Nouvelle manifestation de son intention de s’affirmer sur la question des pesticides, Greenpeace lance une course zéro pesticides. Sous forme de jeu, l’ONG demande aux consommateurs de faire pression sur leurs supermarchés à « s’engager d’ici 2017 à vendre des pommes et des pommes de terre produites sans pesticides ». Greenpeace va-t-il réussir son opération de communication ?
Les médias environnementalistes et les réseaux sociaux ont brièvement et timidement relayé et encouragé l’opération. Voir par exemple Reporterre ou Bioalaune
Mais, se rémémorant l’expérience allemande de 2006, les médias et réseaux sociaux liés à l’agriculture ont compris les risques injustifiés qu’une telle opération de com pourrait avoir sur l’image des produits alimentaires.
Interfel (Interprofession fuits et légumes) et le CNIPT (interprofession pomme de terre) ont publié un communiqué de presse qualifiant « cette opération de communication » de « provocation » et expliquant : « Le principe d’organiser un jeu concours sur des questions de santé publique et d’environnement n’est pas raisonnable. L’objectif de Greenpeace consiste avant tout, à faire un « coup de communication » sans expliquer de manière étayée la réalité des pratiques agricoles en France et de l’usage raisonné des produits phytosanitaires ».
La presse professionnelle en a repris les principaux points. Par exemple L’Anjou Agricole.
Sous le titre « Greenpeace veut-elle dégoûter des F&L ? », Vegetable , revue professionnelle fruits et légumes, renchérit : « Alors que la consommation de fruits et légumes est un enjeu de santé publique et que leur consommation stagne ou baisse depuis plusieurs années, ce genre d’initiative détourne les consommateurs de produits sains et bénéfiques pour leur santé. »
Plus encore, le blog CulturAgriculture pose la question « Greenpeace roulerait-il pour les supermarchés ? » (en français, in English, en español). Il explique pourquoi « au final, le consommateur trouvera des fruits et légumes sans résidus, sans doute, mais plus chers, plus périssables, et tout ça au détriment des agriculteurs et au bénéfice des supermarchés. » Il explique aussi au passage les pratiques contestables de certaines centrales d’achat : « si l’agriculteur n’envoie pas quelqu’un sur place pour vérifier le problème et le négocier, on peut lui refuser un camion entier, considéré défectueux pour une seule caisse problématique. »
Il faut rajouter qu’entretenir la peur concernant les résidus est complètement in justifié pour plusieurs raisons :
– Les LMR (limites maximales de résidus) ne sont pas des limites de sécurité des aliments. Elles sont définies en fonction de critères agronomiques et plafonnées à des niveaux toujours très nettement inférieurs (de 100 à 1000 fois) à tout risque pour la santé.
– Les niveaux de résidus sont généralement significativement bien en dessous des LMR.
– Les programmes de surveillance, menés par les pouvoirs publics ou par les opérateurs privés, montre que les aliments sont parfaitement sûrs de ce point de vue.
Si l’on veut améliorer la sécurité des aliments, il faut d’abord se préoccuper des pratiques en matière d’hygiène à tous les niveaux : production, transport, commerce, consommateur.
Si les opérateurs commerciaux comprennent les enjeux et restent fermes en s’appuyant sur la position professionnelle collective, il y a peu de chances que cette opération/provocation de Greenpeace soit un succès.