Sous ce titre (in English), Toxicology Letters publie un article scientifique d’universitaires français, américains et allemands.
Les principaux points abordés et discutés par cet article sont :
– Les définitions internationales des perturbateurs endocriniens (PEs)
– L’association des PEs avec le cancer du sein ou le syndrome d’anomalies de développement des testicules
– Le rôle essentiel de la notion de puissance dans l’évaluation des risques concernant les PEs
– Les effets additifs suite à l’exposition à plusieurs PEs
– Est-ce que l’exposition aux perturbateurs endocriniens chimiques pose un risque pour la santé humaine ?
L’étude est principalement centrée sur les produits d’hygiène, qui, comme les pesticides, sont souvent attaqués comme étant des perturbateurs endocriniens.
La notion de puissance de perturbation
Le point principal de l’argumentation des scientifiques est la comparaison de la puissance perturbatrice de plusieurs substances naturelles et artificielles.
En faisant l’analogie avec la puissance d’un moteur, si l’estradiol contenu dans une pilule contraceptive fait 1 000 000 CV, alors le coumestrol contenu dans du trèfle fait 10 000 CV, la génistéine contenue dans du haricot de soja fait 37 CV.
En comparaison, les substances de synthèse de type paraben qui sont utilisées comme conservateur dans des produits d’hygiène, font moins de 1 CV.
Note de ForumPhyto : De la même façon, aucun des pesticides aujourd’hui autorisés par l’UE n’a de pouvoir perturbateur significatif. Voir « Perturbateurs endocriniens : les pesticides et les autres » (en français, in English), schéma élaboré par ForumPhyto, compilant plusieurs sources scientifiques et comparant les expositions et les pouvoirs endocriniens de différentes substances.
La perturbation endocrinienne : Une préoccupation disproportionnée
Les principaux points du chapitre de conclusion de l’article méritent particulièrement l’attention. Nous en présentons ci-après une traduction très (trop ?) résumée.
Les perturbateurs endocriniens sont stigmatisés. Leur nom évoque la dangerosité, alerte l’attention des médias et provoque des peurs. Pourtant, en l’absence de données concernant le niveau d’exposition humaine et leur pouvoir perturbateur, les mots de perturbateurs endocriniens n’ont aucune signification en termes de santé humaine. Mais surtout la préoccupation concernant les substances de synthèse ayant une activité endocrinienne qui pourrait présenter un risque pour la santé humaine, est paradoxale. Si une telle activité, même faible, pouvait réellement présenter un risque potentiel, alors il serait logique de s’inquiéter de toutes les substances qui possèdent la même activité ; particulièrement quand des estrogènes puissants, comme les pilules contraceptives, sont pris par voie orale ou quand ils sont présents dans l’alimentation humaine, comme les phyto-estrogènes.
Au contraire, de nombreuses études épidémiologiques montrent que les puissantes pilules contraceptives, ou les isoflavones naturelles du soja, ou les autres phyto-estrogènes ne présentent aucun risque, ou un risque négligeable.
Il est donc difficile de concevoir comment des substances synthétiques qui ne sont pas mangées et qui possèdent une très faible fraction d’activité comparée à des substances pharmaceutiques ou naturelles, pourraient être dangereuses.
Note de ForumPhyto : Une thèse similaire a été développée spécifiquement pour les pesticides par Bruce Ames dans l’argument de la « tasse de café ». Voir ici sur ForumPhyto.
Bien que présents dans les aliments, les résidus de pesticides sont mangés en quantité extrêmement faible.
Dans la seule Union Européenne, plus de 150 millions d’euros ont été dépensés pour tenter de démontrer un effet néfaste des PEs (on peut d’ailleurs soupçonner certains scientifiques d’entretenir l’intérêt sur le sujet pour avoir du travail…)
L’hypothèse selon laquelle les PEs pourraient être à l’origine de problème de santé a été testée depuis près de 20 ans.
Sans succès.
Malgré le nombre très important de recherches, aujourd’hui, à l’exception des hormones synthétiques ou naturelles, pas une seule substance PE n’a été identifiée comme présentant un risque identifiable ou mesurable pour la santé humaine (à l’exception également des effets secondaires du distilbène (DES) connus bien avant que le terme de PE soit utilisé)
Les mécanismes qui pourraient être problématiques pour la santé ne sont pas clairement identifiés. Par exemple, il n’y a pas de relation causale entre une perturbation endocrinienne éventuellement observée in vitro et une atteinte à la santé.
Il est alors raisonnable d’être sceptique sur la validité de l’hypothèse d’un quelconque risque lié aux perturbateurs endocriniens synthétiques.
La pilule contraceptive : une expérience grandeur nature
De plus, la plus grande expérience de perturbation endocrinienne jamais réalisée a inclus plus d’un milliard de femmes et a duré plus d’un demi-siècle : la pilule contraceptive. Cependant, malgré une puissante activité oestrogénique, la pilule contraceptive ne pose pas de problème significatif de santé humaine, même prise quotidiennement sur une longue durée.
Il est intéressant de constater que la pilule contraceptive n’a jamais été la cible des lobbys anti-perturbateurs endocriniens. Il semble que la raison principale en est que l’attaque contre les produits chimiques est plus facile et rentable politiquement que contre les produits pharmaceutiques, spécialement la pilule. Les substances chimiques, après tout, sont perçues comme présentant un risque pour la santé et l’environnement, que cela soit scientifiquement prouvé ou non. Accuser la pilule contraceptive d’effets environnementaux indésirables est certainement moins tentant.
Naturel et artificiel
« De notre point de vue, écrivent les auteurs de l’article, « la saga PE semble être plus un problème politique que scientifique. »
De nombreuses substances naturelles ont montré une activité estrogénique ; avec des effets adverses concernant les isoflavones du soja. Uniquement in vitro, et sans démonstration d’un effet néfaste pour la santé pour par exemple : caféine, vitamines C, B9, B6, B3, sucrose, gingerol,…
On pourrait même poser une question provocatrice : La plupart des substances, administrées à une dose suffisante, ne n’affecteraient-elles pas un organe cible induisant une perturbation endocrinienne potentielle quelque part dans l’organisme. Par exemple le sel de cuisine est connu pour avoir des effets sur la pression sanguine. Il peut aussi interagir avec les pilules contraceptives. Boire de l’eau peut affecter l’adrénaline et les hormones rénales et hépatiques, telles que les niveaux d’aldostérone, de rénine ou d’angiotensine. Cela fait-il du sel ou de l’eau des perturbateurs endocriniens potentiels ?
Paradoxalement notre société est très tolérante envers des substances puissantes qui sont des PEs avérés et ingurgités par un grand nombre d’humains. Peut-être le seul problème des risques supposés des PEs chimiques est une autre version de la dichotomie insignifiante du « naturel bon contre l’artificiel mauvais ».
Il y a 150 ans, Alexandre Dumas écrivait, à propos de toute affaire criminelle, « cherchez la femme ! ». De nos jours, une telle affirmation apparait évidemment naïve et sexiste.
Mais aujourd’hui la croyance populaire serait plutôt : « cherchez le produit chimique ! » exprimant la croyance que, dans chaque affaire de santé humaine, les produits chimiques, synthétiques, artificiels, ont forcément un rôle clef. Et pourtant, n’est-ce pas tout autant naïf ?
Pour aller plus loin :
Télécharger l’étude « Endocrine disruption : Fact or urban legend ? » au format pdf.
Lire « Références sur les perturbateurs endocriniens » sur ForumPhyto