L’idée de ce titre nous a été donné par Seppi qui a publié « Sur Capital, la loi la bêtise… oups ! La loi Labbé ». Depuis janvier 2017, l’ensemble des pesticides de synthèse sont interdits d’utilisation par les collectivités dans les espaces verts. Ce n’est pas sans poser de graves problèmes.
Des problèmes techniques
Dans « Espaces verts et pesticides : un divorce annoncé », Agriculture et Environnement (A&E) interviewe Jacques My, (maintenant ancien) directeur de l’UPJ[1]. Ce dernier liste les nombreux problèmes techniques posés par la loi. Pour certains parasites et maladies, il y a des solutions de remplacement. Mais dans de nombreux cas, il n’y a tout simplement pas de solution ! Ainsi en est-il d’un champignon qui attaque le buis, des charançons rouges dévorant les palmiers, du chancre coloré des platanes ou de la chalarose du frêne. Ce qui fait dire à J My : Si on continue à s’interdire toute solution de synthèse, « bonne chance ! ». Globalement, dit-il, les « méthodes [alternatives] sont clairement plus onéreuses, moins efficaces, et comble de l’absurde, pas nécessairement meilleures pour l’environnement ».
Des problèmes économiques
J My, dans A&E, mentionnait les problèmes économiques, mais l’article d’Erwan Seznec dans Capital,cité par Seppi, en fait le centre de son analyse.
Alerte-Environnement en fait un feuilleton :
– « La loi Labbé dans les faits (1) » : Les oliviers de Menton et la bactérie Xylella fastidiosa
– « La loi Labbé dans les faits (2) » : Les palmiers de la Côte d’Azur et le charançon rouge (CRP)
– « La loi Labbé dans les faits (3) » : Le coût exorbitant du désherbage thermique.
– « La loi Labbé dans les faits (4) » : Le buis, la pyrale et la moisissure.
Et le feuilleton n’est pas terminé…
Résumé de Capital : « 100 fois plus cher de traiter les buis avec un procédé bio, 30 % de jardiniers en plus à cause de la loi Labbé, 1,3 % de hausse induite pour les budgets des communes par les nouvelles règles. »
Et Seppi d’ironiser : « Ce n’est peut-être pas exact, car il existe d’autres solutions : laisser pousser les mauvaises herbes et dépérir les plantes… et tant pis ; bétonner ; réintroduire un impôt en nature aboli à la fin de l’Ancien Régime, la corvée, ici, de désherbage. »
Un préjudice esthétique, mais pas seulement
On remarquera l’apparition sur les réseaux sociaux de quelques posts ironiques « remerciant » la loi Labbé pour le nouveau visage qu’offrent les villes « sans pesticides ». Voir par exemple ici et ici.
Mais comme le note G Rivière-Wekstein dans un commentaire d’une photo postée sur Twitter : « C’est la « Royal Attitude ». Certes cela donne un peu de « verdure » au béton, mais gare aux dégâts provoqués par les racines. »
Des risques pour la population
Seppi rajoute quelques « dégâts collatéraux » de la loi Labbé :
– Protéger insuffisamment contre les xylpohages (par exemple charançon des palmiers), « c’est mettre en danger la vie des gens, du fait de la chute inopinée d’arbres et de branches »
– « Le désherbage à la flamme, ce sont des incendies assurés »
Un problème social et éthique
Seppi ajoute « le pompon est décroché par M. Joël Labbé, avec deux déclarations :
« Les villes peuvent faire appel aux associations d’insertion pour le désherbage. »
Suggérer le recours à des personnes en réinsertion pour manier la binette ou arracher les mauvaises herbes – pardon, M. Labbé, les adventices – c’est, à notre sens, une profonde marque de mépris.
Entendons-nous : qu’une municipalité décide de confier ce genre de travaux à une association pour faire vivre cette association et les personnes qu’elle emploie, c’est une chose ; qu’un législateur, en défense de « sa » loi, fasse la promotion d’une forme de travail au rabais, en concurrence ou plutôt à la place des emplois réguliers, c’en est une autre. »
Des exceptions qui sont des aveux…
Nous noterons enfin que, dans son introduction, Seppi détaille comment la loi Labbé est « érodé » à coups d’exceptions dès qu’une impasse majeure est trop manifeste :
– « l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est autorisée pour l’entretien des voiries […] dans la mesure où leur interdiction ne peut être envisagée pour des raisons de sécurité, […] ou entraîne des sujétions disproportionnées sur l’exploitation routière. »
– « Cette interdiction ne s’applique pas non plus aux traitements [qui] s’avèrent nécessaires pour lutter contre un danger sanitaire grave menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique et ne pouvant être maîtrisé par un autre moyen, y compris une méthode non chimique. » Il s’agit bien d’un aveu de l’irresponsabilité de cette loi.
Notre conclusion
Bref, nous partageons l’avis de Seppi : la loi Labbé est irresponsable. Et le titre sarcastique de Seppi est justifié : c’est « la loi la bêtise… oups ! ».
En PS, Seppi fustige la série d’articles sur le bio dans le même numéro de Capital : « C’est nettement moins bon ». Il a malheureusement raison. Voir à ce propos « Agriculture Bio : une « polémik » très approximative de Capital »
[1] Union des entreprises de protection des jardins