Flash : Ecophyto R&D
FlashInfos rendant compte du colloque de Restitution de l’étude Ecophyto R&D par l’INRA le 28 janvier 2010
L’INRA et le Cemagref avaient publié en 2005 une expertise collective. Les conclusions de cette expertise avaient guidé les pouvoirs publics vers l’objectif de la « réduction de l’utilisation des pesticides ».
Suite à celle-ci, les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement avaient commandé à l’INRA une étude nommée « Ecophyto R&D » (R&D pour Recherche et Développement).
Le processus du Grenelle de l’environnement a franchi un pas sur les plans médiatique et politique avec l’objectif aujourd’hui connu de « réduction de 50% de l’utilisation des pesticides d’ici 10 ans, si possible ».
Exécutée par l’INRA, l’étude Ecophyto R&D s’insère donc maintenant dans le cadre d’Ecophyto2018. Il doit fournir aux pouvoirs publics des « scénarios », des « indicateurs » et tous les outils nécessaires pour mettre en œuvre l’objectif de réduction de 50%.
Le 28 janvier 2010, l’INRA a organisé un colloque de restitution pour rendre compte publiquement des travaux effectués. L’étude Ecophyto R&D n’est ni facile à lire, ni prête à l’emploi dans les exploitations.
Ouest France résume les conclusions de l’étude sous le titre : « Réduire l’usage des pesticides : un casse-tête ». Même tonalité sur le Figaro.fr, qui relève de plus « le manque de données et de références fiables » dans l’étude.
Quelques grands points se dégagent en effet des documents publiés et du colloque du 28 janvier :
– L’INRA, malgré un certain volontarisme quant à la faisabilité de l’objectif de réduction de 50%, ne peut cacher la difficulté de le réaliser sans entacher gravement le niveau de production.
– L’étude est un modèle. La validité du modèle n’a pas fait ses preuves. Plusieurs hypothèses de base ont été contestées par des instituts techniques.
– Des expérimentations complémentaires devront être effectuées pour valider ces modèles.
– Certains points devront être mieux pris en compte : incidences sur la qualité des produits, incidences économiques sur les filières, …
– La nécessité de compléter les indicateurs de volume d’utilisation par des indicateurs d’impact fait maintenant consensus.
– Consensus également sur la nécessité de ne pas remettre en cause la compétitivité de la « ferme France » et de convaincre les producteurs à partir de démonstrations concrètes plus que par la contrainte réglementaire.
– L’innovation est également un facteur-clef aussi bien pour le développement des mesures préventives que pour l’élaboration de nouvelles substances ou l’amélioration des conditions d’application.
Le Colloque de restitution du 28 janvier a été l’occasion pour tous les acteurs (instituts, organisations professionnelles, ONG, UIPP…), y compris INRA, d’exprimer ces objectifs plus réalistes et plus concrets.
Les « niveaux de rupture » envisagés
L’étude Ecophyto R&D était organisée autour de « niveaux de rupture », censés décrire des attitudes différentes quant à l’utilisation des pesticides en agriculture. – Même s’ils sont utiles dans le cadre d’une étude macro-économique comme Ecophyto R&D, ces niveaux ne correspondent pas vraiment à la réalité : les situations concrètes sont plus « hybrides » et la prise en compte des notions de protection et de production intégrée par les agriculteurs a été sous-estimée. – Les descriptions des niveaux d’utilisation ne peuvent pas tenir lieu de définition des appellations retenues. |
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Abréviation | Niveau d’utilisation des pesticides dans l’exploitation agricole | Appellation retenue |
NA | Situation actuelle | Niveau actuel moyen |
N0 | Pas de limitation du recours aux pesticides | Agriculture intensive |
N1
|
Limitation du recours aux pesticides par le raisonnement des traitements en fonction de seuils d’intervention | Protection
Raisonnée |
N2a
|
N1 + mise en œuvre de méthodes prophylactiques et alternatives à
l’échelle (annuelle) de l’itinéraire technique d’une culture de la rotation |
Protection intégrée |
N2c | N1 + mise en œuvre de méthodes prophylactiques et alternatives à l’échelle (pluriannuelle) de la succession de cultures | Production intégrée |
N3
|
Mise en œuvre du cahier des charges de l’Agriculture biologique (suppression de tout traitement avec des pesticides de synthèse) | Agriculture
Biologique |
Quelques réserves à Ecophyto R&D
Dans les « cahiers d’acteurs », les instituts techniques ont fait part de leur réserves quant aux hypothèses et/ou à la méthodologie employée.
Par exemple, p 15, Arvalis relève « l’absence de logique sur l' »impact environnemental des pratiques », par exemple, le lien entre l’IFT et les risques environnementaux », « a émis à de nombreuses reprises des doutes sur la validité de certaines de ces hypothèses que les données expérimentales disponibles contredisaient » et a estimé que la méthodologie choisie « ne permet que de comparer des situations – objectifs, et ne traite ni des variabilités de résultats, ni des aspects qualitatifs des produits, ni encore des trajectoires entre un état initial et un état final. »
Le CTIFL, p 22, estime que « La référence à l’Indice de Fréquence de Traitement (IFT) sur les produits commerciaux, même si elle est explicitée, est illégitime à ce jour pour les Fruits et Légumes sur les plans scientifique et technique. »
Parmi les acteurs économiques, Coop de France a surtout souligné la nécessité de prendre en compte l’ensemble des contraintes : « La défense du revenu agricole de nos adhérents agriculteurs, la limitation de l’impact de l’activité agricole sur l’environnement, notamment en matière de qualité de l’eau, le respect de la qualité sanitaire des produits et la réponse à la demande des marchés, tant en terme de prix, de diversité que de qualité. »
L’UIPP, p 47, a souligné « l’absence de solidité scientifique ou peu représentative » qui « doit entraîner une extrême prudence dans leur interprétation et le choix des scénarios à privilégier ».
Tous ces points ont également fait l’objet d’interventions diverses durant le colloque
Le consensus : travailler concrètement et réduire les impacts
Malgré des points qui font encore débat, tous les acteurs soulignent l’importance de travailler maintenant concrètement pour faire d’Ecophyto R&D un outil vers une réduction importante des impacts.
Les instituts demandent des moyens pour mettre en place des expérimentations pour « valider ou infléchir les hypothèses retenues », « évaluer les conséquences environnementales réelles des choix techniques opérés » (Arvalis p16 des « cahiers d’acteurs »).
Coop de France souhaite participer aux expérimentations qui seront mises en place et plaide pour la prise en compte des attentes du marché et la réduction de tous les impacts environnementaux, y compris émission de gaz à effet de serre par exemple.
L’UIPP souligne surtout l’importance de la « recherche d’indicateurs de risques, indicateurs d’impact et indicateurs socio-économiques » et d’un renforcement des actions concrètes engagées, en recourant aux encouragements plutôt qu’aux contraintes réglementaires ou aux taxes. Voir le communiqué de presse de l’UIPP pour plus de détails
Les organisations environnementalistes sont également d’une certaine façon dans ce consensus. Par exemple, F Veillerette, MDRGF, dans une intervention de la salle a souligné à propos des IFT qu’il existe « un autre moyen qui pourrait contribuer à faire un peu diminuer les IFT de manière intelligente. Pourquoi n’exclurait on pas du calcul des IFT les substances alternatives homologuées ne possédant aucun classement de toxicité pour la santé et l’environnement, comme certains éliciteurs à base d’algues par exemple ? »
On pourrait rajouter la prise en compte de tous les moyens permettant de réduire réellement l’impact au prorata de l’efficacité réelle à diminuer cet impact : substances peu polluantes, rapidement dégradables et/ou traitements localisés, amélioration du machinisme… Cette idée est cohérente avec le fait de prendre en compte l’ensemble de l’impact réel des traitements.
L’étude Ecophyto R&D sur le site de l’INRA :
Communiqué de presse de l’INRA
Résumé (8 pages)
Synthèse (90 pages)
Rapport d’étude (9 tomes) :
Tome I : Méthodologie générale, 76 pages
Tome II : Analyse comparative de différents systèmes en grandes cultures, 218 pages
Tome III : Analyse comparative de différents systèmes en viticulture, 84 pages
Tome IV : Analyse comparative de différents systèmes en arboriculture fruitière, 68 pages
Tome V : Analyse comparative de différents systèmes en cultures légumières, 118 pages
Tome VI : Analyse ex ante de scénarios de rupture dans l’utilisation des pesticides, 90 pages
Tome VIII : Inventaire des dispositifs d’acquisition de références existants, 138 pages
Tome IX : Conception d’un réseau d’acquisition de références et d’un réseau d’information, 100 pages
Cahiers d’acteurs (68 pages)