Gilles-Eric Séralini persévère : il publie une nouvelle étude selon laquelle les pesticides commercialisés (substance actives + co-formulants), sont 2 à 1000 fois plus toxiques que les substances actives seules. Un point sur la teneur de l’étude, sa médiatisation et les réactions qu’elle suscite.
Une opération de communication pour nourrir les militants anti-pesticides par principe
On se souvient tous des rats de l’affaire Séralini de 2012 : son étude sur les OGM avait fait grand bruit du fait d’une orchestration médiatique sans faille, même s’il est apparu clairement qu’elle ne valait rien sur le plan scientifique. Elle a été réfutée par toutes les agences officielles de sécurité. Voir ici, ici et ici sur ForumPhyto. Elle a été retirée fin 2013 par l’éditeur même qui l’avait publiée.
Générations Futures, en collaboration avec Séralini, a organisé une nouvelle opération fin janvier 2013, cette fois sur les pesticides. Voir le communiqué de presse de Générations Futures
Certains médias reprennent l’information qui nourrit leurs a priori habituels.
Voir par exemple : « A partir de quelle dose un pesticide devient-il dangereux ? » (Médiapart) ou l’interview vidéo de Séralini par France3 Basse Normandie.
La plupart des médias reprennent quasiment sans modification la dépêche de l’AFP, rendant compte de cette étude sans recul ni critique. Avec toutefois un peu plus de prudence que lors de l’affaire Séralini de 2012.
Voir par exemple : Le Figaro, Ouest France, Le Parisien, La France Agricole.
Même si les réseaux sociaux militants relaient l’étude, globalement les médias, sans doute échaudés par l’affaire de 2012, n’en font pas leurs gros titres.
Que vaut cette étude ?
L’étude elle-même présente deux défauts rédhibitoires majeurs sur le plan scientifique :
– Comme l’écrit LM Houdebine sur le forum de l’AFIS (accès restreint) : « GE Séralini fait toujours la même erreur: il confond la toxicité et la cytotoxicité. Si on avale de l’eau de mer en se baignant on souffre au pire de petites nausées. Si on ajoute un tant soit peu d’eau de mer dans le milieu de culture, les cellules crèvent. L’eau de mer est cytotoxique mais non toxique (à dose modérée bien entendu). Dans un organisme les cellules sont protégées par leur environnement qui restreint le contact entre elles et le milieu environnement. Les molécules que nous ingérons sont pour la plupart inactivées par le système digestif, le système immunitaire et le système de détoxification hépatique. Les tests de cytotoxicité ne sont donc pas prédictifs de la toxicité in vivo, sauf pour les molécules extrêmement toxiques bien entendu. Voilà pourquoi nous sommes contraints de faire des tests sur des animaux entiers. »
– Les concentrations de pesticides auxquelles les cellules sont soumises dans l’étude sont plusieurs milliers (voire millions) de fois plus importantes qu’elles ne sont susceptibles de l’être dans la réalité.
Ces failles, et quelques autres, sont expliquées et développées par plusieurs critiques scientifiques.
Sous le titre « Séralini a recommencé ! » (in Englsih), Ravingsscientist détaille quelques points de fond et souligne qu’il serait temps que « l’université de Caen évalue les recherches du labo de Séralini et s’interroge sur ses liens avec le groupe militant GRIIGEN, qui a clairement une influence sur le type, et plus important encore sur la qualité de la recherche qui y est menée. »
Sous le titre « Pesticides, il a dit pesticides ? », Laurent Berthod souligne qu’en 2009, un avis de l’AFSSA[1] avait déjà formellement invalidé la méthode consistant à mettre des cellules en culture dans une solution pour évaluer la toxicité de ladite solution. Il conclut : « Sur ce point Monsieur Séléralini est donc un récidiviste de la contrevérité ».
Sur le site Imposteurs, sous le titre sarcastique de « Pesticides et vieilles ficelles : le séralinisme sans limite », Wackes Seppi fait une analyse détaillée, sans concession et avec une certaine verve, de la méthode Séralini. Il y démontre comment la logique propagandiste et militante est déjà présente dans l’étude elle-même. Il conclut en se demandant si l’ANSES[2] aura le courage de son prédécesseur AFSSA. Ou si elle succombera « aux attentes présumées d’une opinion publique manipulée et à celles, certaines, de ministres donnant la priorité à leurs convictions personnelles (et à leur intérêt politicien) (…) Churchill ou Chamberlain ? »
Cette nouvelle opération de Séralini est déjà invalidée sur le plan scientifique.
La question est maintenant politique : les pouvoirs publics, les politiques, vont-ils continuer à couvrir ce que l’on peut qualifier au mieux d’élucubration et probablement tout simplement de fraude caractérisée ?
Pour aller plus loin :
L’étude complète de Séralini sur le site de la revue Hindawi
Le communiqué de presse de Générations Futures
« Pesticides, il a dit pesticides », l’essentiel pour démonter la logique séralinienne
« Pesticides et vieilles ficelles : le séralinisme sans limite », analyse détaillée et pleine de verve de Wackes Seppi sur le site d’imposteurs
Avis de l’AFSSA en 2009 invalidant une étude précédente de Séralini qui utilisait la même méthode
Petite digression sarcastique nécessitant de comprendre la langue de Shakespeare :