Joël Labbé, sénateur du Morbihan, triomphe : tous les pesticides seront interdits pour les usages non agricoles à l’horizon 2020/2022. Tous? Dans tous les cas ? Qu’en est-il ? Quelle leçon en tirer ?
Une annonce tonitruante….
Les médias grand public et les réseaux sociaux anti-pesticides par principe crient victoire.
Quelques exemples :
Dans « Les pesticides interdits dans les espaces verts et les jardins », Le Monde donne la parole à Brigitte Allain, députée EELV, rapporteuse de la loi, qui se félicite : « Ce texte est une grande avancée qui va changer la vision et le comportement des gens par rapport aux pesticides. S’ils ont pu donner l’illusion d’une solution miracle pour leurs utilisateurs, ces produits sont avant tout dangereux, pour les hommes et les écosystèmes. »
Sous le titre « Le Parlement interdit les pesticides hors usage agricole à l’horizon 2020-2022 », 20minutes va dans le même sens. Seule nuance, il rend compte de l’opposition de l’UMP : « « Ce n’est pas de l’écologie que vous faites, c’est de l’écolobotomie », a lancé Jean-Charles Taugourdeau. Rejetant le terme « pesticides », il a souligné que sémantiquement, les produits phytosanitaires « sont faits pour soigner les plantes » »
Les ONG anti-pesticides se réjouissent, à commencer par Générations Futures qui mentionne toutefois quelques « bémols », reste donc vigilante, mais rajoute : « comme dit l’expression populaire « c’est toujours ça de pris » »
Sur les réseaux sociaux, les environnementalistes ne font que reprendre en boucle cette vision
… pour une loi un peu plus nuancée qu’il n’y parait
Cependant quelques médias plus neutres rendent compte des limites de cette loi. Par exemple France Inter ou les News Yahoo.
Avant la discussion au Sénat, dans « Zéro pesticides en Zones Non Agricoles et pour les particuliers ? », nous avions déjà signalé quelques nuances importantes.
La loi définitivement adoptée stipule :
– Une entrée en vigueur à un horizon relativement lointain. 2020 pour l’usage des produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques (État, régions, communes, départements, établissements publics…). 2022 pour les particuliers.
– Les produits autorisés dans le cadre de l’agriculture bio restent autorisés, quel que soit leur risque toxicologique
– Les produits de biocontrôle et les produits peu préoccupants restent autorisés. Cependant la définition de ces catégories restent encore floue…
– De nombreuses zones sont non soumises à l’interdiction : pistes d’aéroport, voies ferrées, bordures de routes, cimetières, terrain de sport. Sans doute également les espaces privés ouverts au public.
– Des dérogations sont prévues pour les traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles, présentant des dangers sanitaires de première catégorie (atteinte grave à la santé publique ou à la santé des végétaux et des animaux) et de deuxième catégorie.
Toutes ces limites sont une sorte d’aveu de la difficulté de plier la réalité à la loi…
Des conséquences potentiellement graves sur le long terme
Malgré ces limites, les ONG ne s’y sont pas trompées, c’est un succès pour les environnementalistes anti-pesticides par principe : En adoptant cette loi, le législateur affirme au public que les pesticides ne seraient que risques, qu’ils ne comporteraient pratiquement pas de bénéfices pour la société.
Référence Environnement, dans un article (accès restreint), rend compte de la position de l’UPJ (firmes phytos pour les zones non agricoles) qui, en signe de protestation, se retire des accords cadre volontaires, qu’elle avait mis en place, pour encadrer et réduire l’utilisation des pesticides. Jacques My, directeur de l’UPJ, déplore « nous avons été actifs dans ce sens, et nous nous sentons désormais dupés. Face à ce qui ressemble à une prohibition, nous retirons notre signature de ces accords qui n’ont plus de sens. » L’UPJ se retire également des instances auxquelles elle participait dans le cadre de la démarche Ecophyto « dont l’objectif est désormais de mettre en œuvre l’interdiction des produits phytosanitaires. »
Dans son communiqué de presse, l’UPJ estime que « les incohérences de la loi Labbé d’interdiction des phytos relèvent d’une politique de gribouille ».
Les classes populaires rurales, semi-urbaines ou péri-urbaines seront celles qui probablement souffriront le plus de l’entrée en vigueur d’une telle loi. En effet, qu’un riche urbain doive se mettre au binage de ses allées, ou qu’il emploie quelqu’un pour le faire, a peu de conséquences. Par contre, un agriculteur à la retraite ou un ouvrier qui dispose d’un jardin essentiel à son alimentation sera gravement pénalisé : pertes de production et travail supplémentaire et pénible. Les députés et sénateurs qui ont voté cette loi ne se soucient visiblement pas de leur sort. Pas plus que les associations écologistes qui font dans la surenchère.
Plus encore, par cette loi, les environnementalistes sont encouragés à demander de proscrire les pesticides, à terme, partout, y compris en agriculture.
Cette fuite en avant signifie la multiplication des usages orphelins (l’impossibilité pour les producteurs de protéger correctement leurs cultures), les distorsions de concurrencepar rapport aux productions des autres Etats Membres de l’UE et au reste du monde, la disparition de secteurs entiers de l’agriculture, des importations massives de produits alimentaires venant de pays moins soumis à l’idéologie écologiste.
Cette logique criminelle envers l’agriculture, et suicidaire pour l’ensemble de la société, doit être stoppée.
Pour aller plus loin :
La Loi Labbé telle qu’adoptée par le Sénat et l’Assemblée Nationale
« Zones non agricoles : Coup d’accélérateur vers le « zéro phyto » », article du Lien Horticole détaillant les mesures adoptées
Communiqué de presse de l’UPJ