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Glyphosate : le scandale du CIRC

25 avril 2016

La bataille réglementaire et politique autour du glyphosate fait rage, particulièrement en Europe (voir ici et ici). Les environnementalistes ont été confortés par le classement du glyphosate comme « probablement cancérigène » par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer, IARC in English), organisation liée à l’OMS[1] en 2015.

Pourtant aucune autre instance de l’OMS ne partage l’analyse du CIRC. Et l’ensemble des agences de sécurité dans le monde, dont l’EFSA, juge le glyphosate comme sûr dans les conditions dans lesquelles il est employé.
Les raisons qui ont poussé le CIRC à publier leur avis négatif demandent à être éclaircies.

Pourquoi la position du CIRC est un scandale

David Zaruk, Risk Monger, a enquêté et en déduit qu’on peut parler d’un scandale du CIRC (« IARC-gate », en référence obligatoire in English à l’historique Watergate).

Voir en particulier « Le scandale du CIRC pour les nuls : Trois raisons qui font de la campagne sur le glyphosate de l’agence de l’OMS un scandale » (7 avril 2016) et « Le comportement non-professionnel et non-éthique du CIRC. Il est temps qu’ils retirent leur monographie sur le glyphosate » (21 mars 2016) (All in English)

Les principaux points que David Zaruk met en évidence sont :
–  Un conflit d’intérêts caché : Christopher Portier, qui a été un membre actif important de la position du CIRC, a des liens étroits avec l’Environmental Defense Fund, et un militant anti-glyphosate avéré. Le CIRC a tenté de cacher ces liens.
Attaques contre les autres agences scientifiques : Christopher Portier a fait le tour des capitales et rencontré en privé les commissaires européens et les politiciens allemands, publié des articles, écrit des lettres, avec un seul but : décrédibiliser la communauté scientifique (qui avait rejeté l’avis du CIRC du fait de la faiblesse de la méthodologie et de l’absence de preuves). Le CIRC a non seulement défendu Portier dans cette démarche, mais a aussi attaqué le BfR (agence allemande de sécurité) et l’EFSA (agence européenne), les accusant de conflits d’intérêts, alors qu’ils ont répondu factuellement à toutes les objections.
Promotion d’une approche politisée contre des décisions politiques basées sur la science : un membre du groupe a informé une ONG un an avant la réunion du CIRC qu’il serait décidé de classer le glyphosate comme cancérigène…
– L’EFSA et le BfR base leur analyse sur le risque. Le CIRC lui ne considère que le danger intrinsèque et se bat contre une approche basée sur le risque. (On peut d’ailleurs relever une contradiction dans la position du CIRC : il classe la viande également comme cancérogène possible et les saucisses (les charcuteries) comme cancérigènes certains. Or le CIRC a en parallèle bien indiqué que ceci ne voulait pas dire qu’il fallait interdire les saucisses, mais qu’il fallait simplement avoir une alimentation équilibrée. C’est somme toute une position équilibrée. Mais, s’ils voulaient être cohérents, il leur faudrait demander à ce que les saucisses et la viande soient interdits. Chiche !)

Le Monde veut étouffer le scandale. Et en fait de la publicité…

Stéphane Foucart, journaliste au Monde et surtout militant environnementaliste de fait, soutient ouvertement la position du CIRC et Risk Monger a été menacé de poursuites en diffamation, ce qui a entraîné une rupture avec l’hébergeur de son blog.

Wackes Seppi et David Zaruk ont rendu compte des péripéties de la pression exercée par Le Monde et critiqué, avec des arguments solides, le soutien du Monde au CIRC.

Voir en particulier :
« Glyphosate  : pourquoi Greenpeace, PAN et le membre du Parlement européen sont des suppôts de Monsanto » (21 avril 2016) (in English, en français)

« Glyphosate : Le Monde, un arbitre bien partial » (Seppi, 07avril 2016)

« EFSA bashing : Le Monde s’emploie à détruire son capital de crédibilité…, …enfin ce qui lui en reste » (Seppi, 01 avril 2016)

Cependant la tentative d’étouffement de la parole de David Zaruk a un effet paradoxal : la presse internationale commence à le publier et/ou à reprendre ses arguments. Par exemple :

« Qui a dit que le bacon était mauvais ? » (in English), par Kate Kelland sur Reuters
« Scandale au CIRC ? Les environnementalistes européens anti-chimie veulent-ils étouffer le scandalle de conflit d’intérêt ? » (in English), par David Zaruk et Jon Entine sur Genetic Literacy Project.

Et encore un article (in English, accès abonnés) de Matt Ridley sur The Times qui compare le scandale du CIRC avec le scandale anti-vaccinal (une étude maintenant retirée, qui, aux USA, faisait faussement le lien entre les vaccins et l’autisme).

Les conséquences graves d’une science dévoyée

Les scientifiques qui connaissent le sujet ne se laissent pas si facilement influencer par la communication catastrophiste du CIRC épaulée par Le Monde et les réseaux sociaux. Ainsi Bernhard Url, directeur exécutif de l’EFSA, déclarait en décembre 2015 : « Pour moi, ceci [une lettre du CIRC] est le signe que nous entrons dans l’âge Facebook de la science. Vous avez une évaluation scientifique, vous la mettez sur Facebook et vous comptez combien de personnes « aiment ». Pour nous, ce n’est pas un progrès. Nous, nous produisons une opinion scientifique, nous la défendons, mais nous n’avons pas à prendre en compte si c’est aimé ou pas » Voir ici.

Malheureusement, « l’âge Facebook de la science » influence les choix politiques et les textes réglementaires.

Comme le fait remarquer Guy Waksman dans la gazette de l’AFIA n° 13 de 2016, « Avec des « journalistes » comme M. Foucart, le redressement productif n’est pas pour demain ou même après-demain tant est grand le désintérêt vis-à-vis de tout ce qui est effort de production et de productivité. Si l’écologie est nécessaire, l’écologie politique, c’est la bérézina de la pensée rationaliste.
Dans « Ségolène Royal contre les pesticides : la ministre de l’Environnement est-elle fâchée avec la science ? » sur Atlantico, Gérard Kafadaroff, prend l’exemple de l’aversion de la ministre de l’environnement et de son aversion pour le Roundup et les OGM et généralise :
« Etat-providence, protecteur et sécuritaire, principe de précaution dévoyé, écologisme idéologique, désaffection de la science, nombrilisme  hexagonal, déni de réalité, risques non-hiérarchisés, médiatisation de la peur, prophètes de malheurs préférés aux experts scientifiques, retour à la bonne vieille mère Nature, refus du savoir étouffé par les convictions : n’est-ce pas entrer dans l’ère du renoncement et de la régression ?
Non Madame la ministre de l’Ecologie, non Mesdames et Messieurs les responsables politiques, la science n’est pas le problème, c’est la solution ! »
Encore faut-il que la science ne soit pas dévoyée…

Pour aller plus loin :
« Sauver le Glyphosate : Mission impossible ? »
« Haro sur le glyphosate ? »
« Glyphosate : l’EFSA répond aux attaques »

[1] Organisation Mondiale de la Santé

1604CancerigenesSelonIARC-CIRC