Notre société est obnubilée par les résidus de pesticides de synthèse. Ils ne sont pourtant présents qu’à des doses toujours inférieures, le plus souvent vraiment très inférieures, à 1/100° de la dose sans effet, dose administrée toute sa vie à l’animal le plus sensible.
Or, depuis plus de 20 ans, Bruce Ames, toxicologue universitaire californien, a montré que nous ingérons quotidiennement des pesticides présents naturellement dans les plantes, de toxicité comparable à ceux de synthèse. Nous en ingérons même 10 000 fois plus.
Voir son article fondateur « 9 idées reçues sur les causes du cancer » (in English) (version actualisée en 2002). Résumés en français sur ForumPhyto, ici et ici et sur le site du Cerafel Bretagne (ici).
On conseillera également la lecture de « Et les pesticides naturels ? » par Hervé This, dans le cadre du dossier « Agriculture et pesticides » de Science et Pseudo-Sciences en 2016. Nous avions déjà mentionné l’intégralité de ce dossier ici et ici.
Pourquoi une telle disproportion ?
Quand une personne non avertie apprend que 99.99% des pesticides que nous ingérons sont naturels, elle peut penser que ça fait tellement chiffre foireux que ça semble sorti du chapeau… Dans une discussion sur les réseaux sociaux, un interlocuteur écrivait : « c’est probablement vrai, mais pas vraisemblable ».
Pour l’admettre et se rendre compte que c’est non seulement vrai, mais aussi vraisemblable, il faut comprendre que les plantes produisent des pesticides naturels pour se défendre. Ils sont donc présents dans les plantes à des niveaux où ils sont actifs. C’est d’ailleurs ce qui fait que de nombreuses plantes sauvages sont toxiques.
Quelques exemples de substances : nicotine du tabac (d’ailleurs toxique pour les humains), caféine du café (toxique à partir d’une dose atteignable, par ex qqs litres de café par jour), solanine de la pomme de terre ou de la tomate (qui atteint un niveau toxique dans les parties vertes), cyanure dans les pépins de pomme (dont il est déconseillé de faire de l’huile…), les furanocoumarines dans le céleri, autres substances dans fenouil, ail, cucurbitacés, choux, etc.
En 2015, un allemand est mort du fait de la présence trop importante de cucurbitacine dans des courgettes produites à partir de graines du jardin croisées naturellement et accidentellement avec des cucurbitacées d’ornement. Voir ici.
Pas de quoi s’inquiéter cependant, les niveaux de pesticides naturels dans les plantes domestiquées sont suffisamment inférieurs aux seuils de toxicité pour ne pas poser de problème de santé.
Alors que les pesticides artificiels ne sont présents qu’à l’état de résidus, inévitables, mais après avoir fait effet, quelquefois longtemps après avoir fait effet. Pour être homologués, une des conditions est que leur résidu dans la partie comestible soit toujours très inférieur à 1/100° de la dose sans effet, souvent beaucoup moins.
Une idée qui fait son chemin
L’idée de la présence de pesticides naturels en quantité 10 000 fois plus importante que celle de pesticides artificiels et donc de la préoccupation disproportionnée de notre société quant aux résidus de pesticides de synthèse commence à faire son chemin.
Plusieurs sites ou blogs ont récemment repris l’information.
Par exemple en 2016, Daniel Sauvaitre, président des producteurs de pommes, dans « Il y a des tartes aux pommes qui se perdent ». Nous en avons fait une lecture critique ici.
Ou encore le site Genetic Literacy « Chasse aux mythes : les pesticides de synthèse, utilisés avec certains OGM, sont-ils plus dangereux que les naturels ? » in English, traduit en français par Wackes Seppi.
On peut également citer « Pesticides : l’intox du discours bio » par Alain Cohen-Dumouchel sur Contrepoints, malgré son titre inutilement provocateur.
Notre conclusion
Il n’est pas question pour nous de dédouaner les pesticides de toutes les accusations dont on les accable. Les producteurs doivent protéger leur culture. Quand ils utilisent des pesticides, ils doivent faire preuve de prudence parce qu’ils les utilisent à des doses actives. Prudence essentiellement quant à l’environnement et à la santé humaine.
Il est également utile qu’il existe une réglementation basée sur la science sur les résidus dans l’alimentation. Mais la question des résidus a une importance déraisonnable dans le débat public.