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Perturbateurs endocriniens : 1° avis de l’EFSA et polémique encore à venir

27 mars 2013

Logo EFSA L’EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments) a rendu un premier avis scientifique sur les perturbateurs endocriniens.  L’EFSA « souligne que toutes les substances actives sur le système endocrinien ne sont pas nécessairement des perturbateurs endocriniens ». Une position relativement équilibrée qui mécontente certains environnementalistes.

 

La question réglementaire

Le règlement européen 1107/2009 interdit que des perturbateurs endocriniens soient présents dans les produits de protection des plantes. L’avenir réglementaire de nombreuses substances dépend des critères retenus pour caractériser la perturbation endocrinienne.
Problème : lors de l’adoption du texte, la définition de ce caractère endocrinien n’était pas claire. Le règlement prévoit donc que « le 14 décembre 2013 au plus tard, la Commission présente au comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, des propositions de mesures concernant les critères scientifiques spécifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne devant être adoptées conformément à la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 79, paragraphe 4. »
L’avis de l’EFSA est une première clarification dans ce sens et est donc important.

 

La question de fond

La perturbation endocrinienne est une vraie question de santé publique qui ne doit pas être négligée. En perturbant le système hormonal de certains organismes, certaines substances, même à très faible dose, peuvent avoir un effet négatif sur la santé humaine ou dans l’environnement (en particulier sur des organismes aquatiques).

De nombreuses substances, synthétiques ou naturelles, très communes ont un « effet » endocrinien : phytoestrogènes, lait, pilules contraceptives (par définition), de nombreux médicaments, filtres UV, d’anciens pesticides (DDT, …), etc.
Toute la question est de qualifier et de quantifier l’exposition à ces substances et leurs effets
:
Cet effet est-il faible ou important, positif ou négatif, réversible ou non ?
Comment sommes-nous exposés à ces substances : contact cutané, ingestion, inhalation ?
A quelles doses ?
Quelles sont les doses provoquant un effet ?

 

La position de l’EFSA

Dans son avis, l’EFSA, s’appuyant sur l’avis de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) fait clairement la distinction entre « effet » et « perturbation ». Pour l’EFSA, pour qu’il y ait perturbation endocrinienne il faut « l’existence de preuves raisonnables démontrant que la substance peut générer un effet nocif résultant de son interaction ou interférence avec le système endocrinien. »

Voir le communiqué de presse de l’EFSA (en français, in English).
Voir le questions/réponses (FAQs) de l’EFSA (en français, in English)
Voir le résumé et l’avis complet (1.3MO) de l’EFSA (all in English).

L’avis expose à la fois les acquis de la science sur ce sujet et les domaines sur lesquels faire pointer le principal des recherches.
Cependant l’EFSA note également que plusieurs questions couramment soulevés par des ONGs ne sont pas forcément liées à la question de la perturbation endocrinienne : évaluation des effets à faible dose, ou des effets des « mélanges chimiques ».

Globalement, en publiant son avis, l’EFSA peut afficher être dans les temps pour l’échéance réglementaire, mais a fait un travail minimaliste.

 

Des médias relativement équilibrés

Sous le titre « L’EFSA ouvre la voie à une réglementation des perturbateurs endocriniens dans l’alimentation », Euractiv offre un bref résumé de toutes les positions.

Etonnament, dans le Monde, Stéphane Foucart, habituellement très environnementaliste, a commis un article relativement équilibré, soulignant les difficultés de cette expertise et l’intense pression à laquelle ont été soumis les experts de l’EFSA.

La complexité de la question, ressentie par les commentateurs non directement engagés, a sans doute contribué à ce relatif équilibre.

 

L’avis de l’industrie phytosanitaire

Pour l’ECPA (association des industries phytos), l’EFSA a émis un avis trop tardif et incomplet. L’ECPA soutient qu’ « Un avis scientifique fiable et indépendant est important afin de garantir que la réglementation européenne s’attaque aux inquiétudes confirmées et non aux craintes. Un retour plus large à une évaluation des risques et non des dangers contribuerait de manière significative à cet objectif »

Voir le communiqué de presse d’ECPA (in English)

 

Des contestataires dans une spirale infernale ?

Le lobby environnementaliste est très actif sur ce terrain depuis de nombreuses années, avec une vision maximaliste de la définition de la perturbation endocrinienne… sauf pour les substances naturelles !

Centrés sur une demande d’interdiction du Bisphénol A, utilisé en revêtement dans des emballages, des ONGs environnementalistes ont amené le Parlement Européen à voter un rapport pour l’interdiction généralisée des perturbateurs endocriniens synthétiques. Voir « Perturbateurs endocriniens : le Parlement Européen n’en veut plus ! » par Michèle Rivasi, députée européenne Europe Ecologie.

Le lobby environnementaliste a réagi violemment à la publication du rapport de l’EFSA : pour eux, il faut « donner une définition claire et large de ces substances dangereuses » et les interdire. Aussi, pour eux, la distinction faite par l’EFSA est illégitime et scandaleuse.
Sous le titre « L’Europe divisée sur les perturbateurs endocriniens », le blog pourquoi-docteur lié au Nouvel Observateur prend fait et cause pour cette position des ONGs.
La réaction la plus emblématique est celle du Réseau Environnement Santé (RES) qui titre : « « Lost in confusion » : L’avis de l’EFSA sur la perturbation endocrinienne contribuera-t-il à protéger la population et la faune sauvage ? » Pour le RES, l’avis de l’EFSA, « c’est le Père Ubu au secours de l’immobilisme ! et malheureusement, l’immobilisme profite aux intérêts industriels à court terme mais certainement pas à résoudre la situation sanitaire et environnementale. »
Le rapport Exppert1 de Générations Futures (des experts très auto-proclamée…, mais de véritables militants antipesticides) s’alarme de voir partout des pesticides perturbateurs partout. Voir « Semaine sans pesticides, etc. : Sommes-nous cernés par les pesticides ou par les marchands de peur ? ».

Cette logique visant à une définition maximaliste pourrait se révéler être une spirale infernale pour les environnementalistes. Car on rencontre des substances ayant des effets endocriniens temporaires ou bénins non seulement dans les pesticides honnis et les emballages en plastiques, mais aussi dans des substances naturelles présentes dans l’alimentation, dans des pesticides bios (huile de neem), dans des produits anti-UV, des produits de beauté, etc.

D’ailleurs, en toute logique, si l’on veut interdire toutes ces substances, il faut également interdire toutes les pilules contraceptives. Il n’est pas sûr que les femmes apprécient ce genre de retour aux années soixante.

Les mois qui viennent vont voir la polémique enfler sur les perturbateurs endocriniens.
Pour les experts scientifiques, le plus difficile dans ce débat est de ne pas céder à la pression médiatique ; et de faire comprendre en quoi cette polémique est essentiellement basée sur une peur injustifiée de « l’artificiel » par rapport au « naturel ». Peur savamment entretenue par le lobby environnementaliste alarmiste.
L’argument de fond de la tasse de café de Bruce Ames est sans doute plus que jamais utile : il démontre de façon imagée, mais rigoureuse, en quoi la préoccupation des résidus de pesticides dans l’alimentation est globalement vaine. Les aliments sont, sur ce point, absolument sûrs. Lire «Les idées reçues : la tasse de café»

 

Pour aller plus loin :

Sur ForumPhyto :
« Effets à faible dose, perturbateurs endocriniens : le point par l’EFSA »
« Perturbateurs endocriniens : les pesticides et les autres » (en français, in English)
« Rapport Kortenkamp pour l’UE sur les perturbateurs endocriniens, leurs effets sur la santé et l’environnement »
« La santé : augmenter les micronutrients… et cesser de se préoccuper des résidus (Bruce Ames) »

Sur le site de l’Union Européenne :
Rapport Kortenkamp sur les perturbateurs endocriniens : rapport complet (2MO), annexes 1 (6MO), 2 (1MO) et 3 (2.5MO) (all in English)
Questions/réponses (FAQs) de l’EFSA
sur les perturbateurs endocriniens (en français, in English)