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Quelle pollution des cours d’eau aux pesticides ?

27 nov. 2015

Le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) a publié son rapport annuel et rituel : « Les pesticides dans les cours d’eau français en 2013. » Que penser des chiffres et de la façon dont ils sont publiés ?

Nombre de médias et d’ONG environnementalistes ont mentionné le rapport du CGDD sans distance ou sous un jour alarmiste.
Sous le titre « Peu de cours d’eau échappent aux pesticides », La France Agricole fait un article bref, sans alarmisme, mais sans distance non plus
Pour Actu-Environnement :« Pesticides néonicotinoïdes : la contamination des cours d’eau fait un bond » (abonnés)
Le pompon de l’alarmisme revient évidemment à Générations Futures qui titre « 92% des cours d’eau surveillés pollués aux pesticides ! » et parle de résultats « tristement prévisibles »

Les principales conclusions du rapport

La lecture du rapport nous mène aux conclusions suivantes :
Les comparaisons entre années doivent être relativisées. Le rapport annonce par exemple une augmentation des détections d’imidacloprid. Ce qui fait d’ailleurs une partie des titres alarmistes des médias. Mais, en lisant dans le détail, on voit que « L’augmentation des détections d’imidaclopride est liée à une amélioration des performances analytiques » et « à une surveillance accrue »
– « Les teneurs restent globalement faibles », même si quelques pics occasionnels (ce qui n’est pas spécifié). Au total, moins de 10% des points de surveillance ont occasionnellement dépassé les limites règlementaires pour l’eau brute.
Le Glyphosate est un cas particulier intéressant. Il est annoncé comme étant « toujours en tête des pesticides les plus détectés dans les cours d’eau ». Mais, en fait, c’est l’AMPA , un métabolite du glyphosate qui est détecté le plus souvent. Or « Le cas de l’AMPA reste à part, car il ne provient pas uniquement de la dégradation du glyphosate », mais aussi «  de la dégradation des phosphonates utilisés comme agents anti-tartre dans de nombreuses applications industrielles et domestique »
En listant des données avec peu d’explications, en n’expliquant pas la nature des seuils réglementaires, en communiquant sur les détections alors que les teneurs sont faibles, en employant systématiquement le terme de « contamination » sans explication, en mélangeant nombre de détections et nombre de quantifications, etc. le CGDD alimente la machine à faire peur. Plus que le fond, la forme même du rapport, la façon dont il est rédigé, invite au catastrophisme.

Les cours d’eau pollués. Vraiment ?

Sous le titre « Misère, les cours d’eau sont pollués par les pesticides ! Le sont-ils vraiment ? », Wackes Seppi fait une analyse détaillée qui mérite attention..
En conclusion de son analyse, il rappelle l’utilité des produits phytosanitaires. Et s’interroge : « Et si, au lieu d’ouvrir par : « Des pesticides sont présents dans la quasi-totalité des cours d’eau français », on avait tenu un discours rassurant ? Nos autorités sont-elles conscientes de leur contribution à l’agriculture-bashing, au dénigrement d’une composante essentielle de notre économie et de notre vivre-ensemble ? »
Il relève enfin que les rares mesures dont on dispose pour les résidus de médicaments et de drogues dans les eaux montrent des teneurs moyennes analogues. Et conclut : « Il se rapporte du reste que quand le CNRS a voulu étudier la consommation de drogues dans les villes françaises par la mesure des résidus dans les effluents en 2013, certaines villes ont refusé de participer ; d’autres se sont offusquées des résultats. Il y a des tabous… mais, pour les pesticides, c’est sans tabou… »

En bon franglais d’aujourd’hui, l’agriculture-bashing, c’est mainstream Pourtant, cela aura une fin. Car on ne peut pas impunément mordre la main qui vous nourrit.
Il est utile de surveiller les teneurs de pesticides dans les eaux, d’en tirer toute l’information possible, de prendre des sanctions contre les pollueurs avérés, de guider la recherche scientifique et de donner des informations permettant d’améliorer les pratiques agricoles. Mais il serait utile que les pouvoirs publics commencent à avoir un discours un peu plus équilibré et cesse d’utiliser ces résultats uniquement à charge.

1511CgddEauResidus2013