La SNHF[1] (donc s’adressant aux jardiniers) et les ministères de l’environnement et de l’agriculture ont mis en ligne cette interview vidéo en situation de Guy Savoy, chef étoilé, en cuisine. Le message affiché : « les pesticides… apprenons… à nous en passer ».
Fort justement, Guy Savoy y explique, avec poésie et tendresse, la magie de la cuisine, qui est l’art de « transformer instantanément des produits chargés d’histoire ».
Mais, en conclusion, il lui faut bien remplir le contrat : expliquer qu’il faut « se passer des pesticides ».
Alors Guy Savoy nous dit ce qu’il lui faut pour faire ses (très) bons plats : « Un produit parfaitement authentique qui a poussé dans les conditions…, dans les mêmes conditions que l’auraient fait pousser nos grands-parents, arrières grands-parents ou autres, c’est-à-dire en faisant tout simplement attention à ne pas utiliser de produits phytosanitaires, laisser faire en quelque sorte la nature. Et on s’aperçoit que lorsqu’on laisse faire la nature, on fait des produits, qui sont peut-être un peu moins standardisés, qui ont quelques imperfections, mais on est certain qu’ils ont toutes leurs qualités gustatives, toutes leurs qualités nutritives, et qu’on est, encore une fois dans l’authentique »
Et il dit tout cela devant des fruits et légumes parfaits et parfaitement standardisés…
Et là, on peut poser plusieurs questions :
Guy Savoy sait-il que ce ne sont pas des jardiniers qui cultivent les fruits et légumes qu’il prépare ?
Sait-il que ce sont des professionnels, en agriculture raisonnée ou en bio, soucieux de qualité ET protégeant leurs cultures contre les nombreux bio-agresseurs qui les menacent ? Sait-il que les producteurs doivent protéger leur culture contre les attaques des parasites exotiques toujours plus nombreux et diversifiés ?
Sait-il que ces professionnels font certes « attention à ne pas utiliser – trop – de produits phytosanitaires », mais qu’ils utilisent des produits phytosanitaires de façon raisonnée, aussi peu que possible, mais chaque fois que nécessaire ?
Guy Savoy veut-il vraiment « qu’on laisse faire la nature » ? En tant que cuisinier, laisse-t-il lui-même faire la nature ?
Guy Savoy est-il si sûr que les fruits et légumes produits par « nos grands-parents, arrières grands-parents ou autres » étaient l’idéal du cuisinier ? N’est-ce pas là du simple passéisme ? Pourquoi l’histoire, dont les fruits et légumes sont le résultat, devrait-elle s’arrêter ?
Bref : un chef étoilé peut-il réellement donner des conseils d’agronomie à des producteurs… ?
Nous sommes prêts à accueillir Guy Savoy sur une exploitation maraîchère ou fruitière pour lui faire toucher du doigt la réalité.
[1] Société Nationale d’Horticulture de France