Le ministère de l’agriculture vient d’autoriser, « à titre dérogatoire pendant 120 jours (jusqu’au 5 janvier 2014), l’utilisation du dioxyde de soufre pour la lutte contre le frelon asiatique. » Cette autorisation dérogatoire intervient après un lobbying insistant d’apiculteurs via des députés EELV.
Alerte Environnement, dans « Frelon asiatique : le ministère de l’agriculture est bien peu regardant ! », livre quelques éléments surprenants concernant cette décision :
– « L’évaluation de [l’efficacité] repose uniquement sur des déclarations d’apiculteurs et d’applicateurs. »
– « Le dioxyde de soufre a été cité comme produit utilisé par les non- professionnels de la désinsectisation, et notamment par les apiculteurs. Son mode d’action est mal connu, Il semblerait que son effet soit immédiat (effet choc), cette substance provoquant la mort des insectes par asphyxie. Il a également été observé que des larves paraissent comme liquéfiées après le traitement, ce qui serait peut-être dû à la baisse de la température dans le nid, observée avec ce type de traitement. »
– « En termes d’effets observés sur les frelons, il n’apparait pas que le SO2 soit plus efficace que d’autres produits déjà présents sur le marché, formulés à base de substances actives évaluées dans le cadre des TP18. Il serait dans certains cas même moins efficace.(…) une destruction mécanique des morceaux du nid est nécessaire pour les éradiquer. La destruction complète du nid s’achève par une incinération. »
Sur cette base, Alerte Environnement conclut, à juste titre : « En conclusion, on peut homologuer un biocide sans évaluation réelle de ses avantages. Quand des producteurs de fruits et légumes sont face à des impasses agronomiques, le dossier à fournir est largement plus costaud. »
Bien d’autres anomalies mériteraient sans doute d’être signalées concernant cette décision.
Par exemple, :
– selon la réglementation européenne, en matière de biocide comme en matière de protection phytosanitaire, une dérogation 120 jours sur un produit non inscrit à l’annexe 1 peut être accordée « en vue d’un usage limité et contrôlé en cas de danger imprévu ne pouvant être maîtrisé par d’autres moyens. » Or le frelon peut être maîtrisé par des produits présents sur le marché et dont les substances actives sont inscrites à l’annexe 1. Ces produits sont même plus efficaces que le dioxyde de soufre.
– De plus, il n’y a aucune perspective d’inscription du dioxyde de soufre à l’annexe 1 en tant que produit anti-parasitaire de la directive européenne sur les biocides.
– Autre exemple : Pour l’applicateur, le dioxyde de soufre représente un danger intrinsèque au moins comparable aux substances conventionnelles (voir page 12 à 25 du rapport de l’ANSES). Le dioxyde de soufre présente des effets toxiques avérés (irritation, etc.) ou suspectés (cancers, toxicité pour la reproduction, etc.). D’autres effets ne sont pas encore évalués (neurotoxicité).
Notre conclusion : Malgré son relatif manque d’efficacité et ses effets toxiques non anodins, il peut être utile que le dioxyde de soufre soit autorisé (solution complémentaire, peu onéreuse), moyennant des précautions lors de l’application. En ce sens, on ne peut que saluer cette décision ministérielle.
Il pourrait être utile que le ministère de l’agriculture soit aussi bienveillant, et surtout aussi pragmatique, envers les demandes des producteurs de fruits et légumes, qui, eux, font face à des impasses complètes !
Pour aller plus loin :
– Communiqué des ministères de l’environnement et de l’agriculture mentionnant l’autorisation temporaire pour le recours au dioxyde de soufre pour la destruction des nids de frelons asiatiques.
– Rapport de l’ANSES concernant le dioxyde de soufre pour un usage anti-parasitaire.