Dans « Le bio : nécessité vitale ou argument de vente ? », la rubrique Polemik de Capital prétend lister les arguments en faveur et en défaveur du bio et ainsi éclairer ses lecteurs. En fait, l’article entretient une profonde confusion…
Une apparente neutralité
Des arguments pour, des arguments contre. Ainsi est structuré cet article.
Pour : « Préserver la santé, préserver la terre, plus accessible à tous, être consom’acteur, un cercle vertueux »
Contre : « Réservé aux plus riches, une production insuffisante pour 7 milliards de personnes, une culpabilisation du consommateur, un argument marketing comme un autre »
Des sources, nombreuses et variées, sont citées. Plus ou moins sérieuses. Grand public ou spécialisées. Indépendantes ou liées au commerce du bio. Cette accumulation de liens est censée nous laisser penser à une certaine « objectivité »
Des idées toutes faites
En fait, l’article ne prend à aucun moment le temps d’un minimum de recul sur ces sources. Il se contente de lister des idées toutes faites.
Deux exemples :
– L’article commence par « Les pesticides sont des polluants organiques persistants (POP). » Cette affirmation est grossièrement fausse pour au moins deux raisons :
1) Historiquement, quelques pesticides se sont révélés être des « POP ». C’est par exemple le cas de certains insecticides organochlorés (aldrine, dieldrine, DDT…). Mais la très grande majorité des pesticides, surtout aujourd’hui, ne sont pas des POP.
2) Visiblement, l’auteur de l’article n’a jamais entendu parler de la Convention de Stockholm entrée en vigueur il y a plus de 10 ans. Au niveau mondial, les pesticides à base de POP sont interdits ou très fortement limités.
– Citant l’étude l’INSERM qui « révèle que l’exposition prolongée aux pesticides génère des cancers, des risques chez les femmes enceintes, la maladie de Parkinson… », il fait une généralisation et un raccourci abusifs. Ce qui donne une tonalité apocalyptique. Renforcée par un couplet sur l’omniprésence des pesticides (jardins publics, produits ménagers, …). Et sans aucune nuance, par exemple sur les niveaux d’exposition en jeu.
Pour ajouter à la confusion, ce paragraphe n’évoque jamais les pesticides utilisés en agriculture biologique. Ce qui n’empêche pas le paragraphe suivant de commencer par : « La consommation de produits issus de l’agriculture biologique est aussi (mise en gras par nos soins) le meilleur moyen de se protéger des perturbateurs endocriniens. »
Certes tout n’est pas à jeter dans cet article de Capital. Certaines sources citées sont intéressantes.
Mais comment un journal se voulant un minimum sérieux laisse-t-il passer de telles énormités ? Qui plus est dans un article censé démonter des idées reçues.
Notre conclusion
Face à une demande croissante, il est logique et souhaitable que des producteurs s’investissent dans le mode de production bio. C’est un mode de production respectable. Les producteurs qui y sont engagés font un travail difficile. Les producteurs bios et conventionnels travaillent souvent ensemble pour des techniques respectueuses de l’environnement. Le travail supplémentaire que ce mode de production exige est mal rémunéré et handicape donc les producteurs des pays développés.
Il serait souhaitable que des médias cessent d’opposer les agricultures et d’entretenir la confusion avec des « informations » qui ne sont souvent que des ouï-dire… Les agriculteurs engagés dans le bio et les consommateurs méritent mieux que cette collection de clichés mal digérés.