L’Union Européenne a décidé d’autoriser le glyphosate pour une période de 5 ans. Les ONG environnementalistes hurlent. Le gouvernement Macron annonce toutefois vouloir interdire le glyphosate en France d’ici 3 ans. Reniant ainsi la promesse-clef de sa campagne électorale de ne plus « surtransposer la réglementation européenne »
Le dépit des environnementalistes
Persuadés qu’ils allaient avoir immédiatement la peau du glyphosate en Europe, les environnementalistes supportent mal la décision de l’UE, qu’ils perçoivent comme une défaite.
Certains environnementalistes font alors dans l’inflation verbale. En tête Biocoop, qui flirte sciemment avec le dénigrement :
En Allemagne ce dépit réveille les racines profondes d’extrême-droite des Verts : insultes et menaces de mort contre le ministre allemand de l’agriculture qui a soutenu le glyphosate à Bruxelles et perspective d’alliance avec l’AFD pour faire malgré tout interdire le glyphosate en Allemagne.
La raison revient partiellement sur la sécurité du glyphosate
Cependant, dans les médias, l’heure est parfois à un climat un peu plus serein.
Par exemple, dans « Europe 1 Social Club, le débat – glyphosate : dangereux ou pas ? – 30/11/17 », Frédéric Taddéi fait débattre Suzanne (GreenPeace), Corinne Lepage, Hervé Le Bars (AFIS) et Philippe Stoop (agronome). Comme le note Ariane Beldi, dans ce débat, les environnementalistes « Lepage ainsi que Dalle finissent par reconnaître à demi-mot [le caractère politique et philosophique de la position des opposants au glyphosate], lorsqu’elles se rendent compte que l’argument scientifique ne tient plus du tout la route dans cette discussion. Cependant, on constate que même sur le terrain politique et philosophique, elles rament aussi pas mal, parce qu’elles ignorent simplement nombre de considérations agronomiques et socio-économiques. »
Dans « Le glyphosate, les écologistes et la science », même FranceInter, grand pourfendeur du glyphosate, est obligé de reconnaître que « les écologistes se sont fourvoyés en accusant le glyphosate d’être cancérigène ». Evidemment, il ne peut s’empêcher de trouver d’autres maux, « environnementaux et sociaux », à l’utilisation du glyphosate (mais en fait il ne s’agit que de mauvais usages)
Mais c’est bien la politique qui gouverne le sujet
En Allemagne, comme l’explique Seppi, le vote favorable au glyphosate de Christian Schmidt, ministre de l’agriculture, est plutôt le résultat d’une « petite querelle » que celui d’une « grosse tempête ». Mutti Merkel a en fait réprimander Schmidt sur la forme, mais l’a approuvé sur le fond.
On notera que, avant même le vote européen, la Suisse a refusé d’interdire le glyphosate comme le lui demandaient Les Verts. Comme le remarque Olivier Masbou dans son blog notes : « Visiblement, en Suisse, on sait faire la balance entre le bénéfice et le risque. Vérité au-delà des Alpes, erreur en deçà… »
Cette décision fait d’ailleurs enrager les environnementalistes suisses comme le note Le Temps.
Dans « Renouvellement du glyphosate : Macron contre le reste de l’Europe ? », Jérôme Lassalle sur Contrepoints, en plus des aspects techniques, conclut surtout sur l’inconséquence grave d’Emmanuel Macron et Nicolas Hulot sur un point important : « Ils ont tout simplement tout mis sur le dos de l’Europe, trop partisane, trop technocrate et forcément liée aux lobbies. Non seulement il s’agit d’un camouflet terrible pour toutes les instances européennes, dont l’EFSA et l’ECHA, diminuant de facto la confiance des citoyens en ces institutions supranationales. Mais surtout, cette politique fait des premières victimes, à savoir les agriculteurs français, qui auront toutes les peines du monde pour se dépêtrer de la situation intenable dans laquelle le président jupitérien les a plongés. »
La FNSEA souligne le double langage du gouvernement
Dans « Glyphosate et réglementation : En quelques heures, le flagrant délit de « double discours » du gouvernement », Terre Net met en parallèle :
– le projet de loi du gouvernement « Pour un État au service d’une société de confiance », qui, le 27 novembre, réaffirme haut et fort : « Le droit européen est exigeant et partagé. Le transposer dans notre droit est une obligation, le sur-transposer est une dérive. […] Nous savons que la sur-transposition nourrit injustement le sentiment anti-européen, il est donc crucial de s’y attaquer. Sans compter qu’ajouter des contraintes pour les seuls citoyens français et entreprises de l’hexagone, c’est se pénaliser. » Le projet propose « une interdiction par principe de toute nouvelle sur-transposition »
– Quelques heures plus tard, Emmanuel Macron twitte : « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. »
La FNSEA a twitté une courte vidéo soulignant ce « double discours ».
La question du glyphosate est bel et bien sociétale. Ce n’est pas une question de santé ou d’environnement. Donc le gouvernement n’est pas fondé à faire jouer le principe de précaution, même dans sa version la plus totalitaire. Il n’est pas fondé à interdire le glyphosate… Sauf à aller à contre-courant de sa propre ligne politique !
En guise de conclusion, nous citerons le BlogNotes d’Olivier Masbou. Dans « Le glyphosate rend-il fou ? » il s’interroge : « Risquons une hypothèse : et si toute cette agitation, en Allemagne comme en France, n’était que du cinéma. Les dirigeants savent qu’il n’y a pas, pour le moment, et pour longtemps, de solutions alternatives au glyphosate, et à d’autres molécules chimiques. Seulement il faut donner des gages aux populations, alors on fait semblant de se chamailler, on prend des postures, on fait des déclarations définitives et dans trois ans ou dans cinq ans, on verra bien ! »
Sauf que, en attendant, on donne du grain à moudre aux marchands de peur. Et on sacrifie les agriculteurs.
Pour aller plus loin, de nombreux articles sur la question politique du glyphosate :
– « Est-il encore politiquement correct de protéger ses cultures ? » (BASF)
– « Glyphosate : l’indignité nationale et européenne » (Seppi)
– « Glyphosate : Un doigt de philosophie pour changer » par Daniel Guéguen sur blogactiv.eu
– « Zététique et journalisme – 17 – Glyphosate et humorisme » (Un Monde Riant)
– « Le glyphosate rend fou et irresponsable… le Monde » (Seppi)
– « Glyphosate : la même soupe politicienne, juste dans de nouvelles gamelles ? »