Les insecticides sont dangereux pour les abeilles. Tous les insecticides. Pas seulement les néonicotinoïdes qui servent aujourd’hui de bouc-émissaire aux environnementalistes. Tous les insecticides, y compris bios. L’humanité doit-elle pour autant arrêter d’utiliser des insecticides ?
Le dossier néonicotinoïdes
Il y a deux ans, l’UE a décidé une suspension de certains usages de certains néonicotinoïdes, accusés d’être la cause de mortalité d’abeilles. Cette suspension devait permettre de mieux évaluer le risque en conditions réelles.
En fait, d’une part la notion même de déclin des abeilles est questionnable, d’autre part quand il y a mortalités d’abeilles, les causes sont multiples. Voir par exemple ici et ici sur ForumPhyto. Accuser les néonicotinoïdes semble être un raccourci commode, mais non justifié.
Dans quelques semaines, l’UE doit décider d’une prolongation ou non de ce moratoire. C’est l’occasion d’une nouvelle offensive environnementaliste contre les néonicotinoïdes.
Dans « EFSA : les néonicotinoïdes déclarés coupables… par principe », Wackes Seppi montre comment les environnementalistes manipulent l’information scientifique pour attiser la peur. Il montre aussi la timidité (au mieux) ou l’incompétence (au pire) des autorités.
« Toute la communication est fondée sur la notion de risque – plus exactement de danger. Rien sur l’exposition – qui permettrait de mieux évaluer le risque, au sens propre. Rien sur les mesures de réduction ou de mitigation des risques.
Rien sur les bénéfices – le rapport bénéfices-risques […]
Rien sur les avantages et inconvénients comparatifs […]
Précisons : c’est l’histoire de Charybde et Scylla : à vouloir prendre une mesure supposée bénéfique aux abeilles – du fait de manœuvres dans l’expertise et la communication – les décideurs incompétents ou pusillanimes, ou les deux, risquent bien de nuire aux abeilles. » Fin de citation
Des zones grises et tolérances pour des pesticides bio toxiques pour les abeilles
La roténone et l’azadirachtine (huile de neem) sont des exemples flagrants d’insecticides bios dangereux pour les abeilles. Depuis quelques années, la roténone est théoriquement interdite dans l’UE. L’azadirachtine est pré-autorisée au niveau européen. Effectivement autorisée dans la plupart des Etats Membres, elle n’est autorisée ni au Royaume-Uni ni en France.
L’interdiction de la roténone semble à peu près respectée. Mais l’azadirachtine semble assez communément employée, en particulier en arboriculture bio.
Elle a été recommandée par la Soil Association au Royaume Uni (Voir ici (in English))
En France, l’azadirachtine est visiblement massivement utilisée en arboriculture bio alors qu’elle n’est pas autorisée (voir ici).En fait, l’huile de neem est effectivement quasi-indispensable en bio, du fait de la volonté des producteurs bio de ne pas utiliser de produits de synthèse plus sélectifs.
Une étude scientifique (pdf, in English) publiée par la Commission Européenne en juin 2015 montre que la toxicité de l’azadirachtine pour les bourdons est très préoccupante puisqu’ils sont affectés « par des concentrations 50 fois inférieures aux niveaux recommandés utilisés par les agriculteurs »
Sous le titre « Sauvez les abeilles ! Interdisez immédiatement deux pesticides toxiques » (in English), David Zaruk, The Risk Monger, ironise en montrant les deux poids/deux mesures et l’hypocrisie du législateur européen : très tolérant pour le bio, incroyablement sévère pour les produits de synthèse. Il propose que l’UE, par un « test pour idiot », pose la question « Pensez-vous que les substances chimiques toxiques que les agriculteurs bios utilisent NE doivent PAS être jugés selon les mêmes règles avec les mêmes exigences de données que les autres, les pesticides synthétiques ? » Pour lui « Les militants qui répondent oui ou qui proclament que les producteurs bios n’utilisent pas de substances chimiques toxiques devraient être définitivement écartés des consultations conduites par l’UE. Ils sont clairement des idiots ! Peut-être certains fonctionnaires de la DG Santé de l’UE, soumis au même test, auraient quelques problèmes. »
Pour les agriculteurs : gérer le risque
Comme l’explique Wackes Seppi dans l’article cité plus haut, tout est, en fait, affaire de gestion du risque et de balance bénéfices-risques.
Sous le titre « Sauvez les abeilles. David contre Goliath » (en français, in English, en español) », le blog CulturAgriculture aborde tous les points liés à la santé des abeilles. Parmi ces points : « [Les agriculteurs] sont donc les premiers, après les apiculteurs bien sûr, à avoir un intérêt direct dans la préservation des abeilles. Je suis moi-même producteur de pêches, qui se pollinisent très bien sans assistance, mais aussi de prunes, qui ne produiraient pratiquement pas sans la participation active des abeilles. Pourtant j’utilise des pesticides, même des néonicotonoïdes, mais avec d’infinies précautions, de la même manière que j’utilise n’importe quel autre pesticide, en tenant compte de tous leurs effets indésirables. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’utilisation des insecticides répond à une préoccupation d’un autre ordre. Il s’agit avant tout de garantir la bonne santé des plantes et la qualité des aliments produits. Si les pesticides dans leur ensemble, sont correctement utilisés, qu’ils soient chimiques ou biologiques, ils ne représentent pas de danger pour les abeilles. Et c’est la même chose pour les néonicotinoïdes. »
Notre conclusion
Le débat sur les insecticides et les abeilles est empoisonné par des environnementalistes qui agitent le drapeau du danger et invoque indûment le principe de précaution. Il faut sortir de cette logique de peur. Seul compte les mesures pour réduire le risque réel et l’analyse bénéfices-risques. L’Union Européenne doit maintenant appuyer ses décisions, non plus sur la peur, mais sur la science et les faits réels.