Biocoop, entreprise commerciale comme une autre, fait dans la « com ». C’est tout à fait respectable. Sauf que Biocoop, pour frapper les esprits, a décidé de faire la guerre à tout ce qui n’est pas bio, quitte à faire du dénigrement pur et dur. Cette stratégie marketing vient d’être condamnée par la Justice.
Brève analyse de ce jugement
Ce jugement fait suite à la plainte de trois organisations de la filière fruits et légumes (Interfel, ANPP et FNPF[1]) contre une publicité de 2014.
Il ne se prononce pas sur le débat scientifique et sociétal autour des pesticides. Il ne retient donc pas la « tromperie ».
Mais il condamne sans détour le « dénigrement » qui est contraire au code du commerce. Voir les p 8 et 9 du jugement : « il est établi que cette campagne publicitaire repose non pas sur la valorisation des pommes issues de l’agriculture biologique, mais au contraire sur le dénigrement de celles issues des autres filières, aux fins de dissuader les consommateurs d’acheter ces fruits.
Il tend, par son contenu, à favoriser la vente de ses produits par le discrédit jeté publiquement sur ceux issus d’autres filières de production contre lesquelles il est expressément, sous la forme d’une injonction («N’achetez pas de pommes…»), appelé au boycott »
La condamnation comprend, outre des sanctions financières, la publication du jugement dans trois publications au choix des associations ANPP, Interfel et FNPF.
Il est à noter que le tribunal ordonne « l’exécution provisoire » du jugement, ce qui est relativement exceptionnel. Autrement dit, l’appel n’est pas suspensif. Biocoop a encore la possibilité de faire appel, mais cela n’empêche pas l’exécution du jugement.
La position des producteurs de fruits et légumes
Sous le titre « Amende amère pour Biocoop. Ou quand le commerce inéquitable se prend une grosse prune », Daniel Sauvaitre, président de l’ANPP (producteurs de pommes), se réjouit du jugement.
Il note que « ce jugement tombe pile poil au moment où ce réseau de distribution remet le couvert avec entre autre un nouveau clip inspiré d’Apocalypse now pour culpabiliser à outrance les consommateurs qui ne consomment pas de fruits et légumes bio. Avec bien sûr la pomme dans le rôle principal. » Et s’interroge donc sur l’opportunité de remettre le couvert.
Mais surtout, il reste interrogatif sur le besoin de Biocoop « de dénigrer à outrance tout ce qui n’est pas [bio] pour augmenter sa part de marché ». Le bio bénéficie d’une bonne image et « les frontières entre les itinéraires culturaux s’estompent ». Daniel Sauvaitre sait de quoi il parle, ayant lui-même « un verger en conversion ».
De nombreuses coopératives dont les producteurs sont majoritairement en conventionnel ont, comme dans son cas, une activité significative en bio. La coexistence est non seulement possible, elle est même fructueuse et souhaitable.
Actualisation le 23 septembre à 17h :
Interfel, ANPP et ANPP ont publié un communiqué de presse rendant compte du jugement. Ces organisations rappellent que » les professionnels de la filière des fruits et légumes frais, quel que soit le mode de production (biologique ou non), œuvrent au quotidien pour proposer des produits sains et respectueux des réglementations très strictes établies par les Pouvoirs publics. »
De plus, Interfel, au nom de toutes les professions des Fruits et Légumes, » mène des campagnes d’information et de communication afin de valoriser tous les fruits et légumes frais, contrairement à Biocoop qui s’emploie à dénigrer les produits non biologiques dans une démarche purement commerciale et opportuniste. »
Il est dommage que le bio-« canal-historique », qu’il soit de type Biocoop ou Tribunal Monsanto, continue de jouer le clivage, voire la guerre au lieu de vanter la qualité de leurs produits et d’entretenir les convergences, nombreuses, qui existent entre producteurs…
Pour aller plus loin :
« Rot Biocoop, quelque chose de pourri et d’inhumain dans le bio business (suite) »
« Pour sourire (sarcastiquement) : « Rot Biocoop, quelque chose de pourri et d’inhumain dans le bio business » »
[1] Respectivement Interprofession Fruits et Légumes, Association des producteurs de Pommes et Poires, Fédération Nationale des Producteurs de Fruits (syndicat spécialisé lié à la FNSEA)
Sourire en forme de Nota Bene : Contrairement à ce que soutient le tweet de @AEGRW de l’époque (voir image ci-dessus) : Et bien non: ce genre de pub, « pourrissant » les produits de la concurrence, n’est pas « légale ».