Le 21 octobre 2015, Stéphane Le Foll a présenté son plan Ecophyto 2 à l’Assemblée Nationale, incluant fièrement les Certificats d’Economie de Produits Phytosanitaires. Mais il n’emporte pas l’enthousiasme. Et, du côté professionnel, les critiques pleuvent.
La présentation du plan Ecophyto 2
Le ministère de l’agriculture a publié un communiqué de presse synthétisant les principaux objectifs et moyens de son plan Ecophyto 2.
Une version intégrale du plan Ecophyto 2 (pdf, 1MO, 67 pages) est également disponible.
Globalement, le plan Ecophyto2 reste dans la logique du précédent plan : objectif de réduction de 50% en volume d’utilisation et appui à l’agriculture biologique. Avec toutefois quelques modifications suite au rapport Potier (voir ici, ici et surtout ici), à la consultation du public et à l’adoption de mesures « pour la croissance verte » proposées par Ségolène Royal.
Ces modifications sont principalement :
– Objectif de réduction en volume « selon une trajectoire en deux temps »
– La mise en place des CEPP (Certificats d’Economie de Produits Phytopharmaceutiques)
– L’interdiction à court terme des phytos pour les collectivités et les particuliers
Du positif
Le plan Ecophyto2 présente quelques modifications, plutôt positives, qui méritent attention :
– « Renforcer la place des agroéquipements de nouvelle génération et des outils d’aide à la décision. » (voir p10-11 du plan Ecophyto2). Ce point est directement inspiré du rapport Potier et est largement accepté, voire revendiqué, par la profession.
– Recherche accentuée en matière de biocontrôle (voir p11-12 du plan Ecophyto2). Ce point est également inspiré par le rapport Potier. Là où le biocontrôle est efficace, il est déjà adopté massivement par les producteurs. Les problèmes essentiels empêchant une adoption généralisée sont d’une part des obstacles réglementaires (solubles à court terme) et d’autre part la mise au point de solutions de biocontrôle effectives sur tous les problèmes de protection phytosanitaire. Ce dernier point est encore relativement hypothétique et ne constitue une perspective concrète qu’à moyen et long terme.
– Nouvel indicateur, non encore précisé, qui serait pondéré par un critère de dangerosité (voir page 35 du plan Ecophyto2). Si ce nouvel indicateur voit réellement le jour, et s’il n’est pas seulement un nouvel habillage des anciens NODU et IFT[1], il peut représenter une avancée majeure : Prendre en compte la réduction des impacts (et non pas la réduction en volume, qui ne signifie rien). Ce point est d’ailleurs contesté par certaines organisations environnementalistes.
Le blocage essentiel : les CEPP
Du côté négatif, le plan Ecophyto2 maintient une politique principalement basée sur les volumes.
Il entretient également, voire fortifie, certains préjugés idéologiques, quelquefois habillés d’un langage « politique ». Un exemple flagrant est le concept d’agro-écologie, qui est une bonne idée s’il s’agit de parler par exemple d’agriculture de conservation ou de principes agronomiques s’appuyant sur la science. Mais Stéphane Le Foll utilise surtout le terme d’agro-écologie pour tenter de séduire les partisans d’une « agriculture alternative » peu réaliste à grande échelle (par exemple la permaculture), voire les partisans de la biodynamie, approche ésotérique et non-scientifique. Tentative de séduction sans succès d’ailleurs.
Mais ce sont les CEPP qui sont le point de blocage majeur. L’ordonnance CEPP, publiée juste à temps au Journal Officiel, les définit un peu plus précisément. Elle doit être ratifiée par le Parlement et un décret d’application doit sortir dans les 3 mois à venir (expliquant en détails le contenu de l’ordonnance).
Les principales évolutions dans cette ordonnance finale sont :
– Suppression d’apporter la preuve de la diminution des volumes de vente remplacée par des preuves de mise en place de moyens/actions
– Application « à titre expérimental » du 1er Juillet 2016 au 31 décembre 2022.
– Pas d’amendes au bout de 2 ans de mise en service
– Pondération des obligations en fonction des caractéristiques d’emploi ou des dangers des substances actives (clarification attendue dans le décret d’application)
Il s’agit de demi-reculs qui ne résoudront pas l’aspect « usine à gaz » des CEPP. De plus, ils ne font que renforcer la folle logique de réduction des volumes d’utilisation du plan Ecophyto2 (et non pas de réduction des impacts, ce qui serait volontiers accepté par la profession).
Les réactions professionnelles sont d’ailleurs globalement hostiles aux CEPP.
Leur avenir à moyen terme est donc pour le moins incertain…
Pour aller plus loin sur Ecophyto2 et les CEPP :
– « « Écophyto II : déni de réalité et fuite en avant » (Wackes Seppi) »
– « Certificat d’Economie de Produits Phytos (CEPP) : entêtement certifié et usine à gaz »
[1] NOmbre de Doses-Unités et Indice de Fréquence de Traitement