L’émission Cash Investigation continue à faire un certain buzz médiatique. Sans doute moins que ne l’espéraient ceux qui l’ont minutieusement organisée.
Les quelques réactions que nous compilons ici montrent que les grosses ficelles de l’émission ne sont pas passées inaperçues.
Campagnes et Environnement titre « Pesticides : Cash Investigation fait réagir » et fait part des réactions de l’UIPP : « Reportage à charge » ; et de celles des ONG environnementalistes de Greenpeace à FNE : « très bonne enquête fouillée et construite ».
TerraEco, revue environnementaliste, a eu la bonne idée de proposer la relecture de leur interview d’Eugénia Pommaret, directrice de l’UIPP (firmes phytos) de septembre 2015.
TerraEco avait qualifié cette interview d’« acide », ce qu’elle est effectivement. Mais elle permet à E Pommaret de s’exprimer sur le fond, bien résumé par le titre « « Le risque zéro n’existe pas, il y a toujours une part d’incertitude dans l’innovation, il faut l’accepter » »
Alerte Environnement dénonce une « Ségolène Royal : ministre, commentatrice et maîtresse d’école ! » (dans une interview à France Inter). Elle affirme en effet sur un ton sûr des contrevérités évidentes. Par exemple, une épidémie de cancer chez les agriculteurs utilisateurs de pesticides, alors que les agriculteurs en ont moins que la population générale. Ou encore qu’il y a des solutions « de substitution » pour défendre les cultures. Alerte Environnement commente : « Madame la Ministre, c’est à croire que vous nous prenez pour des gamins, qui utiliseraient des pesticides pour le fun ?! On n’est pas en maternelle, Madame la maîtresse d’école. »
Mon-Viti.com publie « Cash Investigation – Syngenta souhaite « rétablir des faits » ». Syngenta s’y explique sur l’atrazine dont des traces sont encore détectées dans certaines ressources en eau. Et Denis Tardit, président de Syngenta France, déplore : « Il est fort regrettable d’avoir réduit un exercice d’échange démocratique à une opération d’influence sans vergogne. »
A propos du repas « offert » par Syngenta, Ouest France a enquêté auprès de deux élus concernés. Dont l’un, Hervé Pellois, ancien ingénieur agronome qui prône le bio dans les cantines scolaires, estimant avoir été piégé, explique : « « Le dîner auquel j’ai pris part était organisé le 9 juin 2015 par le Club de l’Europe et avait pour thème « Du champ à l’assiette : quels rapports les Français entretiennent-ils à leur alimentation ? ». Je travaillais alors sur la mission d’information parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires et je trouvais intéressant de m’y rendre pour confronter mes idées avec des représentants du Ministère, de l’Inra, des sociologues, des universitaires, des représentants de firmes et des agriculteurs »
Gérard Bailly, un des sénateurs participant s’explique dans une courte interview vidéo.
Le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France (CSLFLF) titre « Cash investigation sur les pesticides 3 vérités omises et 1 mythe. » Mon-viti.com reprend ce communiqué et, dans le titre, en retient « Toutes les cultures, y compris bio, ont besoin de protection phytosanitaire. » Comme le précise le CSLFLF « Il n’existe actuellement pas de production « sans pesticides », sauf dans l’imaginaire de ces journalistes »
Le mythe, affirmé lors de l’émission, d’un lien supposé entre le chloryriphos (un pesticide) et autisme est démenti par les faits. Nous l’avons déjà évoqué. Alerte Environnement en fait un article fort justement sarcastique : « Autisme aux Etats-Unis : la faute aux pesticides ou au… bio ? ».
Entendons-nous : c’est surtout l’absurdité de vouloir utiliser des données statistiques partielles et/ou des corrélations comme preuve de causalité qu’il faut dénoncer.
Rappelons « Pour sourire (et plus si affinité…) : corrélation n’est pas causalité (suite) »
La réaction de l’UIC (industries de la chimie) : « Les préoccupations des consommateurs concernant les produits chimiques, et en particulier les pesticides, sont évidemment légitimes. L’UIC dénonce le procès à charge d’Elise Lucet contre le secteur de la protection des plantes. »
Titrant « Pesticides : après «Cash Investigation», des agriculteurs dénoncent », La Voix du Nord interviewe des agriculteurs aux pratiques très diverses. Les arguments sont souvent confus. Mais, la présentation est en tous cas plus équilibrée que celle de Cash Investigation…
Sous le titre « Cash Investigation et FranceTVInfo : connaissez-vous les blagues « Radio Erevan » ? », Seppi, sur son blog, fait une analyse complète de la façon dont FranceTvInfo organise le débat post-émission. M Boudot allait répondre « aux questions des clavardeurs ». La ressemblance avec Radio Erevan, radio arménienne de l’époque stalinienne, est frappante : questions ne passant pas, absence de réponse, réponses honteusement fausses… Seppi conclut « Nous croyons comprendre que nous n’avons pas été les seuls à tirer la sonnette d’alarme. Car là, on touche à une illustration du manque flagrant de maîtrise du dossier et, pour tout dire, du parti pris. […] Il n’est pas interdit d’être de parti pris. En revanche, il y a un problème de déontologie – particulièrement sur une chaîne et un site du service public – quand on laisse entendre qu’une « investigation » représente une enquête objective et quand un clavardage – en plus annoncé urbi et orbi au JT de 13 heures – n’admet que les commentaires dans la ligne du parti pris. »
Pour aller plus loin, voir nos articles précédents ici et ici.