L’étude de 2012 sur l’alimentation OGM des rats de Gilles-Eric Séralini a été un succès médiatique incontestable. Mais a été quasi-unanimement dénoncée par le milieu scientifique (agences de sécurité, académies…). A tel point que le journal scientifique qui avait publié son étude l’avait rétracté.
Aujourd’hui Séralini a prévu de publier une nouvelle étude voulant démontrer que, depuis des dizaines d’années, la nourriture des rats de laboratoires, polluée par des pesticides, fait indistinctement mourir tous les rats utilisés dans les expériences. Et donc que plus aucune expérience de laboratoire n’a aujourd’hui de validité. Cette étude est théoriquement « sous embargo » ; sa publication a été retardée pour des « raisons éditoriales » selon la revue PloS. Mais l’article a savamment et opportunément fuité…
Critique de l’étude de Séralini
Sous le titre « Une scientifique démonte l’étude de Séralini sur les OGM à paraître dans PLoS One : « une tentative infructueuse de rédemption » » (in English, en français), sur le site Genetic Literacy project (traduction par la Thèière Cosmique), Alison Bernstein montre clairement et en détail les faiblesses de cette nouvelle étude.
En résumé, oui, « les résidus de pesticides trouvés dans l’alimentation de laboratoire reflètent l’utilisation des pesticides ». Mais aucune donnée ne permet d’étayer une influence de ces résidus (nettement en dessous de tout seuil toxicologique) sur la mortalité des rats de laboratoires. Si cela avait été le cas, le phénomène n’aurait pas pu échapper à la communauté scientifique. A Bernstein conclut : « En fin de compte, cet article est une tentative à peine voilée d’attaquer le consensus scientifique critique à l’égard du travail précédant de Séralini. Ce nouveau papier ne l’aide aucunement dès lors que ses critiques ne sont pas valides. »
Nathan Gray, sous le titre « Une nouvelle étude de Séralini interroge la légitimité des données toxicologiques sur les OGM » (in English) sur Food Navigator, s’appuyant sur l’avis de nombreux scientifiques, en arrive à une conclusion analogue : « Alors que Séralini et son groupe suggèrent avoir découvert que les études toxicologiques sont inconsistantes, les experts et l’industrie ont été rapides à invalider les méthodes utilisées par le groupe comme elles-mêmes déficientes »
La servilité de certains médias
GE Séralini assure la diffusion médiatique de son étude. Une partie de la presse grand public et les réseaux environnementalistes reprennent l’information. Par exemple, Le Vif.be, avec toutefois mention de l’aspect polémique de l’étude, sous entendant une critique possible.
Rien de tel avec l’émission « La tête au Carré (laTAC) » du 18 juin 2015 (à partir de 3mn30) de France Inter, qui lui offre une tribune sans aucune contradiction.
Sous le titre « Nouvelle étude Séralini : quand les rats de Monsanto sont gavés au RoundUp », Matt O’Telett sur La Théière Cosmique, fait une critique précise et sarcastique de l’étude. Mais surtout, il démonte le mécanisme du véritable soutien militant apporté par l’émission de France Inter.
Par exemple concernant les conflits d’intérêts : « Lors de cette émission : ça accuse sec, et tous azimuts ». Mais Séralini oublie d’une part « qu’en science, avoir un intérêt dans les recherches qu’on mène n’est pas un problème tant qu’on le déclare explicitement, ce qui permet aux reviewers d’en être conscients lorsqu’ils examinent les travaux », d’autre part que lui-même « est accusé d’avoir des intérêts liés au papier à publier, qu’il n’aurait pas déclarés ». Et tout le reste à l’avenant.
« L’interview terminée, il s’avère qu’il s’en est agi d’une stratégie destinée à tromper l’auditorat, loin de tout principe scientifique de base, troquant la revue par des experts contre la connivence d’un chroniqueur et l’autorité du titre de professeur détenu par Séralini, l’analyse factuelle contre les sophismes et les manipulations, les critiques des pairs contre les gesticulations médiatiques qui deviennent la signature de GES. »
La conclusion générale de Matt O’Telett : « Le numéro de manipulation de l’opinion publique auquel nous avons assisté jeudi n’est ni le premier, ne le dernier auquel nous assisterons. Il y aura d’autres interviews, des émissions télévisées, des livres, comme il y en a déjà eu dans le passé. Il convient donc, plus que jamais, d’être critiques vis-à-vis de ce que les médias nous servent, « prêt-à-penser » et jouant avec nos peurs pour notre plus grand plaisir. »
Même tonalité sans aucune distance sur France3. On comprend que Matt O’Telett commence à distribuer des points Séralini :