Selon une étude internationale coordonnée par l’Université de Newcastle (UK), les fruits, légumes et céréales bio sont plus riches en anti-oxydants, et présentent des niveaux moindres de métaux lourds et de résidus de pesticides. Qu’en est-il ?
Les conclusions de l’étude de l’Université de Newcastle
Voir le résumé de l’étude (in English).
L’article et ses conclusions ont été repris sans distance par de nombreux médias et les réseaux sociaux pro-bio. Par exemple Le Monde, Le Nouvel Observateur, Actu-Environnement.
Les principaux points à retenir :
– L’étude est en fait une « méta-étude » : elle reprend 343 (plus que les autres méta-études précédentes) études déjà parues
– Le principal point mis en avant est un profil plus favorable du bio en matière d’anti-oxydants : une concentration de 18 à 69% plus élevée.
– Le taux plus élevé de cadmium en conventionnel serait dû à l’utilisation d’engrais phosphatés en contenant plus que les engrais utilisés en bio.
– Les niveaux de résidus de pesticides sont 7 fois moins élevés en bio qu’en conventionnel
– Les concentrations en azote total, en nitrate et en nitrite sont plus basses en bio qu’en conventionnel
Critique de l’étude
Genetic Literacy Project, une association liée à l’université George Mason en Virginie (USA), dont le but est de démêler science en matière d’agriculture et de biotechnologie, a publié « L’étude clamant que l’alimentation bio est plus riche en éléments nutritifs est « profondément biaisée » selon des scientifiques indépendants » (in English). Cet article fait une revue de presse scientifique des points évoqués par de nombreux scientifiques qui sont sceptiques quant à la méthode employée et très critiques quant aux conclusions générales qui en sont tirées :
– D’autres méta-études ont précédemment montré qu’il n’y avait pas de différences significatives. C’est le cas en particulier d’une méta-étude de 2009 de la London School of Hygiene and Tropical Medecine (UK) portant sur 137 études. Et d’une autre d’une équipe de Stanford (USA) en 2012 (voir ici sur ForumPhyto)
– La méta-étude de l’Université de Newcastle est directement subventionnée par des industries liées à l’alimentation bio, par exemple The Sheepdrove Trust, même si l’article mentionne que la compagnie en question n’est intervenue en aucune façon dans l’étude elle-même. De plus des auteurs comme Charles Benbrook sont de longue date des militants anti-OGM et ou pro-bio.
– Le nombre d’études examinées, présenté comme un gage de fiabilité par les auteurs de l’étude, est en fait trompeur. Sur Science Media Center (in English), Alan Dangour, scientifique à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, constatant que les auteurs n’ont pas trié les études prises en compte dans leur méta-étude, explique « Mélanger de cette façon des données de bonne qualité avec des données de mauvaise qualité est hautement problématique et affaiblit considérablement la confiance dans les résultats de cette étude. » Hank Campbell, scientifique collaborant à Science2.0 (in English) explique en substance la même chose.
– D’autres scientifiques remarquent que l’étude cible une dizaine de groupes de substances chimiques, incluant des résidus de pesticides, des anti-oxydants et des métaux ; Mais ne prend pas en compte d’autres substances chimiques, telles que des pesticides utilisés couramment en agriculture bio. Voir ici (in English) sur le site de l’American Council on Science and Health.
– De plus, les auteurs font peu, voire pas, référence aux résultats défavorables de leur propre étude, qui montre des taux de protéines, de nitrate et de fibre inférieurs en bio. Voir la réaction de Richard Mithen dans l’article déjà mentionné de Science Media Center (in English).
-Enfin et surtout, la signification des résultats est largement surestimée. La composition nutritionnelle des fruits et légumes est fonction de nombreux facteurs : niveaux d’éléments nutritifs dans le sol au moment de la récolte, l’heure de la récolte, les conditions de conservation et de transport, etc. Avec de tels facteurs de variation, une simple comparaison de produits, ne prenant pas en compte ces facteurs, est trompeuse.
En conclusion, l’article de Genetic Literacy Project redonne la parole à Richard Mithen : « le surcoût des légumes bios pour le consommateur et la diminution probable de consommation en conséquence dépasseraient largement tout accroissement marginal de propriétés nutritionnelles, même si c’était le cas ; ce dont je doute. Pour accroitre le santé publique, nous devons encourager les gens à manger plus de fruits et légumes, indépendamment de leur mode de production. »
On ne saurait mieux dire…