Europe et international, Union Européenne

Conséquences des exigences extra-règlementaires des distributeurs (Agripol)

26 oct. 2011

Agripol est un réseau de consultants lié au monde universitaire spécialisé en politique agricole.
ECPA, association européenne des industries des produits de protection des plantes, a demandé à Agripol de  faire une « méta-analyse », c’est-à-dire une analyse de toutes les publications existantes sur les impacts socio-économiques clés des standards secondaires des distributeurs (« secondary retailers standards », SRS, in English), en particulier en ce qui concerne les produits de protection des plantes.
Cette analyse, indépendante, est maintenant disponible pour les organisations impliquées dans la filière agricole et alimentaire. L’étude explore bien toutes les conséquences, potentielles et effectives, positives et négatives des demandes des distributeurs.

Voir l’étude in extenso (in English)

Voir présentation de l’étude à destination des adhérents d’ECPA (in English)

 

A) Les conclusions principales de cette étude :

La question des exigences extra-règlementaires des distributeurs est connue aussi bien au niveau de l’UE qu’au niveau mondial. Les enjeux les plus discutés dans un contexte politique sont la compétitivité des filières et la qualité des produits.
Le secteur des fruits et légumes est plus touché que les autres par ces exigences.

Ni les règlements de l’OMC, ni les règlements européens n’empêchent les standards privés d’être plus restrictifs.
Aucune institution européenne ne voit le besoin en principe d’une réglementation à venir pour résoudre cette question des exigences privées. Toutefois, la Commission Européenne a publié en 2010 des « Orientations de l’UE relatives aux meilleures pratiques applicables aux systèmes de certification volontaires pour les produits agricoles et les denrées alimentaires ».


Impacts au niveau de la production :

On peut s’attendre à quelques effets positifs pour les petits producteurs, à condition que les coûts engendrés par la certification soient partagés. Mais les impacts à court terme sont négatifs si les producteurs ne peuvent pas être conformes aux exigences. Les impacts à long terme sont plus positifs si les producteurs peuvent être conformes aux exigences, au prix de l’exclusion des plus faibles. Les exigences extra-règlementaires sont un défi très difficile à relever pour les petits producteurs dans les cultures à haute valeur ajoutée, en particulier pour les producteurs des pays en voie de développement.

 

Impacts au niveau de la distribution et de la consommation :

Les distributeurs peuvent être considérées comme le principal bénéficiaire des exigences extra-règlementaires qu’ils édictent.
Cependant, ils ont quelques effets négatifs du fait d’avoir à gérer de multiples références : problèmes de confusion dans la mise en marché, de coordination, de logistique, etc. Les distributeurs devront harmoniser les standards pour résoudre ces questions.

Les consommateurs pourraient se sentir lésés par une alimentation moins disponible, de moins bonne qualité, avec moins de choix et plus chère. Cependant, la réalité vécue peut être sensiblement différente. Certains consommateurs ont une perception du risque qui les amènent à ressentir leur besoin de sécurité satisfait. Pour d’autres, ce sont juste des prix trop élevés pour le même produit…

 

Globalement :

Tous les maillons de la filière agro-alimentaire sont affectés, mais avec des types et des niveaux d’impact très différents selon les secteurs et la position dans la filière. Tous les groupes concernés sont affectés positivement et négativement
Cependant les producteurs (en particulier les petits producteurs) sont très affectés négativement à court terme

A long terme, les exigences extra-règlementaires des distributeurs sont susceptibles de provoquer des modifications considérables au niveau de la production.

Les producteurs pouvant répondre dureront dans le marché et peuvent espérer un gain, tandis que les autres sont marginalisés. Les conséquences positives pour les groupes pouvant satisfaire aux exigences s’accompagnent de l’éjection des producteurs qui n’arrivent pas à les satisfaire

 

 

 

B) Malgré la richesse de cette étude, elle présente des limites :

1) Fondamentalement, les exigences des distributeurs en matière de fractions de LMR ou d’interdictions d’utilisation de certaines matières actives sont contre-productives. Loin d’aller dans le sens d’une réduction des risques : Elles sont un facteur de création des peurs. Elles sont aussi un facteur d’augmentation des risques agronomiques, environnementaux et de sécurité des aliments.

L’étude mentionne ces points, mais sans en relever l’importance spécifique.

Or, les producteurs de fruits et légumes, du fait de l’importance de la question des usages orphelins, y sont particulièrement sensibles ; et leurs productions victimes de ces effets contre-productifs.

 

2) L’étude mentionne les « Orientations de l’UE relatives aux meilleures pratiques applicables aux systèmes de certification volontaires pour les produits agricoles et les denrées alimentaires ». Elle oublie cependant de souligner un point important de ces orientations :  « Toutes les allégations devraient être fondées sur des preuves objectives et vérifiables et sur une documentation scientifique solide. » (point 5.2)

Même si elles n’ont pas force de loi, ces orientations sont donc un point d’appui important pour les fournisseurs : Les demandes de distributeurs concernant des fractions de LMR ou la non-utilisation de certaines matières actives n’ont aucune justification scientifique. Ces exigences, très fréquentes malgré leur caractère contestable, devraient donc être logiquement rejetées par les fournisseurs. Cependant, les fournisseurs peuvent se sentir contraints de les accepter du fait du déséquilibre des relations commerciales.

Pour plus de précisions, consulter ces orientations de l’UE (en français, in English)


3) Les conséquences positives des exigences extra-règlementaires des distributeurs sont le plus souvent individuelles et à court terme. Par exemple : avantages concurrentiels d’un distributeur ou d’un producteur capable de satisfaire à des exigences souvent injustifiées, qui sont de fait des distorsions artificielles de concurrence, en particulier au détriment des petits producteurs ou des pays en développement.

Les conséquences négatives sont le plus souvent des risques collectifs, voire concernant l’ensemble de la société, et à moyen et long terme. Par exemple : développement de résistances des parasites, santé publique mise en cause du fait de craintes injustifiées, prix global de l’alimentation…

Or, dans l’étude, les conséquences positives des exigences secondaires des distributeurs sont mises sur le même plan que les conséquences négatives.

 

4) Même s’il en est un reflet, la demande des distributeurs n’est pas la demande des consommateurs. De fait, en « cristallisant » la demande sociétale par des exigences non justifiées scientifiquement, ces exigences amplifient les incompréhensions entre producteurs et consommateurs. La demande des consommateurs est plus diffuse, moins exprimée, moins structurée. Elle demanderait plus de concertation, de contact et d’explication mutuelle, que de règles se surajoutant inutilement à la réglementation.

 

Les limites de cette étude sont probablement plus le résultat d’une volonté de ne pas s’opposer de front à la sensibilité des distributeurs que celui d’une lacune.
L’étude d’Agripol reste un document important pour comprendre dans le détail les conséquences des exigences extra-réglementaires des distributeurs et guider l’action des acteurs de la filière agro-alimentaire ; en particulier dans la filière fruits et légumes, laquelle subit les effets négatifs les plus importants des standards secondaires des distributeurs.

 

Article connexe : Quels engagements des fournisseurs vis-à-vis des distributeurs ? (Shaffe)