– Quels engagements des fournisseurs vis-à-vis des distributeurs ? (Shaffe)
– Clairement distinguer dépassement de LMR et risque consommateur (ANSES)
– Les pesticides contrefaits sont un danger croissant (Wall Street Journal)
– « Viticulture : la guerre des pesticides » (France 24)
Quels engagements des fournisseurs vis-à-vis des distributeurs ? (Shaffe)
Le groupe technique de SHAFFE (association des exportateurs de l’hémisphère sud) a édité un document destiné à guider les fournisseurs dans leurs engagements avec les distributeurs. Les distributeurs (essentiellement les grandes surfaces) exigent quelquefois que leurs fournisseurs s’engagent au-delà de la réglementation concernant les « pesticides. » Ces exigences extra-règlementaires ont souvent la prétention d’apporter plus de garanties sanitaires ou environnementales que la loi : fraction de LMR, non-utilisation de certaines molécules, etc.
Voir le document : en français, in English, Auf deutsch, en español
Quelques exemples des principes qui devraient guider les fournisseurs dans leur acceptation ou leur refus de s’engager vis-à-vis de leurs clients.
– La sécurité des aliments ne doit pas être un outil de compétition sur lequel les distributeurs se différencieraient.
– Les limites de sécurité des aliments doivent être établies sur la base de la preuve scientifique.
– Les LMRs sont établies en tenant compte du niveau de résidu conséquent à la maîtrise de l’organisme visé MAIS aussi des indicateurs de sécurité tels que la Dose de référence aiguë (ARfD) et la Dose journalière acceptable (DJA). Des restrictions résidus supplémentaires à la la LMR, utilisant l’ARfd ou la DJA, sont redondantes.
– L’harmonisation internationale devrait être renforcée pour faciliter les échanges, améliorer la confiance des consommateurs, et assurer la durabilité au niveau du fournisseur.
– Les fournisseurs d’alimentation et les organisations d’acheteurs sont encouragés à adopter une culture de la sécurité des aliments, où toutes les parties concernées prennent plus de responsabilités pour assurer une nourriture plus sûre.
– Demander des LMR à un pourcentage plus bas que les LMRs officielles est susceptible de nuire gravement à l’efficacité et à la gestion des résistances pour certaines substances actives, et risque de compromettre l’assurance de plantes saines et la qualité du produit.
– Les LMRs sont établies sont établies aussi bas que possible, mais de façon à ce que les PPPs (produits de protection des plantes) soient efficaces contre le bio-agresseur visé dans le pays de production.
– La restriction de l’usage de produits phytosanitaires peut être en contradiction avec les principes généralement acceptés de Bonnes pratique agronomiques (BPA/GAP) et/ou de Protection Intégrée (IPM).
En plus des principes exposés, SHAFFE fait mention dans son document du travail effectué sur la question des usages orphelins : dans le cadre du Groupe de travail phyto (CPWG) de GlobalGap et, en commun avec d’autres organisations, vers les autorités de l’Union Européenne (DG Sanco).
Pour plus de détails sur ce travail en cours, voir :
La question phytosanitaire à GlobalGap (octobre 2010)
Lettre (in English) (juillet 2011) de Copa-Cogeca, Areflh, Freshfel, Profel et ECPA, envoyée en ce sens à la DG Sanco.
Clairement distinguer dépassement de LMR et risque consommateur (ANSES)
Suite à dépassement de la LMR du Glyphosate sur des lentilles vertes bios venant de Turquie, l’ANSES (Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a été amenée à en évaluer le risque éventuel pour le consommateur.
Dans un avis de l’ANSES relatif à la présence de Glyphosate dans des lentilles vertes, sur des bases extrêmement prudentes (« conservatrices », c’est-à-dire en supposant par ailleurs des niveaux de résidus élevés), l’ANSES conclut « que les niveaux résiduels observés dans les lentilles vertes ne sont pas susceptibles d’induire de dépassement de la dose journalière admissible. »
Plus encore, dans un complément à cet avis, qui vaut la peine d’être lu dans son intégralité,l’ANSES, sur les mêmes bases d’expertise, a établi « la concentration maximale de Glyphosate dans les lentilles et les produits transformés à base de lentilles sans risque pour le consommateur ».
Conclusion de l’ANSES : « La concentration maximale de Glyphosate dans les lentilles, consommées telles qu’elles ou en tant qu’ingrédient, acceptable au regard du risque d’exposition pour le consommateur s’élève à 35,8 mg/ kg. » (soit 350 fois la LMR)
L’ANSES précise à juste titre que ces concentrations maximales (dans les lentilles et plats à base de lentille) « ne se substituent en aucun cas aux LMR en vigueur qui sont les seules teneurs limites règlementaires acceptables. Elles donnent uniquement une indication au gestionnaire pour décider la mise en place de mesures renforcées au regard du risque sanitaire, au-delà de la gestion des non-conformités. »
Ces conclusions illustrent et renforcent la claire distinction qui doit être faite entre LMR, limite réglementaire de bonnes pratiques agronomiques, et limite de résidu à prendre en compte dans le cadre du « Pack Hygiène ».
Pour aller plus loin et bien comprendre les enjeux d’une telle distinction, consulter :
Pack Hygiène et RASFF,
Et Résidus et notification (suite) in 1002PointsChauds
Les pesticides contrefaits sont un danger croissant (Wall Street Journal)
Sous ce titre (in English, résumé en français), le Wall Street Journal enquête sur le marché des « pesticides contrefaits » dans l’UE, son importance, ses implications en matière de droit international des échanges…
Le marché illégal des pesticides représenterait entre 5 et 15% du marché européen. Ils pèsent particulièrement lourd en Europe de l’Est et, bien qu’en régression et dans une moindre mesure, en Espagne. Ce marché est aujourd’hui contrôlé en partie par le banditisme organisé.
Outre les problèmes d’ordre strictement judiciaire, l’utilisation de pesticides contrefaits peut coûter cher aux producteurs, soit parce que les produits ne correspondent pas à ce qui est annoncé (d’où inefficacité, phytotoxicité, risque environnemental, …), soit en terme d’image de la production.
« Viticulture : la guerre des pesticides » (France 24)
Sous ce titre (vidéo et article, en français, in English), sous un chapeau « intelligence économique », France 24 enquête sur des achats frauduleux importants de produits phytopharmaceutiques en provenance d’Espagne, particulièrement en viticulture. « Pour les agriculteurs du Sud de la France qui ont parfois du mal à joindre les deux bouts, la tentation est grande de s’approvisionner en Espagne pour réduire leurs coûts de production. Mais pour ceux qui respectent la légalité, il y a là une vraie distorsion de concurrence. » Il y a aussi des risques liés à des différences possibles de composition, voire de produits frauduleux ou d’impuretés qui peuvent entraîner des destructions de récoltes.
Selon JC Bocquet, UIPP : « Aujourd’hui la distribution, les fournisseurs, la filière agricole responsable se mobilisent pour demander aux autorités soit d’accélérer les contrôles, soit d’appliquer la nouvelle réglementation européenne qui va justement réguler encore plus ces échanges parallèles. Parce que le commerce parallèle est tout à fait possible et nous le respectons, dans la mesure où c’est un commerce qui respecte la loi et qui ne met pas en péril la sécurité et la santé des consommateurs »
Logiquement, les pratiques frauduleuses doivent être dénoncées. En particulier, le trafic de produits contrefaits. Voir « Les pesticides contrefaits sont un danger croissant »
Cependant il doit être noté que, dans le reportage de France 24, le principal facteur déclenchant les achats en Espagne est la différence de prix pour des produits analogues autorisés en Espagne. Cette différence de prix peut avoir pour origine les politiques commerciales des firmes, mais aussi des surcoûts français liés à une volonté politique ; par exemple, la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) renchérit considérablement, voire démesurément dans certains cas, le prix des produits en France. Il peut arriver de plus que l’usage soit orphelin (ou mal pourvu) en France, ce qui renforce d’autant plus les tentations.
C’est donc bien globalement le manque d’harmonisation des réglementations phytosanitaires à l’échelle européenne, sans justification agronomique qui est la raison fondamentale de ce commerce transfrontalier. Par la « reconnaissance mutuelle », le règlement 1107/2009 devrait permettre de résoudre cette question à moyen et long terme. Dans l’attente, le « commerce parallèle », réglementaire, ne résout qu’une petite partie de la question.