En novembre 2015, dans le cadre du réexamen par l’UE du glyphosate, substance active, entre autres, du Roundup de Monsanto, l’EFSA (agence européenne de sécurité) a publié un avis estimant « improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l’homme ». Ceci a entraîné immédiatement une protestation de certaines ONG environnementalistes ; Et une lettre ouverte de 96 scientifiques « indépendants », portée par le Pr Portier, au Commissaire européen à la santé, Vytenis Andriukaitis. L’EFSA s’explique de nouveau et répond aux attaques.
Le débat dans les médias
Pour un résumé des épisodes précédents, voir ici sur ForumPhyto (explications de l’EFSA et quelques réactions d’ONGs et de médias).
Depuis, sous le titre « Pesticides : les conflits d’intérêt ont-ils rendu myope l’Autorité sanitaire européenne ? », Basta, avec « des organisations indépendantes et des élus », accuse « l’EFSA de s’être mise au service des industriels ».
Sur la polémique déclenchée par les environnementalistes, on lira avantageusement « Glyphosate et EFSA : Verts de rage ! », article de W Seppi sur son blog. Seppi mentionne les conflits d’intérêts environnementalistes de Pr Christopher Portier, qui a joué un rôle dans l’avis du CIRC de l’OMS qui avait classé le glyphosate parmi les cancérogènes probables.
Bien que prenant la forme d’une argumentation scientifique, on comprend mieux que la lettre du Pr Portier (in English) soit dans la veine des attaques environnementalistes et s’inquiète de l’avis de l’EFSA.
La réponse de l’Union Européenne et de l’EFSA
Le 15 décembre 2015, le Commissaire Vytenis Andriukaitis répondait au Pr Portier, lui rappelant les règles de fonctionnement de l’expertise scientifique de l’UE, leur transparence et leur rigueur. Il l’invitait également à répondre à l’invitation au débat par l’EFSA.
Le 13 janvier 2016, l’EFSA publie une page (en français, in English) complète de réponse, incluant :
– La réponse (in English) de Bernhard Url, directeur exécutif de l’EFSA. Cette réponse (de fait à la fois aux environnementalistes, au CIRC/IARC de l’OMS et au Pr Portier) est à la fois transparente, ouverte et ferme sur le fond : L’EFSA considère l’avis du CIRC comme un premier avis ayant son importance, mais elle a pris en compte l’ensemble des données disponibles et valides scientifiquement. Elle invite de plus le CIRC à une réunion pour discuter « des différentes méthodologies » et « des divergences scientifiques ». Le courrier inclut toute une partie de réponses détaillées sur chacun des points soulevés par le courrier du Pr Portier.
– Une infographie (in English) expliquant les responsabilités de de chacun (EFSA, Commission, Etat Membre Rapporteur, Comité des représentants des Etats Membres) : Dans le cas du glyphosate, à la fin du processus, tous les Etats Membres, excepté la Suède, ont accepté l’avis de l’EFSA.
– Une infographie interactive (in English, mais compréhensible pour un lecteur pas vraiment anglophone) détaillant de façon pédagogique le mécanisme menant à l’approbation ou au rejet d’une substance au niveau européen, puis l’autorisation (ou non) des usages dans chaque Etat Membre.
La France Agricole rend compte de la réponse de l’EFSA sous le titre « L’Autorité européenne affirme avoir fait une « évaluation exhaustive du risque » présenté par la matière active herbicide »
Le 1° décembre 2015, Bernhard Url, directeur exécutif de l’EFSA, auditionné par le Parlement Européen, avait déclaré de façon un peu moins protocolaire : « Je suis désolé de le dire, mais avec cette lettre, vous quittez le domaine de la science, vous entrez dans le domaine du lobbying et des campagnes (« campaigning »), et ce n’est pas la façon dont l’EFSA travaille. Pour moi, ceci est le signe que nous entrons dans l’âge Facebook de la science. Vous avez une évaluation scientifique, vous la mettez sur Facebook et vous comptez combien de personnes « aiment ». Pour nous, ce n’est pas un progrès. Nous, nous produisons une opinion scientifique, nous la défendons, mais nous n’avons pas à prendre en compte si c’est aimé ou pas ». Sous le titre « L’EFSA accuse les experts mondiaux sur le cancer de faire de la « science-Facebook » » (In English), Franziska Achterberg, Greenpeace, s’en était bien sûr offusquée…
Mais, en fait, ce que jugeait B Url, c’était bien le procédé qui consiste à faire pression sur l’EFSA par une lettre ouverte, mais non pas les experts du CIRC. Et il est vrai que l’EFSA se doit de rester indépendante de ces pressions, par définition non-scientifiques. Que cela plaise ou non aux ONGs environnementalistes.