Sous le titre complet « À Bruxelles, la conseillère scientifique remplacée par un collège d’experts », Contexte, revue sur les politiques françaises et européennes, analyse la décision de JC Junker, président de la Commission Européenne, de remplacer Anne Glover, conseillère scientifique de son prédécesseur, par un « collège d’experts ». Est-ce vraiment une garantie d’indépendance ?
Les ONG se félicitent de cette annonce. L’article de Contexte cite, par exemple, Martin Pigeon, de CEO[1] : « Plus l’avis scientifique est concentré, plus il est facile de le contrôler ». Ou André Cicollela, du Réseau Environnement Santé : « Ce mécanisme vaut mieux qu’une seule personne bardée d’intérêts particuliers ».
Les ONG voulaient la peau d’Anne Glover, plutôt favorable aux OGM et au gaz de schiste, et à un débat scientifique autour des perturbateurs endocriniens… Ils l’ont eu. Ils sont satisfaits.
Et maintenant ?
Pour Carlos Moedas, Commissaire à la Recherche de l’UE : « L’objectif est de faire en sorte que le recours à des experts soit dégagé d’intérêts politiques ou institutionnels, et soit transparent. Le conseil scientifique doit s’appuyer sur des données probantes, venant d’horizons différents. »
Les experts vont-ils être dégagés « d’intérêts politiques ou institutionnels » ? Vont-ils avoir une liberté de parole effective, condition essentielle de leur pertinence. Rien n’est moins sûr, car :
– D’une part, ils seront dépendants des institutions qui les auront proposés. Et n’auront donc qu’une liberté de parole toute relative.
– D’autre part et surtout, les ONG annoncent déjà quelle sera leur attitude.
Contexte écrit : « Parmi les ONG […] on attend plus d’information sur le processus global. »
André Cicolella déclare : « Certaines [agences officielles] ne jouent pas leur rôle, on l’a vu pour les perturbateurs endocriniens. Il faut que la Commission rompe avec ces mauvaises habitudes. »
Greenpeace UE de renchérir : « Ce nouveau comité sera surveillé de près pour garantir indépendance et transparence ».
Autrement dit, les ONG voit l’opportunité, dans l’établissement de ce collège d’experts, d’exercer leur propre lobbying…
Notre conclusion
L’UE a une fâcheuse tendance à faire une distinction morale entre « bons et méchants lobbyistes » (voir ici sur ForumPhyto). La mise en place de ce collège d’experts risque malheureusement d’une part d’amplifier cette tendance, d’autre part d’introduire de la « politique » dans le rôle de conseil scientifique. Ce qui serait grandement dommageable pour la science.
Cependant la mission de ce collège d’experts et les relations qu’il devra établir avec les agences, ne sont pas encore clairement définis. On peut encore espérer que JC Junker veut avoir un « collège d’experts » qui donne des conseils, non pas politiques, mais réellement scientifiques.
[1] Corporate Europe Observatory est une ONG se donnant pour tâche « d’exposer et challenger » les lobbys industriels au niveau européen