La question des Perturbateurs Endocriniens (PE) est complexe. Scientifiquement, beaucoup de substances, y compris naturelles, ont une certain activité endocrinienne. Elles ne sont pour autant ni toutes de même puissance, ni toutes des « perturbateurs », portant atteinte à la santé via notre système hormonal. Réglementairement, l’Union Européenne a décidé d’être très stricte, mais sans savoir encore quelle définition elle allait adopter. Un travail d’expertise est en cours. Où en est le débat ?
Des alarmes récurrentes
Les ONG environnementalistes ne perdent aucune occasion de demander que toute substance chimique de synthèse, au moindre soupçon, soit considérée comme PE.
En 2014, le rapport du député Roumegas s’appuyait sur les études du Professeur Sultan de Montpellier, relayées par les militants du Réseau Environnement Santé et les médias. Les PE « font peser un risque majeur sur la santé ». Voir cet article du Midi Libre. « Diabète, obésité, cancer, allergies, Parkinson, malformations… » : les perturbateurs endocriniens vous dis-je ! Sous le titre « Perturbateurs endocriniens : le lobbying de Jean-Louis Roumegas et des ONG », Alerte Environnement a montré à quel point le rapport Roumégas était essentiellement une opération de communication…
En septembre 2015, des chercheurs du CNRS et de l’INSERM ont publié un article faisant part de la découverte, parmi 780 combinaisons testées, d’un « effet synergique, c’est-à-dire un effet démultiplié », pour deux molécules : l’éthinylestradiol (EE2), un des composants actifs des pilules contraceptives et le trans-nonachlor (TNC), pesticide organochloré interdit mais persistant dans le sol. Voir ces articles d’Actu-Environnement et de Sciences et Avenir. Notons qu’il s’agit d’un médicament utilisé du fait même de sa qualité de PE et d’un pesticide interdit depuis longtemps, le tout à des doses faibles, mais actives pour chacune des substances, le tout sur des cellules in vitro. Il est logique de s’intéresser scientifiquement à ces mécanismes. Mais on est très loin d’un résultat prouvant un quelconque problème en ce qui concerne les résidus de pesticides autorisés aujourd’hui.
Il n’en fallait pas plus, pourtant, pour que certains considèrent que toute la toxicologie devrait être remise en cause.
L’intox environnementaliste sur les perturbateurs endocriniens
Pour faire passer leur message, certains environnementalistes n’hésitent pas à forcer le trait sur le fond et à accuser leurs adversaires des pires maux.
Sur son blog, sous le titre « « Intoxication » à la complotite sur les perturbateurs endocriniens », Wackes Seppi démonte cette mécanique en prenant l’exemple du livre de Stéphane Horel, journaliste et militante environnementaliste, livre qu’elle a écrit en lien avec CEO[1]. W Seppi y montre comment « les perturbateurs endocriniens sont un extraordinaire filon commercial pour l’industrie de la protestation. » Par exemple :
– La perturbation endocrinienne « se rapporte à des objets « potentiels » qui ont des propriétés « susceptibles… ». » Il n’y a donc rien besoin de démontrer. On oublie au passage les propriétés perturbatrices démontrées du soja, du tabac, de la caféine, du chocolat, etc.
– Il existe effectivement des perturbateurs endocriniens fonctionnant à très faible dose. Dès lors, rien de plus commode pour nos marchands de peur : toute substance suspecte est censée échapper « aux règles classiques de la toxicologie. Notamment à « une croyance datant de Paracelse », qui veut que la dose fait le poison »
– « À cela s’ajoute une invention géniale : l’« effet cocktail ». […] En conséquence, si on ne peut pas « suspecter » une substance d’être un perturbateur endocrinien avec suffisamment de conviction, et d’impact médiatique, on l’accusera de participer à un effet cocktail. » Générations Futures avec sa succession d’études « Exppert » s’est fait une spécialité de cet argument. Voir ici sur ForumPhyto.
– Enfin, cerise sur le gâteau, toute tentative d’introduire un peu de science dans le raisonnement n’est que l’œuvre du lobby pervers des industries qui ne souhaitent qu’instiller le doute dans les résultats de la science militante, forcément bienveillante (ironie)…
Mais, dans les faits, la perversité semble être plutôt du côté environnementaliste : W Seppi appuie en partie son article sur « La transparence opaque du CEO et de Stéphane Horel » (in English), article qui montre les liens contractuels et opaques entre S Horel et CEO.
W Seppi a développé également un autre exemple d’exploitation du filon médiatique des Perturbateurs Endocriniens : « Après les tampons hygiéniques à l’herbicide, le vernis à ongles au perturbateur endocrinien… ». Dans ce cas, les deux vertus utilisées par les marchands de peur sont :
– Toute substance est « susceptible », peut être « suspectée » d’être un perturbateur endocrinien : « comme vous avez dû vous en rendre compte en ayant navigué sur l’internet au cours des cinq dernières années, c’est comme si toute substance chimique peut être liée à une perturbation endocrinienne pourvu que l’on fasse suffisamment d’efforts pour faire le lien »
– « Les perturbateurs endocriniens ont une autre grande vertu pour les marchands de peur : la dose ne ferait pas le poison ; ou encore les courbes doses-réponses ne seraient pas « monotones » (régulières). Si donc un essai ne révèle pas d’effet… c’est qu’on n’a pas utilisé la bonne dose. »
Vous avez dit « Lobby » ?
Un grand classique de l’alarmisme environnementaliste consiste à attaquer les lobbys de l’industrie… et les autorités qui seraient sous influence. Par exemple, en octobre 2015, Libération titre « Perturbateurs endocriniens : comment les lobbys ont gagné » et reprend sans distance les arguments du livre de la même Stéphane Horel.
C’est oublier que le lobby environnementaliste est aujourd’hui écouté par les autorités, souvent en priorité, en particulier à Bruxelles. The Risk Monger montre régulièrement à quel point l’Union Européenne considère les lobbyistes environnementalistes comme des « bons » lobbyistes (et les financent) et cherche à ostraciser le lobby des industries. Voir par exemple ici (in English).
C’est oublier que le lobby environnementaliste emploie aujourd’hui des méthodes non-éthiques que le lobby des industries ne peut pas se permettre.
Voir par exemple :
« Les méthodes très particulières de Générations Futures » (et de Greenpeace…) sur ForumPhyto
« Le dilemme moral de l’industrie des pesticides » (in English) par The Risk Monger
Entendons-nous bien : les industries ne sont pas particulièrement « morales ». Mais l’image négative de l’industrie dans la société actuelle rend les comportements non-éthiques trop risqués. En soi, c’est plutôt une bonne chose.
A l’inverse, certains environnementalistes (pas tous ! il en est d’honnêtes) se permettent des comportements non-éthiques parce que leur bonne image les « protège » des attaques médiatiques… On peut espérer que ceci aura une fin.
Pour aller plus loin sur la question des perturbateurs endocriniens :
– « « Perturbateurs Endocriniens : fait ou légende urbaine » »
– « Bien comprendre le dossier « perturbateurs endocriniens » » (identifiant et mot de passe nécessaires)
– « Références sur les perturbateurs endocriniens »
[1] Corporate Europe Observatory, ONG « observant » les industries