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Diméthoate / cerises : le gouvernement joue aux dés aux dépens des producteurs

17 mai 2016

Après l’interdiction du diméthoate pour protéger les cerises des attaques de Drosophila suzukii, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a donc pris un arrêté le 21 avril 2016 interdisant « l’importation et la mise sur le marché en France de cerises fraîches destinées à l’alimentation en provenance d’Etats membres de l’Union européenne ou de pays tiers l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active diméthoate est autorisée en traitement des cerisiers. »

Le CTIFL (centre technique) a publié une note technique à l’attention des producteurs. Les producteurs ont plusieurs solutions, mais à l’efficacité plus faible ou en tous cas non éprouvée. Or la clémence de l’hiver 2015-2016 est lourde de menace d’attaques sévères, qui se concrètiseront ou non selon les conditions météorologiques des semaines qui viennent.  Le CTIFL conclut : « Il n’est donc pas possible, dans l’état actuel des connaissances de proposer des stratégies de protection des cerises avec une garantie d’efficacité quelle que soit la pression de D. suzukii. »

Plusieurs médias liés à l’agriculture montrent l’impasse dans laquelle se retrouvent les producteurs.

BASF, société phyto (non directement liée au diméthoate), titre « Interdiction du diméthoate : et si on se parlait d’abord ? » et souligne : « Tout cela donne l’impression d’une grande improvisation. On interdit brutalement une solution et on essaie ensuite d’en réparer les conséquences. Pourtant, le ministère de l’Agriculture aurait pu procéder autrement. Après la décision de l’Anses, il avait la possibilité d’accorder une dérogation d’utilisation du diméthoate pour la campagne 2016, ce qui laissait une année complète pour trouver des solutions de protection alternatives. Il ne l’a pas fait. Ce sont les producteurs de cerise qui vont en faire les frais. Certains ont déjà pris les devants et arraché leurs vergers. Quel gâchis… »

Végétable titre « Cerise d’industrie : menace de mort sur les entreprises ». En effet, bien que l’arrêté ne vise que les cerises fraîches, l’arrêté menace l’approvisionnement des fabricants de cerises confites. « L’hypothèse d’une pénurie de la production nationale de cerises bigarreaux remet totalement en question l’activité des entreprises productrices, au risque de les faire péricliter. […] La spécificité de la cerise bigarreau n’a pas été prise en compte par les services du ministère de l’Agriculture. […] La décision d’interdiction d’utilisation du diméthoate pour les cerises bigarreaux est dénuée de fondement et a été prise en dépit du bon sens. Les entreprises de la cerise confite sont favorables à l’arrêt programmé de ce pesticide, mais celui-ci doit être planifié afin d’expérimenter et mettre en œuvre des alternatives efficaces. Ceci afin d’éviter de nuire gravement au tissu industriel local traditionnel d’un territoire où les usines se raréfient. »

Sous le titre « http://www.wikiagri.fr/articles/cerises-et-dimethoate-exemple-type-de-la-deconnexion-entre-decisions-et-agriculteurs/8996 », WikiAgri montre l’incohérence de la décision sur de nombreux aspects. En particulier, « L’exemple de la cerise montre un énorme « n’importe quoi » dans la concrétisation de cette intention (aller vers le zéro pesticide), qu’on la partage ou non (je connais des agriculteurs qui la décrient, d’autres qui l’encouragent, cet édito, je le rappelle, n’entre pas dans ce débat aujourd’hui). Car la décision est prise pile une année à fort risque d’attaque par une mouche asiatique au nom de moto, le drosophile Suzukii. »

Pour Seppi, sur Contrepoints, « Stéphane Le Foll gère la crise par la communication », et ses promesses de compensation.

Stéphane Le Foll a bousculé le calendrier européen concernant le diémthoate et entrainé des décisions analogues d’interdiction immédiate de l’Italie, de l’Espagne et de la Belgique.
Si les attaques de Drosophila suzukii ne sont pas trop fortes, les approvisionnements et les circuits commerciaux ne seront pas forcément complètement bousculés.
Mais, si les attaques sont importantes, la situation sera alors catastrophique pour les producteurs. Car, les compensations, si elles sont réelles (ce qui reste à prouver), ne suffiront pas. Et les cerises ne seront accessibles qu’aux plus riches…
De plus, Stéphane Le Foll, par cette décision, alimente les forces qui tendent à discréditer le fonctionnement de la réglementation européenne et à disloquer l’Union Européenne.
Tout cela pour une substance qui vient d’être ré-approuvée au Canada avec une LMR 10 fois supérieure à la LMR de l’UE.
Effectivement un vrai gâchis.

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Pour aller plus loin :
« Diméthoate / cerises : interdiction injustifiée et situation inextricable »
« Diméthoate / cerises : le gouvernement français contre l’UE ?«