Divers, Veille sociétale

Pesticides : Colloque à double jeu à l’Assemblée Nationale

31 janv. 2014

Le 30 janvier 2014, Gérard Bapt, député socialiste, organisait un colloque à l’Assemblée Nationale sur le thème « Pesticides : santé et biodiversité ». Un colloque globalement militant anti-pesticide par principe, alimenté par les marchands de peur professionnels habituels. Mais aussi des interventions concrètes et enrichissantes d’experts scientifiques.

A juste titre, Alerte Environnement titre « un colloque pipé par les écologistes » et remarque que toutes les associations « ultra militantes écologistes » sont là : « Générations Futures, Phyto victimes, Fédération nationale d’agriculture biologique, Union Nationale de l’Apiculture Française… Qu’il est bon de se retrouver entre petits copains salle Victor Hugo. Sans avis opposé…. » On note même selon Alerte Environnement « des discussions dans les couloirs, créant un soupçon de collusion entre les représentants de l’ANSES, comme Marc Mortureux, Gérard Lasfargues et les ONG écologistes. »

Des militants, et certains politiques, caricaturaux…

Sur le terrain de la caricature, Sophie Dugué, présidente de l’UNAF (Union Nationale des Apiculteurs de France), par exemple,  a entièrement et sans nuance attribué la disparition des abeilles aux néonicotinoïdes et au Régent, sans jamais citer les autres facteurs : nourriture, génétique, varroa, nosema…

Mais la palme revient sans doute à Marie-Christine Blandin, sénatrice Europe Ecologie Les Verts (EELV), criant victoire à l’adoption d’une loi interdisant définitivement les usages non-agricoles des pesticides, et surtout s’offusquant que des gens osent défendre une dérogation en cas de nécessité de lutter contre des organismes classés nuisibles. Il est vraiment scandaleux aujourd’hui, selon elle, de classer des organismes comme nuisibles. C’est un langage du passé : il n’y a maintenant que de la biodiversité.
Elle devrait aller jusqu’au bout : Laissons les chenilles processionnaires dans les arbres au-dessus d’un parc ! Laissons les rats envahir les locaux des écoles et des hôpitaux ! Laissons les palmiers, attaqués par le charançon rouge, tomber sur un passant !

Madame Blandin, vous avez raison, il y a effectivement une biodiversité positive ! Et les progrès de la science nous invitent à être plus prudents qu’il y a 50 ans quant aux effets en chaîne de moyens de protection des plantes trop brutaux. Il peut être par exemple utile de conserver des lieux où les coquelicots peuvent subsister et ainsi mieux nourrir les abeilles.

Mais, comme évoqué précédemment lors du colloque par Olivier Le Gall, INRA, il y a aussi une « biodiversité négative » ! Il existe des « organismes nuisibles » dont la nature pourrait se passer sans inconvénient majeur, et que l’homme souhaite au moins maîtriser, voire, dans certains cas, éradiquer : le criquet pèlerin qui était déjà une des 10 plaies de l’Egypte, le charançon rouge du palmier, le mildiou, l’oïdium, les insectes de stockage des grains, la mouche drosophila suzukii des fruits rouges, le virus de la sharka, la cercosporiose du bananier, le taupin de la pomme de terre,  et quelques centaines ou milliers d’autres.

Larves de Drosophila Suzukii dans une cerise

Larves de Drosophila Suzukii dans une cerise

Qui est prêt à manger cette cerise, avec pourtant un supplément de protéines ?

Sans compter les pestes qui touchent directement les humains : la peste bien sûr, mais aussi, les poux, les puces, les agents de la rougeole, de la variole, de la poliomyélite, de la tuberculose, etc.

Non madame Blandin : la nature n’est pas unilatéralement bienveillante ; les agriculteurs protégeant leurs cultures ne sont pas des monstres voulant détruire la biodiversité. Les pesticides ne sont pas le mal absolu. Ils peuvent être utiles.

Des interventions de valeur de la part d’experts

Cependant des experts ont fait des interventions remarquables de qualité.
Deux exemples :
Laure Le Douce, MSA, a exposé les moyens concrets de réduire l’exposition des opérateurs au moment de la préparation de la bouillie : poste de remplissage, équipement de protetion, etc. Ainsi que les actions pédagogiques mises en œuvre.
Etienne Hainzelin, CIRAD, a exposé les résultats du plan Banane Durable des Antilles, montrant comment de bonnes pratiques effectivement en  place permettent de réduire les traitements phytosanitaires ; mais non pas de les exclure.

Isabelle Baldi (INSERM), Olivier Le Gall (INRA), et quelques autres ont également fait des interventions intéressantes…

Se voulant neutre, La France Agricole a fait un compte-rendu du colloque rendant compte de ses aspects scientifiques et politiques… et passant sous silence les aspects militants caricaturaux.

Ce colloque a été un savant mélange de science, de politique et de militantisme et a été d’une très grande confusion. Les scientifiques ont exposé leur travail, sérieux. Les militants n’ont écouté de ces exposés que la partie qui va dans leur sens, et se sont sentis renforcés par les interventions des politiques les plus jusqu’auboutistes.  Et pendant ce temps, les autres politiques et l’administration naviguent à vue et jouent un jeu trouble.
Le problème : sur le terrain, les usages orphelins se multiplient, les problèmes s’accumulent ; On entretient dans le public l’idée fausse d’une nature a priori bienveillante.
Et on sacrifie la production agricole… et la santé publique !