NFU, AIC et CPA[1], des organisations liées au secteur agricole en UK, ont demandé à The Anderson Centre, un centre de recherche indépendant, d’identifier et de quantifier les conséquences des réglementations restrictives en matière de protection phytosanitaire.
Cette recherche a fait l’objet d’un rapport disponible publiquement sous le titre « L’effet de la perte de produits de protection des plantes sur l’agriculture et l’horticulture au Royaume Uni et plus largement sur l’économie » (in English)
Les trois réglementations ayant des conséquences négatives sur la disponibilité des produits phytosanitaires, et examinées dans ce rapport, sont :
– Les critères d’approbation des substances au niveau de l’Union Européenne. En particulier, le critère d’exclusion « perturbation endocrinienne » non encore finalisé et la notion de substances actives « candidates à la substitution ».
– l’adaptation nationale de la directive-cadre européenne sur l’eau
– les restrictions européennes sur les néonicotinoïdes en enrobage des semences
Ce rapport est important car il entre dans le détail et dans le concret des conséquences du durcissement réglementaire en cours.
Une étude analogue est en cours dans de nombreux Etats Membres, dont la France.
Pour rendre disponibles les arguments développés dans cette étude, voici une traduction rapide de son résumé opérationnel (bien entendu seul le texte d’origine fait foi) (mises en gras par nos soins) :
– Du fait des incertitudes sur l’interprétation des différentes politiques réglementaires, on ne peut pas établir de liste définitive de PPP (Produits de Protection des Plantes) susceptibles d’être perdus. Le rapport a identifié entre 87 et 250 substances actives susceptibles d’être affectées.
– Le rapport a dressé une échelle de risque de perte de substances. 40 substances ont de très fortes chances d’être perdues ou soumises à restriction.
– La perte des usages ou les restrictions rendraient beaucoup plus difficile la maîtrise des adventices, maladies et ravageurs dans les cultures clef du Royaume Uni. La gestiond es résistances serait particulièrement problématique.
– La perte de PPP aura pour conséquence une perte générale de 4 à 50% de rendement des cultures, en se basant uniquement les pertes les plus probables de produits.
– Les types de cultures pratiquées changeraient : plus de cultures de printemps, de jachères et de prairies temporaires. La production UK en grandes cultures et en horticulture (incluant fruits et légumes) déclinerait. Le Royaume Uni serait donc plus dépendant des importations alimentaires et moins auto-suffisant.
– La production nationale de certaines productions britanniques « emblématiques », telles que pois surgelés, pommes et carottes fraîches serait sévèrement touchée.
– Les modifications d’utilisations de semences, de fertilisants et de PPP, et la plus grande dépendance aux techniques mécaniques et manuelles de désherbage, modifieraient les coûts de production.
– Une réduction de la production nationale de céréales augmenterait le coût d’alimentaiton du bétail.
– En prenant en compte tous les changements, la valeur ajoutée brute de l’agriculture UK chuterait d’environ 1.6 milliards de £ (2 milliards d’€) par an. Soit 20% de perte par rapport à la moyenne 2009-2013.
– Le revenu total de l’agriculture chuterait à peu près de 1.73 Milliards de £, soit 36 %. Ces chiffres sont basés sur un scénario réaliste de perte de produits, et non pas sur le pire scénario.
– La perte de profitabilité aura pour conséquences des changements structurels à plus long terme. D’une façon générale, les producteurs les moins compétitifs sortiront du secteur, et les exploitations restantes seront moins nombreuses et plus grosses.
– L’impact de la perte des PPP clef ne touchera pas que l’agriculture. Le secteur agro-alimentaire, qui représente 7% de l’économie du royaume Uni, sera touché. Cette industrie devrait perdre environ 2.5 milliards de £ (plus de 3 milliards d’€). 35 000 à 40 000 emplois seraient perdus.
– Pour les fournisseurs de l’agriculture, la perte serait de 0.28 milliards de £ (0.35 milliards d’€) et 3500 à 4000 emplois.
– Le rôle majeur du royaume Uni en tant que centre de recherche et de développement des PPP est impacté par l’incertitude réglementaire. Cela signifie non seulement que des alternatives meilleures et plus sûres ne sont pas développées, mais cela affaiblit aussi les investissements dans ce secteur high-tech.
– Comme le Royaume Uni est un pays relativement riche, les importations compenseront la perte de production nationale. Toutefois, les prix alimentaires devraient augmenter pour les consommateurs. La majorité de la population en aura une mauvaise impression. Mais cela affectera surtout durement 1/5° de la population souffrant déjà de pauvreté alimentaire.
– Une question doit être posée : est-il moral d’imposer les standards de production du monde riche quand 842 millions de personnes dans le onde souffrent de la faim ? L’Europe, avec son climat et ses sols favorables à l’agriculture devrait optimiser sa production, par une intensification durable.
– Les systèmes de production alternatifs sont souvent cités comme pouvant produire suffisamment de nourriture avec moins (voire pas du tout) de PPP. Même si ces systèmes peuvent apporter une contribution utile, ils ne peuvent pas, à l’heure actuelle, remplacer les PPP.
– La conclusion est que l’orientation réglementaire actuelle dans le domaine des pesticides est susceptible de provoquer des pertes sociales et économiques considérables, pour des bénéfices au mieux incertains ou très faibles.
– Toute règlementation devrait être guidée par la science et l’analyse de risques sur une base proportionnée. C’est la condition d’un secteur agricole prospère et d’une alimentation sûre pour la population britannique dans le futur.
Pour aller plus loin :
Sur les conséquences économiques du manque de produits de protection des plantes : « Étude d’impact économique des usages orphelins », février 2014
Sur le critère d’exclusion « perturbation endocrinienne » : ici, ici et ici sur ForumPhyto
Sur les substances « candidates à la substitution » : « « Candidats à la substitution » : Risque majeur pour les usages orphelins ! »(article pour le membres, identifiant et mot de passe nécessaires), avril 2014
Sur les néonicotinoïdes : ici, ici et ici sur ForumPhyto