L’article « [Avis d’expert] Les impasses d’une réglementation des perturbateurs endocriniens basée sur le danger » sur L’Usine Nouvelle, par Philippe Stoop, ingénieur agronome commence ainsi : « Que penseriez-vous d’un voisin qui ne sortirait jamais de chez lui sans un casque sur la tête, et vous expliquerait que c’est pour se protéger des météorites ? Qu’il abuse du principe de précaution ? Pourtant, il ne ferait qu’appliquer un nouveau principe de la réglementation européenne : un raisonnement basé sur le danger, et non sur le risque. »
La comparaison, provocante, n’en est pas moins pertinente. P Stoop le démontre parfaitement.
Le grand public confond souvent danger et risque. Les lecteurs de ForumPhyto savent que, pour les scientifiques chargés de l’évaluation des risques, les deux mots ont deux significations très différentes. Concrètement, « Risque = Danger x Exposition ».
P Stoop apporte deux éclairages intéressants :
– L’arbitraire du danger : La réglementation européenne prévoit que, pour les pesticides et le perturbateurs endocriniens, l’existence d’un danger suffit à entrainer l’interdiction des substances concernées, même en absence de risque constaté. Pour le grand public, « cette décision peut paraître une conséquence raisonnable du principe de précaution ». En fait, elle hautement pernicieuse : « Ce principe devrait conduire à l’interdiction de tous les moyens de transport : tous présentent des dangers, et même des risques parfaitement quantifiés. Cette nouvelle législation n’est donc applicable qu’à des domaines dont l’utilité ne parait pas évidente, choisis arbitrairement selon des critères politiques. »
– La boîte de Pandore ouverte : « théoriquement, n’importe quel résultat toxicologique ou épidémiologique isolé montrant une association entre un agent chimique et une pathologie pourrait être considéré comme démontrant un danger. Cela, même si ce résultat est unique et n’a jamais pu été répété depuis » L’exemple des controverses infinies autour du glyphosate est sans doute le plus manifeste. Pour courir le moindre risque, il faudrait « une exposition qui n’a rien à voir avec celle des utilisateurs de ce produit…même utilisé sans modération. » Les mêmes polémiques inutiles émergent à propos des perturbateurs endocriniens. En basant sa réglementation sur le danger et non le risque, l’union Européenne s’est enfermée dans un piège.
Philippe Stoop conclut : « Politiquement, il serait difficile de revenir maintenant en arrière, en rétablissant une réglementation basée sur le risque. Mais il faudrait au moins que les agences sanitaires s’entendent avec les autorités scientifiques pour définir des critères indiscutables de caractérisation du danger. Sinon, la législation va entretenir la spirale négative, dans laquelle la législation du principe de précaution discrédite toujours plus les agences censées en être les garantes, et effraie toujours plus les citoyens au lieu de les rassurer. »
La lecture de l’intégralité de l’article vaut la peine.
Philippe Stoop est familier aux lecteurs habituels de ForumPhyto. Il y a écrit plusieurs articles de fond, pédagogiques et clairs, sur la prudence nécessaire lors de l’interprétation de données statistiques. Voir par exemple :
« De la science à la propagande, suites : de la bonne utilisation du « buzz » »
« Intégrité scientifique et conflits d’intérêt : La grande confusion »
Pour aller plus loin :
« Clairement distinguer danger et risque. « Risque = Danger x Exposition » »
« Pour sourire : l’eau : un danger mortel ! »