La Commission Européenne avait publié début 2016 les critères scientifiques définissant les perturbateurs endocriniens (PE) (voir ici). Elle a, depuis, publié un rapport visant à évaluer le nombre de substances qui pourraient être impactées, et tente de calmer les reproches qui lui sont adressés aussi bien par les ONG environnementalistes que par l’industrie ou les organisations agricoles.
Voir les pages (ici et ici, in English) consacrées au dossier Perturbateurs Endocriniens sur le site de la Commission Européenne, ainsi que l’évaluation d’impact (in English) publiée mi-2016. Sous le titre « 76 perturbateurs endocriniens ciblés par la Commission européenne » Environnement Magazine avait publié un résumé de cette évaluation.
Dans « Perturbateurs endocriniens: petits amendements à la proposition européenne » (abonnés), Le Journal de l’Environnement liste les quelques modifications, qualifiées de « cosmétiques », proposées par la Commission à sa proposition initiale.
Résumés par Actu-Environnement, les trois reproches essentiels faits par les ONGs à la proposition de la Commission sont « Premièrement, la Commission propose d’interdire uniquement les perturbateurs connus pour avoir des effets nocifs sur les humains. Deuxièmement, elle souhaite exclure les substances présumées PE. Troisièmement, elle propose d’exclure les substances non pas selon leur danger mais après une évaluation des risques, ce qui prend en compte le niveau d’exposition des populations. » En bons lobbyistes, les ONGs repartent à l’offensive en rencontrant des députés européens et en lançant une pétition.
Pour Pourquoi Docteur, dès février 2016, aucun doute, tout cela est un complot par lequel « l’Europe tente de réintroduire des produits interdits »
Un peu de recul
Dans « La contre-attaque sur les pesticides prend forme », L’echo.be rend compte de façon équilibrée de la bataille réglementaire et politique autour de la définition des PEs.
Au-delà des mots, la bataille est fondamentalement politicienne (plus que politique). Une nouvelle fois, comme dans le cas du glyphosate, les environnementalistes contestent la légitimité même de l’EFSA (Agence de Sécurité Européenne) et de la Commission Européenne.
Il est à noter que leur volonté d’une application stricte, jusqu’à l’absurde, du Principe de Précaution, ne vaut que pour les produits de synthèse. Si l’on appliquait leur logique jusqu’au bout, il faudrait interdire café, soja, lait, etc.
Les environnementalistes défendront même, à n’en pas douter, l’utilisation de l’huile de neem comme pesticide, actuellement autorisée en bio au niveau européen (mais pas en France), alors que, puisqu’elle a un effet contraceptif masculin avéré, elle ne devrait pas être autorisée même dans la définition soi-disant moins stricte proposée aujourd’hui par la Commission.
Les agriculteurs peuvent être inquiets de la proposition de la Commission Européenne, fondamentalement basée sur l’exclusion de substances sur la base du danger intrinsèque, et non pas du risque réel, même si quelques dérogations sont possibles.
En essayant de ménager toutes les parties, la Commission Européenne semble au contraire se mettre tout le monde à dos…
Les prochains mois vont voir la pression environnementaliste monter. Les agriculteurs devront se mobiliser pour empêcher qu’une application extrémiste du Principe de Précaution ne vienne encore réduire le petit nombre de solutions dont ils disposent pour protéger leurs cultures. Réduction inutile en ce qui concerne la santé publique : pour réduire les risques, rien ne vaut les bonnes pratiques, qui réduisent l’exposition. Ils devront aussi se mobiliser pour que les PEs fassent l’objet d’une décision basée sur la science et allant dans le sens de l’harmonisation européenne, conformément à l’objectif déclaré du règlement 1107/2009, ne laissant pas de place à des surenchères nationales non pertinentes et illégitimes.
Pour aller plus loin :
« Perturbateurs endocriniens : une crise de la décision dans l’UE »
« « Comment la politique l’emporte sur la science au sujet des perturbateurs endocriniens » (JF Narbonne) »
« Références sur les perturbateurs endocriniens »