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Impact des pesticides : pourquoi et comment diminue-t-il ?

02 déc. 2015

C’est peu de le dire : les pesticides ont mauvaise presse. Ils sont accusés de tous les maux. Le plan Ecophyto (v1 ou v2) veut qu’à terme leur utilisation baisse de 50 %. Cet article a pour but de faire le point de l’évolution, non seulement des volumes utilisés, mais aussi de l’impact des pesticides sur la santé et sur l’environnement.

Nous ne parlerons pas ici de la question des résidus dans l’alimentation. A ce sujet, voir ici et ici sur ForumPhyto.

Evolution des homologations

Une idée reçue veut que les pesticides sont certes employés à plus faible dose aujourd’hui, mais qu’ils sont beaucoup plus « puissants », donc plus « toxiques » pour la santé et l’environnement.
En fait, selon deux graphiques élaborés en 2009 par l’UIPP (firmes phytos) sur la base des données règlementaires, en 50 ans, les doses applicables ont été divisées par neuf et les DJA[1] multipliées par cinq. Ainsi, même si ce n’est qu’une « image » et que la réalité est un peu plus complexe, on peut affirmer que les produits homologués aujourd’hui sont intrinsèquement 45 fois plus sûrs que ceux homologués il y a cinquante ans.
Laurent Berthod a été le premier à exprimer ce fait sous cette forme en Janvier 2010 sur son blog. Voir son article.
Voir les graphiques.
La DJA est un indicateur pour la santé humaine. Sur ce point, il faut rajouter que les pesticides cancérigènes mutagènes ou reprotoxiques, ou encore les polluants persistants, ne peuvent plus être homologués et que la plupart ont été retirés.
Concernant l’environnement, on ne peut pas résumer l’évolution de l’homologation des pesticides par un indicateur fiable et simple. Mais les évolutions sont du même ordre dans tous les domaines touchant à l’environnement. Les critères pour approuver aujourd’hui un pesticide prennent en compte par exemple la sélectivité par rapport aux auxiliaires à la vie du sol, aux abeilles, aux oiseaux, à la vie aquatique, etc.

Evolution des pratiques agricoles

L’évolution des pratiques agricoles va dans le même sens de réduction des risques liés à l’emploi des pesticides :
Le développement de méthodes préventives : l’agronomie faisant des progrès importants permet de mieux informer les producteurs des interactions entre les pratiques agricoles et la protection des plantes : rotation, façons culturales, fertilisation, zones refuges, etc.
Le développement du biocontrôle : De nouveaux moyens apparaissent régulièrement. Partout où le biocontrôle a démontré son efficacité, seul ou en complément des pesticides conventionnels, il a été adopté rapidement par les agriculteurs : Protection Biologique Intégrée dans les serres, confusion sexuelle dans les vergers…
Le matériel de pulvérisation : Amélioration des postes de remplissage, pulvérisateurs vérifiés, mieux entretenus, mieux réglés, pulvérisation guidée par GPS ou caméras optiques, etc.
Les modes d’application : Enrobage de semences, traitement localisé (sur le rang ou par taches), pièges,…
La formation des producteurs : Formations Certiphyto, formation permanente, circulation de l’information (Internet, réseaux sociaux…), traçabilité des pratiques, …
– Les Outils d’Aide à la Décision, Bulletins de Santé du Végétal….

Quelques nuances de taille !

Tout ce qui précède va dans le sens d’une réduction massive des impacts. Il faut cependant nuancer, et même largement nuancer, essentiellement pour trois raisons

  • On continue d’utiliser d’anciennes substances qui n’ont pas encore leur remplaçant. Par exemple, le cuivre et le soufre toujours employés, à plusieurs kg/ha, y compris en bio, représentent plus de 20% des volumes commercialisés de pesticides.
  • Du fait des échanges mondiaux croissants, de nouveaux ennemis des cultures font leur apparition et doivent être combattus. Ces dernières années en France, on peut mentionner : la Drosophila suzukii sur fruits, le cynips du châtaignier, la pyrale du buis, le charançon rouge du palmier, …
  • L’agriculture a pour tâche de nourrir une population croissante avec moins de travailleurs dans l’agriculture (agriculteurs et ouvriers), alors que les surfaces cultivables dans de bonnes conditions se réduisent lentement mais sûrement. Il faut donc :
    « intensifier » des cultures: Par exemple, les céréales sont aujourd’hui mieux protégées contre les maladies cryptogamiques pour avoir des rendements supérieurs et pour ne pas avoir de mycotoxines dans le pain. En parallèle, une telle intensification permet de préserver les espaces « naturels » (ce point mériterait sans doute une discussion spécifique).
    Quelquefois changer de cultures : Par exemple, passer de la prairie à une culture, ou bien des céréales vers des fruits, etc.

Tous ces éléments conduisent à utiliser plus de pesticides ou à ralentir la diminution des utilisations.

Au total

– Les volumes de pesticides baissent lentement et régulièrement : 120 000 T/an en 1999 contre 62 500 T/an en 2011.

1512EvolutionVolumesPesticides1998-2011-UIPP

Source UIPP

Mais, objectera-t-on, les messages délivrés depuis plusieurs années dans le cadre d’Ecophyto parlent d’une quasi-stabilité des quantités utilisées : La raison en est que les indicateurs utilisés sont l’IFT et le NODU[2], qui ne prennent pas en compte la baisse des doses homologuées…
De plus, selon Eurostat, les volumes utilisés en France en 2012 et 2013 ont été respectivement de 63830 T  et 66659 T. Il peut y avoir des aspects conjoncturels, par exemple du fait d’années plus difficiles d’un point de vue climatique. Il est possible que nous soyons entrés  maintenant dans une période de stabilité de consommation en volume. Cela pourrait être également un effet paradoxal du plan Ecophyto, qui, par exemple entraîne une consommation plus importante de cuivre et de soufre. Tout ceci demanderait sans doute une analyse approfondie.

Mise à jour du 04 décembre 2015 : Dans son « glané sur la toile (36)« , W Seppi fait une lecture critique de notre article. Il apporte des informations complémentaires fort intéressantes. En particulier dans une « référence aux articles de M. Steve Savage, dont [il a] traduit et publié une partie ici, ici, ou ici. »
Nous avions mentionné ces articles ici en avril 2014.
Le graphique qui en est tiré (voir ci-dessous) est une bonne façon de concrétiser l’évolution effective vers l’emploi de pesticides plus « softs ».
Les pesticides utilisés dans le vignoble de Californie y sont classés en catégories (I : toxiques à IV : pratiquement non toxiques).
« Les produits de la catégorie IV sont classés comme « pratiquement non toxiques » ; ce sont eux qui ont connu la croissance la plus rapide depuis le milieux des années 1990. Beaucoup de produits ayant remplacé le soufre, ou les anciens organophosphorés, tombent dans cette catégorie. La vraie face des pesticides modernes, ce sont ces matières relativement bénignes, pas ce que la plupart des gens s’imaginent. (…) La plupart des pesticides actuels se situent à plus de 5.000 mg/kg pc (catégorie IV) et sont moins toxiques que le sel, le vinaigre, l’acide citrique, la vanilline et beaucoup d’ingrédients de produits alimentaires familiers. »

1403CalifornieUsagesPesticidesParCategorie

– Même si d’anciens pesticides et d’anciennes machines continuent à être utilisés, même si tous les producteurs ne sont pas à la pointe des connaissances, chaque kg utilisé est moins impactant : amélioration des qualités intrinsèques des produits et de leur usage.

– Il y a donc une diminution certaine, régulière et significative, de l’impact de la protection phytosanitaire, malgré l’intensification de l’agriculture, et malgré l’augmentation des quantités à produire pour satisfaire les besoins croissants de la population.

Le tableau mériterait d’être nuancé à l’échelle internationale en particulier en fonction de la vitesse de développement de l’agriculture, et de la nature des productions en jeu.

Nous ne vivons pas dans un monde parfait. D’immenses progrès sont encore à accomplir. Mais l’évolution passée nous montre qu’il faut sans aucun doute regarder devant plutôt que derrière pour réduire les impacts de la protection phytosanitaire.

[1] Dose Journalière Admissible qui est un indicateur de la sécurité en cas d’absorption

[2] Indice de Fréquence de Traitement et Nombre de doses utilisées