Les ONG environnementalistes ont installé le débat sur les perturbateurs endocriniens (PE) sur le terrain politique. Pour le meilleur : transparence et implication du public. Et pour le pire : déversement d’arguments purement émotionnels, argumentation scientifique contestable, voire mensonges purs et simples. L’Union Européenne, plutôt que de prendre une décision basée sur la science, cherche vainement le consensus politique et ne fait que s’affaiblir.
Un traitement médiatique inquiétant
Dans « Perturbateurs endocriniens : inquiétants… les désinformateurs ! », Seppi analyse dans le détail le traitement médiatique d’une étude menée par l’agence officielle Santé Publique France (SPF), née de la fusion de l’InVS, de l’Inpes et de l’Eprus. Cette étude portait sur l’imprégnation des femmes enceintes par les polluants de l’environnement (Tome 1 les polluants organiques). SPF présente le travail de manière neutre, sinon positive. Par exemple, « La présence de polluants organiques décelée chez la quasi-totalité des femmes enceintes de l’étude, mais à des niveaux globalement moindres que dans les études antérieures françaises et étrangères ». Or l’AFP, dont la dépêche a été reprise par de nombreux médias, ne fait que souligner une inquiétante présence systématique de substances « pouvant » être des perturbateurs endocriniens, mot passe-partout de tous les marchands de peur. Omettant systématiquement les passages où SFP souligne que les taux retrouvés sont systématiquement en dessous de tout niveau préoccupant. Omettant de mentionner que les principales sources d’exposition sont domestiques (par exemple anti-poux ou anti-puces) ou encore, pour le BisphénolA (BPA) liées au tabac, du fait de la présence de BPA dans les filtres des cigarettes.
L’UIPP réagit à une campagne environnementaliste
La campagne de la fondation Léa Nature / Jardin Bio, en lien avec Générations Futures, est un exemple typique de la façon dont les environnementalistes mène campagne sur les perturbateurs endocriniens : appel à l’émotion, utilisation d’images d’enfant, oubli systématique des perturbateurs potentiels naturels, dramatisation injustifiée d’expositions négligeables, etc.
Dans un communiqué, l’UIPP (firmes phytosanitaires) dénonce cette « campagne réductrice qui nourrit une perception totalement biaisée des perturbateurs endocriniens avec des accusations scientifiquement infondées. »
L’argumentaire de l’UIPP porte principalement sur trois points et mérite attention :
– « Une substance en interaction avec le système endocrinien n’est pas nécessairement un perturbateur endocrinien ». Si l’on devait interdire toutes les substances sur la base des critères de Léa Nature, il faudrait en toute logique interdire aussi le café, le sucre, l’alcool, les œufs, etc.
– « Les produits phytos utilisés en France [Nous rajouterons : et en Europe, ndlr] sont sûrs. » En matière de produits phytos, « tous les produits ayant des effets néfastes avérés ont déjà été retirés du marché »
– « L’objectif partagé par tous est de préserver la santé publique et environnementale, et de continuer d’assurer un haut niveau de protection sur le sol européen. »
Leur conclusion : « Il est indispensable de dépassionner le débat et de le déplacer de la sphère médiatique à la sphère scientifique, permettant aux autorités compétentes d’établir les meilleures décisions politiques et le cadre réglementaire le plus strict en faveur des consommateurs. »
Un débat réglementaire européen trop « politique »…
Pour Euractiv, dans « Bruxelles rassure Washington et Ottawa sur les perturbateurs endocriniens », « les critères de définition et d’évaluation des perturbateurs endocriniens ont entrainé un débat houleux en Europe. En général, l’UE préfère appliquer le principe de précaution que les méthodes d’évaluation du risque utilisée dans d’autres pays. Selon le principe de précaution, les substances sont évaluées en fonction de leur dangerosité potentielle », indépendamment de toute analyse de risque.
Or selon Euractiv, les discussions sur le CETA et le TTIP ont amené l’UE à reculer sur ce principe et à adopter une démarche « moins restrictive, mais [qui] n’offre pas le même degré de protection des consommateurs. » La Commission Européenne s’en défend et estime que « en appliquant des dérogations fondées sur un ‘risque négligeable suite à l’exposition’ plutôt que sur une ‘exposition négligeable’, les décisions européennes seront justifiées par des informations scientifiques plus complètes. » Mais pour les environnementalistes « la Commission a dépassé son mandat en rédigeant les actes légaux de dérogation. »
Dans « Perturbateurs endocriniens : l’Everest de la mauvaise gouvernance européenne », Daniel Guéguen, connaisseur de la politique européenne, montre comment la Commission est tombé dans un piège juridique et politique. Dans le dossier des PE, au lieu de prendre des décisions basées sur la science, la Commission « est gênée, consciente de la nécessité d’une voie moyenne, mais incapable de l’imposer par manque d’autorité. »
Sa conclusion est sévère mais malheureusement juste : « Peut-on imaginer un tel chaos du début à la fin de la chaîne de commandement ! Gestion par la Commission d’un dossier sensible, application du principe de précaution, neutralité des agences, relations ONG/industries, alignement de la législation secondaire : tout est à revoir d’urgence car la situation décrite cumule du temps perdu, des frustrations, de l’incompréhension, des procédures inadaptées. Un gigantesque gaspillage ! »
Nous ne pouvons que partager ce triste constat. Mais il est encore temps de changer de cap.
Pour aller plus loin :
« Perturbateurs endocriniens : La Commission présente des critères scientifiques permettant d’identifier les perturbateurs endocriniens dans le domaine des pesticides et biocides » (Commission Européenne, le15 juin 2016)
« Perturbateurs endocriniens : où sont les marchands de doute ? »
« Perturbateurs endocriniens : Un « marchand de doutes » pris sur le fait ! »