Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a timidement regretté deux manquements de Cash Investigation, émission de la télé publique France 2, du 02 février 2016 sur les pesticides. Cela n’empêche visiblement pas Elise Lucet, de s’apprêter à récidiver ce mardi soir 13 septembre 2016 sur l’alimentation « industrielle ».
Le travail minimaliste du CSA
Dans un communiqué, le CSA reproche essentiellement deux points à l’émission du 02 février 2016 :
– Avoir « indiqué de manière erronée qu’une étude de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire avait révélé que 97 % des denrées alimentaires contenaient des résidus de pesticides, alors que l’étude fait état, en réalité, de 97 % de ces denrées qui contiendraient des résidus dans les limites légales. »
– N’avoir pas mis « les parlementaires nommément visés » pour la participation à un repas avec un industriel « en situation de pouvoir expliquer les raisons de leur présence »
Rien de plus. Travail minimaliste.
Un début ?
Peut-on considérer que cet avis du CSA serait un début ? qu’il marquerait un tournant vers plus de respect de la déontologie journalistique ?
Rien n’est moins sûr :
– Il a fallu que de nombreux médias, poussés par la grosseur du mensonge des 97% et les protestations de l’AFIS reprises, commencent à lâcher Cash Investigation pour que le CSA émette cet avis plusieurs mois après…
– De nombreux autres éléments infondés, et présentés dans l’émission uniquement pour faire peur, ne sont pas mentionnés dans l’avis du CSA. Voir nos articles ici et ici.
– Ce type de dérapage arrive plusieurs fois par semaine, même si on se limite au service public, censé être plus vertueux… Sous le titre « Bourde au journal de France 2 : encore une pomme de discorde », Seppi en analyse un exemple récent et frappant dans lequel, en prime, France 2 qui « corrige subrepticement le texte sur Internet » « quand une journaliste raconte un bobard au journal télévisé »
– La mécanique médiatique (et, au final, économique) de la recherche de l’audience à tout prix ne pousse pas les journalistes à se soucier de la déontologie. Une mauvaise nouvelle, génératrice de peur, anecdotique, même si elle est fausse, fait beaucoup plus d’audience qu’une analyse sérieuse sur un sujet de fond.
Prochain test : l’industrie agro-alimentaire
Ce mardi soir 13 septembre 2016, Cash Investigation dans « Industrie agroalimentaire : business contre santé », promet de démasquer les « mensonges » de l’industrie.
Catherine Chapalain, directrice de l’ANIA[1] a accepté d’être interviewé par Elise Lucet, même si elle connait « les méthodes parfois rugueuses de l’émission et son goût pour le sensationnalisme ». Dans « Mon interview avec Elise Lucet de Cash Investigation », elle décrit cette expérience avec :
– Un vrai plateau de cinéma avec 7 personnes dont deux journalistes, « installés dans une autre pièce avec leurs ordinateurs et un micro connecté à l’oreillette de Mme Lucet.. [Elle pensait] que [leur] entretien serait plus simple en logistique… »
– Insistance d’Elise Lucet pour NE PAS évoquer les quatre propositions d’améliorations d’étiquetage nutritionnel en jeu.
– Etonnement de C Chapalain sur l’a priori d’Elise Lucet selon laquelle « le monde de l’alimentation était divisé en deux. D’un côté les bons produits du terroir et de l’autre les mauvais produits de l’industrie. Quelle méconnaissance du secteur agroalimentaire et de la fabrication des aliments en France »
Comme l’écrit Alerte Environnement, rendant compte de l’article de l’ANIA, « Que dire de cette méthode d’interview ? Ce n’est pas du journalisme mais de la pure propagande ! »
Catherine Chapalain a ensuite exposé les positions de l’ANIA, qui ont toujours été publiques.
Le sujet sur l’industrie alimentaire étant moins sensible que celui des pesticides dans l’esprit du public, cette émission laissera sans doute moins de trace dans les médias. La méthode n’en reste pas moins détestable.
[1] Association Nationale des Industries Alimentaire