Aurélien Dupouey-Delezay, professeur d’histoire-géographie signe « Sylvie Brunel ignore la réalité de l’agriculture biologique », une tribune dans Le Monde, qui se veut une réponse à « Les agriculteurs ne sont pas des pollueurs empoisonneurs », tribune de Sylvie Brunel, également dans Le Monde, que nous avons déjà mentionné ici.
Il fallait bien que Le Monde permette aux adversaires du « productivisme » de laver l’affront, car la tribune de Sylvie Brunel a eu un certain retentissement, pas seulement dans le milieu agricole.
A Dupouey-Delezay (ADD) reconnait que « Bien sûr, il y a beaucoup de vrai dans l’article de Mme Brunel – c’est toute sa force. » : travail agricole actuel moins pénible, moins de disettes, etc.
Mais, c’est pour ensuite mieux attaquer S Brunel sur l’irrigation, les pesticides, la mort en masse des abeilles, les OGM, et toute la suite habituelle des accusations.
La répétition des arguments et leur reprise dans les médias sont la seule force des arguments d’ADD. Mais il ne les étaye pas. Il ose écrire : « Mme Brunel oublie aussi que les herbicides, pesticides, fongicides et autres sont bel et bien des poisons ». Mais, comment pourrait-elle oublier cela alors que tous les médias verts nous l’assènent tous les jours ?
Pourquoi ADD et ces mêmes médias verts oublient-ils aussi les bienfaits de ces poisons pour lutter contre les moustiques tigres, la gale, les poux… ? Pourquoi oublient-ils que ces poisons sont en général moins poisons que certains poisons dont ils ne se passeraient pas : antibiotiques, anti-cancéreux,… ?
Enfin et surtout pourquoi ADD oublie-t-il de mentionner les progrès énormes concernant les produits, les méthodes d’application, les méthodes préventives, les outils d’aide à la décision, le biocontrôle ? Pourquoi ADD oublie-t-il de mentionner que le bio emploie aussi des pesticides, naturels certes, mais pas toujours inoffensifs pour autant ?
Au lieu d’être complet, ADD est contradictoire. Après s’être félicité avec S Brunel de la disparition du travail manuel pénible, il soutient qu’une des forces du bio, est qu’il ne consomme pas tant de pétrole que cela puisque « le désherbage ne se fait pas forcément avec des machines polluantes fonctionnant au pétrole ». Autrement dit, la magie du bio serait de développer le travail humain le plus pénible ?
Certains arguments sont d’une telle mauvaise foi qu’ils laissent pantois. Par exemple, « C’est vrai, les produits bio « se conservent […] très peu de temps », ce qui donne lieu à « un gaspillage immense ». Mais la faute revient-elle vraiment à la faible durée de conservation des aliments, ou à un système qui a été intégralement pensé pour des produits alimentaires bourrés de conservateurs chimiques ? »
Il est curieux de noter l’importance accordée à la défense du bio dans la réponse d’ADD alors que ce point était somme toute secondaire dans le propos de Sylvie Brunel. Pour défendre le bio, les arguments d’ADD sont essentiellement des attaques du conventionnel.
Certains des arguments d’ADD mériteraient d’être discutés en profondeur, et peuvent mener à des interrogations légitimes. Par exemple lorsqu’il écrit « Sylvie Brunel invoque « les paysans », en bloc (« les paysans n’en peuvent plus »…), comme s’ils formaient une masse homogène. » Car il est vrai qu’un problème essentiel de l’agriculture au niveau mondial est sa profonde hétérogénéité et ses contradictions. Ces points ne sont effectivement pas abordés par S Brunel.
Mais, pour l’essentiel, les arguments d’ADD sont simplistes, partiels et contradictoires. Ils sont de plus une parfaite illustration de la vision déformée qu’ont certains observateurs extérieurs à l’agriculture.
« La réalité est plus complexe » que ce que soutient S Brunel affirme-t-il dans son article. En fait, il confond : Sylvie Brunel ne fait pas de simplification abusive. Elle dresse un tableau d’ensemble. Ce qui n’est pas du tout la même chose.
Les simplifications abusives, les approximations et les poncifs, c’est bien dans l’article d’Aurélien Dupouey-Delezay qu’on les trouve.