L’objectif n°1 du plan Ecophyto (version 1 comme version 2) est de réduire l’utilisation des phytos en volume. La filière agricole conteste de plus en plus ouvertement cet objectif et considère que, agronomiquement, seule la réduction des impacts est pertinente. La nouvelle ordonnance instaurant les CEPP (1) met le feu aux poudres.
En France, les organisations professionnelles militent depuis plusieurs années pour l’élaboration d’objectifs d’impact pour compléter les objectifs quantitatifs. Quelques avancées, timides, se font jour dans la version 2 d’Ecophyto.
Mais à l’inverse, les CEPP sont une façon pour le gouvernement non seulement de renforcer le rôle des objectifs quantitatifs, mais également d’introduire une dimension directement répressive en cas d’échec. Le tout avec un dispositif complexe, et alors que le gouvernement, suite à la crise agricole de l’été 2015, avait promis un moratoire sur les normes environnementales.
Agriculture et Environnement n°142 de décembre 2015 publie une longue interview de Sébastien Picardat, FNA (Fédération du Négoce Agricole), qui explique pourquoi la FNA et Coop de France ont déposé un recours contre l’ordonnance instituant les CEPP : « A&E : Que comptez-vous obtenir avec ce recours ? S Picardat : « L’annulation pure et simple de cette ordonnance, et un retour du ministre à la raison. Soyons clairs : nous ne sommes pas hostiles à la mise en place d’un plan d’action national pour réduire les risques et les impacts de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Bien au contraire ! […] [Les CEPP sont] un modèle théorique impossible à mettre en place, sauf dans l’imaginaire de quelques fonctionnaires qui refusent de prendre en compte les réalités agronomiques, la structuration économique des filières agricoles, très différente de celle de l’énergie, et le comportement de ses acteurs. Donc irréaliste dans la pratique, mais selon nous, illégal également dans sa forme ! D’où le recours au Conseil d’État. »
Sous le titre « Ecophyto 2, la compétitivité en agriculture doit rester une priorité », Eugénia Pommaret, directrice de l’UIPP (firmes phytos), signe une tribune dans Wikiagri. Pour elle, « Ecophyto II doit donc se doter d’indicateurs qualitatifs plus ambitieux, ancrés dans la réalité terrain, qui établissent un vrai bilan prenant en compte la réduction des impacts environnementaux et sanitaires des produits et qui mesurent concrètement les démarches de progrès de tous les acteurs. Car aujourd’hui, le plan occulte les avancées menées sur le terrain par les acteurs de la filière agricole ces dernières années et stigmatise l’utilisation professionnelle des produits phytos »
Circuits Culture n° 493 de décembre 2015, consacre un dossier au sujet Ecophyto, CEPP et indicateurs. « « Ce n’est pas en diminuant la quantité que l’on réduira le risque » , juge Pierre-Yves Busschaert , responsable des affaires économiques à l’UIPP. Le gouvernement n’a pas souhaité s’exprimer sur ce choix malgré nos sollicitations. »
Pour se conformer à la directive 2009/128 de l’UE, dite « utilisation durable », seuls la France et le Danemark ont fixé des objectifs en réduction de volume d’utilisation de pesticides. Les autres Etats Membres de l’UE ont choisi des indicateurs d’impact, directs ou indirects : formation des applicateurs, contrôle des équipements, conformités en matière de résidus dans l’alimentation ou dans l’eau, etc.. L’Allemagne, la Lettonie et la Pologne ont même fixé à leur gouvernement des objectifs de résolution des usages orphelins. Voir ici (mot de passe et identifiant nécessaires).
Au lieu de vouloir toujours jouer la surenchère, le gouvernement français devrait mettre en place l’harmonisation européenne, prévue dans le règlement 1107/2009 de l’UE sur la protection phytosanitaire. En commençant par résoudre urgemment la question des usages orphelins.
Pour aller plus loin :
« Ecophyto2 et les CEPP ont-ils un avenir ? »
« Ecophyto2 : Les CEPP, usine à gaz et mesure punitive »
« Directive Utilisation Durable : Les plans d’actions nationaux (PAN) dans l’UE » (identifiant et mot de passe nécessaires)
« « Peut-on se passer des pesticides? » (JM Meynard, Pavillon France, Expo de Milan) »
[1] Certificats d’Economie de Produits Phytosanitaires