L’interdiction française du diméthoate sur cerises continue d’avoir des répercussions importantes. Une décision doit intervenir très rapidement.
Dans un communiqué de presse, le ministère de l’agriculture parle d’un « problème potentiel [identifié par l’EFSA] en terme de risque pour la consommation de denrées traitées avec du diméthoate ». Et annonce vouloir protéger les producteurs des « distorsions de concurrence » par une clause sauvegarde.
Dans « Diméthoate/cerises : Vers une décision à la fin de la semaine », La France Agricole fait un point rapide du débat réglementaire.
Sous le titre ironique « Diméthoate : Le Foll se pète la cerise », Wackes Seppi publie un article complet sur le dossier diméthoate sur cerises, avec quelques digressions sur celui des néonicotinoïdes. Il relève principalement que :
– Les discours politiques sur les dangers du diméthoate doivent être ramenés à leur juste mesure. Malgré tous les discours alarmistes, « il est question d’incertitude par rapport à des valeurs établies de manière très protectrice, pas de risques avérés ».
– « Il règne un désordre inimaginable dans la répartition et le respect des compétences […] : L’altermonde anti-pesticides n’a rien trouvé à redire au cumul de l’évaluation et de la décision » dans les mains de l’ANSES. Celle-ci se retrouve dans une position « très inconfortable » qui accroissent ses tendances à la « soumission au politiquement correct et aux attentes de ses donneurs d’ordre ».
– « Le diméthoate est approuvé au niveau de l’Union européenne et qu’il est utilisé dans de d’autres pays, pas que sur la cerise, mais aussi, en particulier, pour lutter contre la mouche de l’olivier. »
Le ministère de l’agriculture clame qu’il est amené à interdire le produit parce qu’il serait dangereux pour la santé des consommateurs et des utilisateurs. Voir par exemple ici une déclaration de Patrick Dehaumont, DGAL, sur RTL. Or c’est faux.
L’EFSA (agence européenne) avait conclu en son temps qu’il restait quelques interrogations sur des métabolites secondaires, insuffisamment caractérisés. Mais la substance est inscrite au niveau européen. L’Italie, Etat membre rapporteur, a du temps pour demander à la firme les données supplémentaires (maintenant obtenues) et les interpréter afin que l’UE puisse trancher définitivement en juillet 2018.
Le dernier avis de l’ANSES, très politique au mauvais sens du terme, visant à l’interdiction du diméthoate pour les autres usages (olivier, …) porte sur les conditions de son utilisation.
Voir l’Avis de l’ANSES publié le 15 février 2016 (et daté du 27 mai 2015…)
Même en admettant que cela justifie, étant donnée la volonté ultra-protectrice de la législation française, un non-renouvellement de l’autorisation, cela ne justifie pas un refus de dérogation pour un usage qui est orphelin, car la santé du consommateur n’est absolument pas en jeu : Cette substance est utilisée depuis 1948, a été réexaminée avec succès au Canada qui a maintenu une LMR de 2ppm (10 fois celle de l’UE). Lorsqu’elle est utilisée correctement, il n’y a pas de dépassement de la LMR de l’UE.
Face à cette précipitation et à ce refus du gouvernement français d’accorder une dérogation, la seule solution qui resterait serait d’appliquer une clause de sauvegarde, visant à interdire les cerises venant des Etats membres et pays hors-UE où le diméthoate est autorisé. C’est ce que s’apprête à faire le gouvernement français. Outre qu’il est pratiquement impossible d’arriver à interdire totalement de telles importations, ceci serait une nouvelle et grave atteinte au marché unique européen.
Dans l’attente de solutions alternatives et d’un nouvel avis de l’EFSA éclairé par les données les plus récentes, et pour montrer une attention particulière à la sécurité du consommateur, la meilleure solution provisoire est d’accorder une dérogation et de faire un suivi renforcé des résidus. Au lieu de cela Stéphane Le Foll et le gouvernement se sont enferrés dans le suivisme de la mouvance environnementaliste et ont provoqué leur propre embarras.
En lançant une interdiction franco-française de tout usage du diméthoate, y compris de toute dérogation, non seulement la France bouscule une fois de plus le calendrier européen, mais elle contribue aux distorsions de concurrence, à la défiance injustifiée envers l’EFSA, et plus encore à la destruction pure et simple des mécanismes règlementaires européens. Ni les producteurs, ni les consommateurs n’ont besoin de cela. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une Europe plus forte, avec une réglementation s’appuyant sur des données scientifiques.
Pour aller plus loin :
« Aurons-nous des cerises cet été ? »