L’AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique) s’est rendue sur place pour évaluer concrètement les pratiques, la faisabilité et les résultats du « mas de Beaulieu » en Ardèche, la ferme de l’association Terre et Humanisme, inspirée des thèses de Pierre Rabhi et qui expérimente l’agro-écologie. Voir l’article de l’AFIS : « Terre et Humanisme : Notre visite chez des agroécologues ardéchois » : Des gens sympathiques ; Mais beaucoup d’amateurisme et d’idéologie mâtinée d’ésotérisme.
Bastamag encense l’agroécologie
La curiosité de l’AFIS avait été éveillée par « S’initier à l’agroécologie : mode d’emploi », un article de Bastamag, média sensible aux thèses environnementalistes, qui en vantait les mérites : « En terme de rendements, la production maraîchère du mas de Beaulieu n’a rien à envier aux productions intensives classiques. Sans recourir aux pesticides ni aux engrais chimiques, en s’appuyant quasi exclusivement sur les énergies renouvelables [et avec 4 fois moins d’eau] »
Fréquemment, certaines organisations environnementalistes affirment « L’agro-écologie peut nourrir le monde. Nul besoin de l’agriculture productiviste ».
La visite de l’AFIS au Mas de Beaulieu
Le compte-rendu de la visite de l’AFIS prend la forme d’un reportage détaillé, vivant et abondamment illustré, alternant analyse et échange oraux avec les animateurs.
Tous les points cruciaux sont analysés : gestion de l’eau, fertilisation, protection des plantes contre les ravageurs, etc.
Comme sur les autres sujets, les réponses des animateurs concernant les difficultés pour protéger les plantes ont « le mérite de l’honnêteté ». Par exemple concernant les attaques de mildiou sur tomates : « On a beaucoup de mal. On leur fait quand même des pulvérisations [ à base d’orties, prèles ou consoude], donc ça maintient quelque chose, mais vous voyez on arrive fin août et ça y est bien déjà depuis trois semaines ». Photo à l’appui : les pieds de tomates sont en très mauvais état…
De plus, l’AFIS a voulu aller plus loin : gouvernance, financement, travail des stagiaires et bénévoles et niveau réel de production.
L’autonomie complète et les bons résultats, affichés par Bastamag sont très loin de la réalité.
Le mas de Beaulieu fonctionne économiquement parce qu’il y a des apports extérieurs importants (y compris fumier) et une main d’œuvre abondante et bon marché : stagiaires et bénévoles.
En fin de parcours, à propos de pratiques telles qu’un mésentère de cerf accroché au faîte de la maison pour recueillir les influences cosmiques, les animateurs parlent de biodynamie, de vibrations, de l’influence des planètes, mais nient vigoureusement tout lien avec l’astrologie.
Les conclusions de l’AFIS
Pour l’AFIS, « Ce sont manifestement l’amateurisme et l’idéologie qui prévalent en ces lieux, avec une petite touche de croyances ésotériques pour finir de décrédibiliser l’entreprise »
En termes de production, le résultat est désastreux. En termes d’expérimentation, « le résultat est là aussi confondant, voire désarmant, puisque les animateurs n’ont tout simplement aucune notion de la moindre procédure expérimentale rigoureuse qui leur permettrait de valider quelque expérimentation que ce soit. »
« Par contre le Mas de Beaulieu est assez rationnel si l’on considère qu’il n’est pas une « ferme », mais un outil de communication. Il faut le considérer comme une vitrine de l’association. »
Tout cela n’est pas bien grave, selon l’AFIS, « tant que l’on est simplement face à des jardiniers amateurs qui vivent de l’aide des autres et font des expérimentations sans méthode »
« Là où notre sympathie envers des gens que nous avons trouvés de compagnie agréable trouve ses limites, c’est lorsque deux lignes rouges sont franchies :
– Lorsque, comme l’indique l’article de Bastamag, Terre et Humanisme affirme intervenir dans des lycées agricoles de la région, c’est à dire dans des établissements laïcs où sont normalement enseignés des savoirs validés selon une démarche scientifique.
– Surtout, lorsque Terre et Humanisme explique que les méthodes agroécologiques qu’elle promeut sont capables de nourrir 9 milliards d’habitants au XXIe siècle, et quand elle prétend, dans une sorte d’ écolo-ethnocentrisme candide, aller dans d’autres endroits du monde expliquer aux paysans comment il faut s’y prendre chez eux pour assurer leur subsistance (alors que les « formateurs » ne sont déjà pas capables de le faire pour eux), nous sommes plutôt gagnés par une forme de colère. (…) »
La lecture de l’intégralité de l’article de l’AFIS, au moins de sa conclusion, vaut la peine.
Quelques unes des photos du reportage de l’AFIS :