Dominique Potier, député, a été chargé de rédiger une nouvelle version du plan Ecophyto. Quelles sont les pistes envisagées par D Potier, et qui seront vraisemblablement reprises par Stéphane Le Foll ? Qu’en penser ? Quelles sont les perspectives pour les producteurs de fruits et légumes ?
Le plan Ecophyto V2 proposé par Dominique Potier
Dominique Potier, en intitulant son rapport pour un Ecophyto V2 « pesticides et agro-écologie : les champs du possible », est nuancé sur le bilan des premières années d’Ecophyto. Il prend acte « qu’une révolution culturelle est en marche, tant chez les producteurs que les consommateurs », et, sans révolutionner le plan Ecophyto, il « propose de maintenir l’objectif grenellien mais en le réalisant en deux temps d’ici 2025. »
Au total, son rapport confirme et amplifie les actions engagées précédemment. Les principales nouveautés sont la proposition des Certificats d’économie de produits phytosanitaires et l’articulation avec la Politique Agricole Commune.
La France Agricole titre : « Phytosanitaires « Reconcevoir le plan Ecophyto » (rapport) »
La Vigne, revue du monde viticole : « Réduction des phytos : Maintien du cap »
Ouest France : « Pesticides. Le gouvernement veut lancer un nouveau plan de réduction »
L’Usine Nouvelle : « Le rapport pour un nouveau plan anti-pesticides n’épargne pas l’industrie »
Libération : « un nouveau plan de réduction des pesticides après l’échec du plan Ecophyto »
Lecture critique et perspectives pour les producteurs de fruits et légumes
Le rapport de Dominique Potier contient des avancées importantes, au moins dans la prise de conscience de la situation réelle, et des pistes de solutions.
Par exemple, la proposition B9 (p99) « La mission propose d’aller vers un système unifié d’autorisation de mise en marché des produits pour l’ensemble de l’Europe, en supprimant le zonage géographique pour l’instruction des dossiers, et en se rapprochant de ce qui est réalisé pour les substances actives. » D Potier constate en effet que « l’implication des agriculteurs pour diminuer l’usage des produits phytosanitaires et modifier leur pratiques est difficile à obtenir si les réglementations d’interdiction de produits sont différentes entre les pays de l’Union, alors que les conditions de la concurrence des produits végétaux sont les mêmes dans le cadre du marché unique. »
Autres exemples : Dominique Potier montre que la France ne devrait pas s’appuyer sur des indicateurs de volume s’ils ne sont pas partagés au niveau européen. Il fait de l’amélioration des agro-équipements (agriculture de précision, amélioration des pulvérisateurs…) une priorité à court terme.
On ne peut qu’approuver toutes ces prises de position et/ou propositions.
Malheureusement, elles restent le plus souvent à l’état de vœux pieux.
Car globalement ce qui domine le rapport, c’est
– La volonté de réduire les volumes de phytos utilisés, et non pas les impacts, en continuité avec le plan précédent
– La perspective de nouvelles taxes
– Une couche supplémentaire de complexité. L’exemple le plus flagrant étant la perspective des Certificats d’Economie de Produits Phytosanitaires.
– L’absence de propositions concrètes pour réduire le nombre d’usages orphelins et les distorsions de concurrence vis-à-vis des autres agriculteurs des autres Etats Membres de l’UE.
– Pire : En réduisant la panoplie disponible pour les producteurs alors qu’il n’y a pas de solution alternative, on va accroître les problèmes de résistances, donc… l’emploi des pesticides !
Stéphane Le Foll annoncera ce qu’il retient le 30 janvier 2014
Dans la continuité de ses annonces et décisions précédentes, il est à craindre qu’il ne retienne que les éléments négatifs du rapport de D Potier : nouvelles taxes, complexité, réduction en volume et non pas en impact, etc.
Les producteurs et leurs organisations sont pleinement mobilisés depuis de nombreuses années pour réduire les impacts et ils ont déjà obtenu des résultats. Ils devront mieux le faire savoir. Et surtout ils devront se battre pour que le réalisme l’emporte, que les décisions soient les plus pragmatiques possible… et que l’harmonisation européenne et la réduction du nombre d’usages orphelins, conditions indispensables à la réussite, exprimées par Dominique Potier, soient les priorités du gouvernement français.
Il faut rappeler que, quelque soit leur mode de production, conventionnel ou bio, les producteurs ont le devoir de protéger leurs cultures contre les bio-agresseurs (maladies, insectes,…). Les mesures agronomiques et préventives ne sont pas suffisantes. Utilisés aussi peu que possible, les produits phytosanitaires, conventionnels, de biocontrôle ou bio, sont donc indispensables pour une production en quantité, de qualité et abordable.
Commentaire posté par Pierre Guy, FNE (France Nature Environnement) :
Le plan Ecophyto 2018 ne se réduisait pas à réduire l’usage des pesticides, il y avait aussi la suppression de certaines molécules écotoxiques ou CMR.
Il n’en reste pas moins qu’il faille en réduire l’usage en général, les mésusages tout particulièrement. Le machinisme agricole a beaucoup à faire (buses antidérives, récupérateurs de bouillie…).
Pierre Guy FNE
Réponse de ForumPhyto :
Effectivement le plan Ecophyto prévoyait la suppression de substances écotoxiques ou « CMR ». En fait, c’est bien la réglementation européenne qui a entraîné principalement une évolution du profil écotoxicologiques et toxicologiques des substances employées.
Nous sommes pleinement en accord avec vous sur la nécessité de réduire les mésusages et sur les progrès à faire en matière de machinisme. Et nous avons spécifié dans l’article notre accord avec ce point du rapport de Dominique Potier. C’est tout particulièrement vrai, comme le soulignait Dominique Potier au SIVAL, en ce qui concerne la pulvérisation en vigne où des pulvérisateurs avec tabliers et récupérateurs de bouillie permettraient de réduire drastiquement les volumes utilisés.