa région, il doit prendre en compte la nécessité de faire appel à des produits phytosanitaires. Beaucoup de nos élus ont un discours écologique (vis-à-vis de la population, cela ne coûte pas cher) et pro-caribéens. Ne savent-ils pas que les îles de la Caraïbe autorisent des produits pratiquement tous interdits chez nous ? L’exemple le plus frappant est l’huile Banole, interdite l’année dernière : les bananes bio de la République dominicaine sont produites avec cette huile épandue par voie aérienne. Je n’ai entendu personne dire que le gouvernement de la République dominicaine était composé de criminels qui en voulaient à leur population! »
L’interview aborde de façon plus large les usages orphelins qui concernent les cultures tropicales : « les pesticides disponibles pour l’agriculture ultramarine ne couvrent que 20% de ses besoins. (…) Depuis deux ans, la canne est en grande difficulté car elle n’a plus d’herbicide. Je suis consterné par cette passivité du gouvernement face à l’hypothèse de la disparition de la banane et de la canne. »
L’intégralité de l’interview d’Eric de Lucy par France Antilles mérite attention.