Forts de la faiblesse politique du gouvernement ainsi que de l’hésitation des scientifiques et de la profession agricole à s’exprimer clairement, les environnementalistes redoublent d’efforts médiatiques – et mensongers – pour peser sur les députés. Ces derniers sauront-ils résister ?
Ce que sont les néonicotinoïdes
Les néonicotinoïdes sont des insecticides. Ils sont dangereux pour les abeilles et pollinisateurs. Personne ne le nie.
Cependant, les études scientifiques et l’expérience prouvent clairement que :
– Leur utilisation conformément à la loi n’entraine pas de mortalité notable des abeilles
– Leur interdiction sans discernement, impliquant l’utilisation d’insecticides d’anciennes générations plus risqués pour les abeilles, pourrait être contreproductive quant à la santé des abeilles, pollinisateurs et auxiliaires biologiques de l’agriculture.
Voir argumentaire détaillé ici (pages 2 et 3).
W Seppi exprime le même point de vue de façon plus directe: « [Interdire] les néonicotinoïdes ? Certains agriculteurs ne sèmeront plus de colza. Les abeilles sauvées des néonicotinoïdes seront privées de nourriture. Mais la mort par famine est plus écologique que la désorientation par néonicotinoïdes, n’est-ce pas… D’autres auront recours à d’autres insecticides dont les risques pour la faune, y compris les abeilles, sont bien plus importants. » . Voir ici.
La rhétorique de la peur
Présenter les néonicotinoïdes comme des tueurs en série et leur utilisation comme un permis de tuer les abeilles est une manipulation pure et simple. Elle joue sur des suppositions sans fondement, un appel à l’affectif, à l’analogie et à la peur. Toutes choses qui ne devraient pas être la base d’une décision éclairée. Et pourtant… pour des raisons strictement politiques, sans égard pour les faits, sans égard non plus pour le devenir de l’agriculture – ni même d’ailleurs pour celui des abeilles ! – les environnementalistes font preuve d’une imagination débordante et de moyens médiatiques hors du commun pour tenter de semer la peur.
Générations Futures, organisation anti-pesticides bien connue, appelle à manifester à l’Assemblée Nationale.
Le Monde publie une pleine page de publicité de plusieurs organisations environnementalistes agitant le spectre d’un monde sans abeilles.
Sum Of Us lance une pétition en ligne pour « la fin du permis de tuer les abeilles ».
Et beaucoup d’autres moyens médiatiques analogues.
Le lobbying politique des environnementalistes
L’ANSES et l’EFSA sont des agences indépendantes chargées d’évaluer scientifiquement les usages de produits vétérinaires, phytosanitaires ou biocides, comme on le fait par ailleurs des médicaments. Nous devrions dire que l’ANSES et l’EFSA tentent de rester scientifiques et indépendantes. Car elles ont à faire face à un véritable tsunami environnementaliste, employant des moyens contestables. De plus, même indépendantes dans leur jugement, elles n’ont pas toute latitude à s’exprimer publiquement.
En France, la situation est encore aggravée du fait du poids donné ou laissé à la ministre de l’environnement, alors que le ministère compétent est celui de l’agriculture.
Un peu d’espoir cependant: Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, a écrit le 15 mars aux députés leur demandant « d’éviter l’interdiction brutale » des insecticides néonicotinoïdes. Voir ici. Il a même donné dans sa lettre d’autres arguments de fond :
– Eviter les distorsions de concurrence. La question doit être traitée au niveau européen.
– Les voies alternatives existantes « ne présentent aucune garantie supplémentaire pour les pollinisateurs, bien au contraire »
– « « La solution qui consisterait à interdire tous les usages de produits contenant des néonicotinoïdes en France pourrait se traduire, en fait, par un recul de la politique que mène le gouvernement pour protéger les pollinisateurs, domestiques ou sauvages, et pour réduire le recours aux produits phytosanitaire »
Les environnementalistes font de la rhétorique en dénonçant les lobbys. Mais ce sont bien eux qui, aujourd’hui, se comportent en lobby de la pire espèce, avec des moyens mensongers et disproportionnés, et en tentant d’exercer un chantage sur les députés.
Les environnementalistes disent représenter la société. Mais, en réalité, même si leur rhétorique de la peur commence à porter ses fruits de façon inquiétante, leur nombre est restreint. Leurs manifestations sont maigrelettes. Pour donner le change, il leur arrive même de tricher honteusement. Par exemple, Reporterre a utilisé une photo d’une manifestation Je suis Charlie pour illustrer un appel à manifester contre les pesticides. Et ne l’a retiré sans explication qu’après avoir été démasqué sur les réseaux sociaux…
Un peu de raison ?
En plus des arguments de fond, il faut mentionner que :
– Une interdiction nationale est contraire au droit européen qui vise à l’harmonisation européenne de la protection des plantes. Elle placerait les agriculteurs en distorsion de concurrence grave par rapport à leurs collègues européens.
– C’est à l’ANSES de décider des autorisations (ou refus d’autorisation) des usages phytosanitaires en France. Les députés n’ont pas compétence , ni politique, ni réglementaire, ni scientifique, ni agronomique, à le faire.
Pour sortir de cette impasse, on peut encore espérer que les députés sauront résister à la pression.
En matière de protection des abeilles, des pollinisateurs et des auxiliaires naturels, les producteurs n’ont pas de leçons à recevoir des environnementalistes.
Dans « Néonicotinoïdes, glyphosate : pour des décisions éclairées et basées sur la science », nous avons déjà évoqué les prises de position de GEFEL (Organisations de Producteurs de Fruits et Légumes) et des JA. La position de GEFEL donne également des arguments de fond sur le dossier néonicotinoïdes.
D’autres organisations professionnelles régionales ou locales ont écrit à leurs députés : Cerafel Bretagne (Organisation de Producteurs fruits et légumes de Bretagne), Fédérations régionales de coopératives, etc.
Il est temps également que les organisations professionnelles principales expriment clairement leur point de vue.
Mise à jour du 18 mars 2016 :
Les députés n’ont pas résisté ! ils ont adopté l’interdiction par 30 voix contre 28. Une très courte majorité alors que seuls 58 députés sur 577 ont voté.
De quoi s’interroger sur le fonctionnement aujourd’hui de notre démocratie.
Les environnementalistes crient évidemment victoire.
Prochaine étape au Sénat…