Le Tribunal de l’Union Européenne, saisi par la Suède, a condamné la Commission Européenne pour avoir manqué à ses obligations sur le dossier Perturbateurs Endocriniens (PE).
Elle devait spécifier avant fin 2013 « les critères scientifiques permettant de déterminer des propriétés qui perturbent le système endocrinien » dans les biocides.
De nombreux médias rendent compte de cette condamnation soit de façon succincte, soit en relayant la satisfaction des ONG environnementalistes.
Par exemple, la RTBF, FranceTVinfo, Euractiv, Le Monde, EU Observer (in English),
Dans un communiqué de presse, le ministère de l’Environnement français souligne que « Ségolène Royal [s’était] associée au nom de la France à la procédure à l’encontre de la Commission européenne. » et demande à l’ANSES d’expertiser une nouvelle vague de substances susceptibles d’être des PE (aucun pesticides n’est dans cette nouvelle liste).
La définition des perturbateurs endocriniens est importante dans le cadre de trois réglementations : Réglementation REACH (sur les produits chimiques en général, par exemple dans les cosmétiques), biocides et pesticides.
Un travail complexe
Deux points ont ralenti le travail de la Commission.
D’une part la définition scientifique de la perturbation endocrinienne. La perturbation est-elle permanente ou passagère, dommageable ou sans effet sur la santé ? A partir de quelle puissance perturbatrice doit-on la considérer comme significative ? La définition généralement retenue au niveau international (un effet dommageable et irréversible) est contestée par les ONG environnementalistes, qui souhaitent une interdiction totale quelle que soit la dose dès qu’un effet perturbateur est décelé, voire seulement soupçonné.
D’autre part « l’évaluation des impacts ». La Commission a estimé nécessaire de procéder à cette évaluation. C’est ce point qui est le plus vivement contesté par la Suède et par les ONG environnementalistes. Cette évaluation des impacts est pourtant prévue dans la réglementation biocides. Cette évaluation est complexe du fait que les conséquences réglementaires sont différentes pour une même substance seon son usage. On pourrait avoir par exemple, paradoxalement, une autorisation pour une substance donnée pour une utilisation dans des cosmétiques ou dans des biocides, mais pas dans un pesticide.
En réponse au Tribunal, la Commission maintient d’ailleurs qu’il est nécessaire de faire une évaluation des impacts. Elle annonce par ailleurs que cette évaluation devrait être terminée courant 2016.
Au total, contrairement aux théories complotistes diffusées par certaines ONG, c’est bien la complexité du sujet qui a provoqué le retard dans la décision.
Raison garder ?
En Europe, le débat sur les perturbateurs endocriniens a quitté depuis longtemps le terrain scientifique. Il est maintenant sous la pression permanente et forte des ONG environnementalistes, qui oublient d’ailleurs au passage le cas des perturbateurs endocriniens naturels. Car si l’on devait interdire toutes les substances suspectes ou ayant le moindre effet perturbateur même passager, on ne pourrait plus manger de soja, on ne pourrait plus boire ni eau, ni lait… Les mêmes ONG oublient aussi d’évoquer le cas de l’huile de neem (azadirachtine), pré-autorisée au niveau européen comme pesticide bio, mais dont les effets perturbateurs sont bel et bien avérés. Faudrait-il interdire toute utilisation de l’huile de neem aux agriculteurs bios ?
Les bases scientifiques de l’évaluation, et la raison, finiront peut-être par l’emporter…
Pour aller plus loin :
« « Perturbateurs endocriniens : l’Europe prend ses responsabilités » (Vytenis Andriukaitis, Commissaire européen à la santé) »
« Perturbateurs endocriniens : un débat sous influence ? »
« « Perturbateurs Endocriniens : fait ou légende urbaine » »